
À l’occasion de la Journée mondiale des enseignants, deux figures majeures du secteur éducatif mauricien livrent leur réflexion sur le rôle fondamental des enseignants et les défis croissants auxquels ils sont confrontés.
Publicité
Le Dr Varma parle de « pacte collectif »
Pédagogue, sociologue, ancien directeur du Mauritius Institute of Education (MIE), le Dr Om Nath Varma a passé sa vie à réfléchir au rôle de l’enseignant. Pour lui, tout commence par une rencontre. « Ce que nous sommes aujourd’hui, c’est parce qu’à un moment donné, nous avons croisé la bonne personne. L’enseignant est sans doute l’acteur le plus influent dans notre parcours de vie », affirme-t-il.
Mais le décor a changé. Les enfants d’aujourd’hui ne ressemblent plus à ceux d’hier. « Le monde évolue, et avec lui, le comportement des élèves. Les écrans et les médias façonnent leur manière d’apprendre. L’information circule vite, parfois trop vite. Cela crée de nouveaux défis, surtout au niveau du primaire », observe-t-il.
Face à cette mutation, l’école n’est plus seule en première ligne. La concurrence vient désormais des smartphones et des tablettes. Le Dr Varma ne cherche pas de coupables, mais il insiste sur la responsabilité collective. « On ne peut pas freiner le progrès, mais il faut réinventer le rôle parental. Laisser un enfant seul devant la télévision ou un écran, n’est-ce pas aux parents de réguler cela ? De fixer des limites, du temps d’écran, par exemple ? »
Il se souvient avec une pointe de nostalgie des années 1990. « Il était plus facile d’enseigner. Les enfants bavardaient en début de classe, mais après quelques mots, ils se calmaient. Aujourd’hui, il faut innover, définir de nouveaux paramètres. L’éducation, ce n’est pas seulement l’école : c’est un pacte entre parents, enseignants, élèves et direction. »
Ce qui l’inquiète aussi, c’est l’absence d’engagement au-delà des horaires de cours. « Maurice est peut-être le seul pays où l’enseignant arrive cinq minutes avant la classe et repart juste après. Ailleurs, les enseignants restent : ils font le bilan de la journée, préparent le lendemain, échangent avec leurs collègues. C’est ce climat, cette disponibilité, qui fait la différence. L’élève le ressent, et c’est ainsi qu’il apprend. »
Valoriser ceux qui façonnent demain
À l’occasion de la Journée mondiale des enseignants, les syndicats mauriciens mettent en lumière les défis majeurs du métier. Cette année, deux voix du monde syndical se distinguent : Yugeshwur Kisto, président de la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU), et Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union (GTU), qui rappellent l’urgence de valoriser les enseignants, tant sur le plan humain que professionnel.
La GSSTU consacre une journée entière à la réflexion sur deux enjeux cruciaux : la santé mentale des enseignants et l’amélioration de leur statut professionnel. « Nous aborderons la gestion du stress, l’organisation du travail et la prévention de l’épuisement professionnel », explique Yugeshwur Kisto. Mais cette journée va plus loin : elle ouvrira le débat sur les conditions de travail, la rémunération, les avantages sociaux, la progression de carrière et la charge de travail des enseignants.
Le président de la GSSTU insiste sur la nécessité de renforcer les moyens mis à leur disposition : formation continue, ressources pédagogiques et équipements adaptés sont indispensables pour garantir un enseignement de qualité. « Cette réflexion collective nous permettra de proposer des actions concrètes, tant au niveau syndical qu’auprès des autorités éducatives, pour améliorer durablement notre métier et restaurer la reconnaissance que méritent les enseignants », précise-t-il.
Cette journée sera aussi un moment de rencontre et de solidarité. « Partager nos expériences renforce notre cohésion et notre capacité à relever les défis du métier », conclut Yugeshwur Kisto.
De son côté, Vishal Baujeet rappelle que la Journée mondiale des enseignants célèbre la contribution de ceux qui consacrent leur vie à l’éducation. « Même si les résultats de leur travail ne sont pas toujours visibles immédiatement, les enseignants plantent chaque jour les graines du savoir qui nourriront toute une vie », souligne-t-il. Pour lui, l’avenir de Maurice se construit dans les salles de classe, où les enseignants sont les piliers du système éducatif.
Face aux nombreux défis, il est crucial que tous les acteurs de l’éducation s’unissent pour garantir aux enseignants un travail décent, un salaire équitable et des conditions de travail valorisantes. « Ils doivent être reconnus, soutenus et valorisés », insiste Vishal Baujeet. La GTU réaffirme son engagement à défendre leurs droits et à contribuer à leur épanouissement personnel et professionnel. « En cette journée spéciale, nous remercions tous les enseignants pour leur dévouement. Grâce à eux, l’avenir se construit, jour après jour », souligne-t-il.
Mila Dosieah annonce l’introduction d’un module IA dès janvier 2026
À partir de janvier 2026, tous les futurs enseignants formés au Mauritius Institute of Education (MIE) auront un passage obligé : un module consacré à l’intelligence artificielle (IA). Une première à Maurice, qui illustre la volonté d’adapter l’école aux mutations technologiques.
Pour Mila Dosieah, directrice du MIE, l’IA n’est pas une menace mais une chance. « C’est une opportunité formidable pour enrichir l’apprentissage, tant pour les élèves que pour les enseignants », affirme-t-elle. L’idée ? Former les enseignants selon leur niveau, leur donner les clés pour créer du contenu interactif et intégrer l’IA de façon réfléchie dans leurs cours.
Elle n’oublie pas de saluer l’engagement des enseignants, qu’elle qualifie de « remarquable ». « Ils portent plusieurs casquettes : éducateurs, psychologues, accompagnateurs. Ils passent énormément de temps avec leurs élèves et affrontent des défis qui dépassent parfois la salle de classe. »
Au cœur du projet du MIE, une mission claire : accompagner et outiller les enseignants. « Nous ne voulons pas que les élèves se retrouvent en situation d’échec. C’est pourquoi nous misons sur le mentorat, les stages pratiques et des formations sur mesure, adaptées aux besoins de chacun, qu’il soit enseignant débutant ou confirmé. »
Elle insiste sur l’importance d’une éducation inclusive : « Aucun élève ne doit être laissé de côté, qu’il soit en situation de handicap ou qu’il ait des difficultés d’apprentissage. Les attentes évoluent, et nos programmes doivent s’y ajuster. »
Et à ceux qui hésitent encore à embrasser la carrière d’enseignant, Mila Dosieah adresse un message vibrant : « C’est un métier noble, qui doit être exercé avec passion. Tous les enfants sont nos enfants. Les accompagner, c’est leur offrir les meilleures chances de réussite. »
Les chiffres de l’enseignement à Maurice
Selon les dernières données du Bureau des statistiques, Maurice compte :
- 1 893 enseignants au niveau préscolaire
- 4 583 enseignants dans le primaire
- 1 193 enseignants pour les langues asiatiques, l’arabe et le kreol morisien
- 8 986 enseignants dans le secondaire

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !