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Accidents de la route : l’accent sur la formation au lieu de la répression

Le nombre de morts sur nos routes a dépassé la dizaine en moins de deux mois. Pour beaucoup d’observateurs, le comportement des automobilistes est la cause principale des accidents. Toutefois, d’autres facteurs entrent en jeu. Il s’agit de l’infrastructure routière et du manque de formations adéquates des automobilistes.

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Parmanund Bhadaye, président de l’association des moniteurs d’auto-école, explique que le système d’enseignement devra changer. La formation des automobilistes se fait de façon clinique et classique, selon lui. Ce moniteur affirme que les apprentis chauffeurs ne font qu’apprendre à la lettre ce qu’il y a dans les manuels concernant le code de la route. Dans la pratique, les apprentis ne font que retenir les trajets parcourus lors des examens pour l’obtention du permis de conduire.

« Nous, en tant que moniteurs, poussons les futurs chauffeurs à adopter une bonne attitude sur la route mais il faudrait formaliser cette pratique »,  recommande Parmanand Bhadaye. Le moniteur affirme qu’en plus des cours pratiques, il faudra obligatoirement ajouter une formation théorique pour les aspirants chauffeurs. Notre interlocuteur souligne que la meilleure façon de s’y prendre, c’est d’établir un calendrier selon lequel les automobilistes devront passer un certain nombre d’heures dans une salle de classe et sur la route. « Il faut aussi élargir les zones où s’effectue l’apprentissage. Certains chauffeurs qui obtiennent leurs permis ne savent pas comment négocier un rond-point. D’autres ne savent pas se comporter sur la route », affirme notre interlocuteur. Il explique que l’association a fait une requête auprès du ministère des Infrastructures publiques et du transport pour obtenir une ébauche du nouveau règlement qui imposera un cours de recyclage pour les moniteurs d’auto-école.

Ces règlements sont au State Law Office, fait ressortir une source autorisée du ministère des Infrastructures publiques et du transport. Elle ajoute que l’amendement à la Road Traffic Act a été effectué et maintenant, le ministère se penche sur la sensibilisation des automobilistes. Il affirme que la formation et l’éducation seront l’arme qu’utilisera le gouvernement cette année pour dissuader les chauffards. D’ailleurs, le budget pour les campagnes sur la sécurité routière est passé de Rs 5 millions en 2016 à Rs 20 millions en 2017.

Les fonctionnaires du ministère, accompagnés des membres de la force policière, se rendront dans les écoles et les collèges pour conscientiser les jeunes. Le ministère compte aussi placer des panneaux et des spots publicitaires dans les médias. « Il y a un besoin urgent de former les plus jeunes et de sensibiliser les chauffeurs aguerris, fait valoir la source. L’attitude de certains chauffeurs doit changer car c’est en grande partie responsable des accidents de la route. »

Cependant, notre interlocuteur concède que l’attitude n’est pas l’unique responsable. L’infrastructure routière a aussi sa part de responsabilité. Il y a d’abord l’inefficacité des ‘speed cameras’ et ainsi, 70% des motocyclistes, qui se font prendre par les caméras, n’arrivent pas à être identifiés. D’ailleurs, le ministère a lancé un appel d’offres pour une étude sur les caméras et leur efficacité. L’évaluation des offres se fera à partir du 15 février. Le ministère vient aussi avec le « point to point » sur les routes afin de prendre ceux qui accélèrent au-delà de la limite de vitesse autorisée après les caméras.

Le Pont Mattar retient l’attention

De plus, Rs 60 millions seront déboursées cette année pour la réparation des routes, des ponts et des barrières. Il souligne qu’il y a une évaluation des zones à risque et des ‘black spots’. Une zone en particulier attire l’attention du ministère. Il s’agit du Pont Mattar à Réduit. Le nombre d’accidents serait dû à la topographie de la route et à la négligence, indique notre source, « Toutefois, cela reste à être confirmé. » Une campagne sur l’importance de la pneumatique est en préparation. Cette campagne devra informer les automobilistes sur les dangers d’avoir des pneus en mauvais état ou de pneus inadéquats. D’ailleurs, beaucoup d’accidents ont pour cause une défaillance au niveau de l’adhérence des pneus.

