
Maurice, septembre 2023. Une famille ordinaire, vivant à Albion, se retrouve plongée dans un cauchemar qui soulève de sérieuses questions sur les méthodes employées par certaines unités policières spécialisées et sur la pratique alléguée du « drug planting ». Ismaël Bacsou, éleveur de profession, son épouse Fariiha et leur fils mineur sont au centre de cette affaire, dont les détails sont consignés dans un affidavit que nous avons pu consulter. Cette enquête a été diffusée dans la première édition de l’émission d’investigation Zone d’ombre : au cœur des vérités interdites, vendredi sur TéléPlus.
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Entre 2022 et 2023, plusieurs personnalités politiques ou proches de partis politiques ont été arrêtées pour trafic présumé de drogue par la Special Striking Team : Bruneau Laurette, Vimen Sabapati et Akil Bissessur. Tous étaient des politically exposed persons et ont dénoncé des pratiques alléguées de « drug planting », reprochant à l’ancien régime d’utiliser ses unités spécialisées pour piéger des opposants ou des personnes proches du Parti travailliste.
Dans ce contexte, Ismaël Bacsou devient, selon ses déclarations, la nouvelle victime d’une opération policière aux méthodes controversées. Son affidavit détaille chaque étape de l’opération, les violences alléguées, et met en lumière la Flying Squad, autre unité spécialisée opérant de manière similaire à la Special Striking Team. Cette unité est rattachée à la Line Barracks de Port-Louis.
Les révélations contenues dans l’affidavit concernent non seulement l’intrusion dans sa maison mais également des directives alléguées d’anciens membres du gouvernement pour orchestrer ce qu’Ismaël Bacsou qualifie de « piège policier ».
La descente fatidique
Le 20 septembre 2023, aux alentours de 21 heures, la famille Bacsou ne se doute de rien. Selon l’affidavit, un 4x4, une voiture et un van stationnent devant son portail. Plus de dix personnes, selon le récit d’Ismaël Bacsou, forcent l’entrée de la maison, arrachent les caméras de surveillance et plongent la famille dans l’horreur.
Dans son affidavit, Ismaël Bacsou affirme avoir été frappé violemment dans sa salle de bain. Son fils, âgé de 16 ans, tente d’intervenir mais est attaqué et gravement blessé au pied par un bâton pointu. Sa blessure nécessite trois interventions chirurgicales et laisse des séquelles irréversibles.
Parallèlement, Fariiha Bacsou aurait été humiliée, immobilisée sur son lit, tandis qu’un des officiers l’aurait frappée au ventre. L’affidavit souligne que ces actes auraient eu lieu dans leur propre domicile, sans défense possible de la part de la famille.
Pendant l’opération, environ Rs 400 000 en espèces et des bijoux disparaissent. Selon Ismaël Bacsou, certains objets volés auraient été placés dans un pull appartenant à son fils et déposés dans un véhicule, alors que la fouille se poursuivait à l’intérieur.
Arrestation et détention
Après la descente, Ismaël Bacsou est informé qu’il sera embarqué. Sur les images disponibles, il apparaît avec des traces visibles de coups et non menotté lors de son arrestation.
Selon son affidavit, il aurait été soumis à des pressions pour coopérer et modifier ses déclarations concernant la drogue saisie. Un autre élément surprenant concerne le cannabis retrouvé : l’odeur, qui interpelle son avocat, Rama Valayden, révèle qu’il s’agirait de cannabis avarié, sans valeur. Cette information est confirmée, selon l’avocat, par la police lors d’une audience en cour.
Ismaël Bacsou indique également que les services de son homme de loi initial, Rama Valayden, ont été remplacés par ceux d’un autre avocat, Rouben Mooroongapillay, sous la menace de ne pas obtenir sa liberté conditionnelle.
Le cannabis avarié et la valeur marchande contestée
La police a déclaré que le cannabis retrouvé avait une valeur marchande d’environ Rs 1,6 million. Or, selon l’affidavit et les constatations médicales et légales, il s’agissait d’une substance avariée et inutilisable. Cela interroge sur la crédibilité de l’opération et alimente des soupçons de « drug planting », selon Ismaël Bacsou.
La bande sonore et les révélations politiques
Dans son affidavit, Ismaël Bacsou soutient avoir rencontré Bobby Hurreeram au Riche Terre Mall en juin 2025. Une discussion et un appel téléphonique enregistré révèlent, selon Bacsou, que l’ancienne ministre Naveena Ramyead et un avocat seraient impliqués dans la mise en place de ce piège allégué.
Cette bande sonore, consultée par TéléPlus, constitue un élément central de l’enquête, mais reste contestée par les personnes citées.
Contacté au téléphone, Bobby Hurreeram déclare qu’il s’agit de fausses allégations et que l’enregistrement pourrait être manipulé.
Quant à l’ancienne ministre, Naveena Ramyead, elle nie toute implication et affirme ne pas connaître Ismaël Bacsou.
De son côté, l’homme de loi Rouben Mooroongapillay nie en bloc les allégations et qualifie les accusations d’« insensées ». Il invite Ismaël Bacsou à porter plainte à la police et avance qu’« il n’y a qu’une seule vérité et qu’elle éclatera ».
La police, contactée officiellement, indique que l’enquête est toujours en cours et qu’elle ne peut faire de commentaires.
Quatre mois en détention
Ismaël Bacsou est resté quatre mois en détention et a été inculpé sous une charge provisoire de trafic de drogue et possession de cannabis à des fins de distribution. Sa liberté conditionnelle lui a été accordée le 29 janvier 2024, après reconnaissance que le cannabis saisi était inutilisable.
L’affaire est encore en cours, et la thèse de « drug planting » demeure la première ligne de défense d’Ismaël Bacsou.
Questions troublantes
L’affaire pose plusieurs questions. « Drug planting » ou pas, comment justifier la violence et l’humiliation d’une mère de famille et de son fils mineur ? Quel type de trafiquant conserverait du cannabis avarié, déclaré pourtant d’une valeur marchande de Rs 1,6 million ? Y a-t-il eu réclamation du Reward Money alors que cette drogue n’avait aucune valeur marchande ?
Ces faits, rapportés dans un affidavit, jettent une lumière troublante sur des pratiques policières, entre justice et abus de pouvoir, et sur la vulnérabilité des citoyens face à des interventions jugées arbitraires.
Note : Les faits exposés dans cet article sont cités par Ismaël Bacsou dans un affidavit. Toutes les personnes mentionnées ont été sollicitées pour donner leur version des faits. Les réponses obtenues ou les démentis exprimés sont intégrés dans ce dossier.

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