L’Inspecteur Shiva Coothen de la Police Press Office fait ressortir que les patrouilles de la police s’intensifient sur nos routes. « Il y a davantage de contrôles durant les week-ends et les barrages routiers sont effectués systématiquement. »


Manoj Rajkoomar, secrétaire de l’Association des Moniteurs d’Auto-école : «Les campagnes n’aident pas à changer le comportement»

La série noire des morts sur nos routes se poursuit cette année. Est-ce un problème d’attitude ou d’infrastructure ?
Pour moi, c’est le comportement des usagers de la route qui est la cause principale des accidents. Si c’était l’infrastructure, il y aurait eu des accidents à chaque fois sur ce qu’on appelle des ‘black spots’. Même sur les ‘black spots’, il n’y a parfois pas d’accident car les conducteurs prennent leurs précautions. Je pointe du doigt les imprudents et ceux qui ont la folie des grandeurs et la vantardise. Nos routes sont sûres, pas à 100%, mais il y a beaucoup d’efforts à faire. Il y en a dans certaines régions qui sont déplorables, je l’avoue, mais c’est un facteur mineur.

Croyez-vous que les campagnes de sensibilisation ont un effet sur les Mauriciens ? Les infrastructures routières ont-elles un rôle à jouer ? Comment ?
Nous menons des campagnes depuis des années et rien ne change. Au contraire, la situation empire. Si nous restons statiques dans la façon de faire une campagne de sensibilisation, rien ne changera. Les gens ont besoin de voir l’impact d’un accident sur une famille. Il faut choquer le public. Placer plutôt une voiture accidentée dans un endroit stratégique pour que les gens la voient. Les panneaux avec des messages ne choquent pas. C’est une solution à court terme. Pour le long terme, il faudra aller dans les écoles pour éduquer les jeunes.

À votre avis, imposer des règlements peut-il réduire le nombre d’accidents ? Pourquoi ?
Les règlements plus sévères imposés récemment n’ont servi qu’à emprisonner des chauffards et remplir les caisses de l’État. Cela a un impact sur leurs familles. Il faudrait toucher là où cela fait mal. Touchez à leurs temps. Obligez-les à venir se défendre en cour au lieu d’aller payer l’amende à la poste. Surtout obliger des chauffards à effectuer du travail social comme aller sensibiliser les gens dans un lieu public pendant un certain nombre d’heures. Qu’ils aillent faire des travaux communautaires comme aller réparer les routes ou les infrastructures routières qu’ils ont endommagées. Cela les forcera à réfléchir.

Dites-nous quel est la meilleure formule pour réduire les accidents ?
Les gens doivent comprendre que les accidents ont une conséquence sur les gens et leurs familles. Pour chaque infraction, il faudra que le permis des contrevenants soit suspendu. Il faut qu’ils aillent suivre un cours de formation pendant un certain temps pour pouvoir débloquer leurs permis. Les sanctions financières ne sont pas efficaces car la majeure partie des gens qui ont une voiture ont aussi le moyen de payer des amendes.


Les motocyclistes dans le viseur

Les derniers chiffres fournis par le Central Statistical Office démontrent qu’entre janvier et juin 2016, 38% des accidents impliquaient des motocyclettes. Les automobilistes sont à 34% de la totalité. Les accidents d’autobus et de poids-lourds ne comptabilisent que 6%. Un responsable du ministère des Infrastructures publiques et du transport précise que la formation des moniteurs de moto-école est en cours. Le ministère veut implémenter une moto-école par district.  Un responsable des Casernes Centrales fait ressortir que les moto-écoles auront pour but d’inculquer de bonnes valeurs au motocycliste. « Lors des examens aux Casernes, ils respectent parfaitement les règles et finissent par obtenir leurs permis. C’est-à-dire qu’ils connaissent les règlements mais ne les respectent pas », constate le policier. Les formateurs devront leur enseigner les techniques de conduite, les responsabilités d’un motocycliste, le respect de la loi et des autres usagers de la route et surtout les conséquences d’un « acte de folie ».

La Réunion, un exemple à suivre

À La Réunion, le nombre d’accidents en 2016 est en nette diminution comparé à 2015. Concernant l’alcool au volant, La Gendarmerie réunionnaise a recensé huit cas d’alcool au volant sur 24 accidents en 2016 contre 12 cas sur 21 accidents en 2015. L’île sœur a mené une campagne se sensibilisation agressive dans les écoles, les salles de cinéma et dans la rue, entre autres. De plus, un module sur la sécurité routière dans les écoles a été introduit en 2015 de même qu’une forte présence de la police sur les routes de l’île.

(Source: Linfo.re et www.reunion.gouv.fr)


72 cas de hit and run et 68 accidents fatals

pour le premier semestre de 2016. Ces chiffres confirment qu’il y a bien un problème sur nos routes. Les accidents mineurs se comptent, eux, par millier. Le gouvernement et les mouvements civiques redoublent d’effort pour réduire l’hécatombe.

 

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