Dans un monde où l’information circule à une vitesse fulgurante, la tentation de publier avant de vérifier est présente, mais les conséquences peuvent être dramatiques. L’affaire des bonbons supposément contaminés par de la drogue, relayée sans vérification, en est l’illustration parfaite. Le fact-checking apparaît plus que jamais comme un rempart contre la désinformation. Un rôle essentiel pour les journalistes, mais aussi pour chaque internaute.
Informer, éduquer et divertir sont les trois principales missions de la presse. Dans une ère où l’information circule à la vitesse de la lumière, la rigueur journalistique est plus essentielle que jamais. Pourtant, certains médias en ligne, obsédés par la primeur et la quête du buzz dans un souci d’attirer les « likes », les « views » et les « shares », négligent la vérification des faits.
Or, publier ou diffuser une information à toute vitesse, sans vérification ni contre-vérification, peut avoir de graves conséquences. L’incident survenu le samedi 25 janvier 2025 en est une illustration frappante. Ce jour-là, des images d’une femme distribuant des friandises devant une école primaire ont enflammé les réseaux sociaux. Rapidement, une rumeur s’est propagée : ces bonbons seraient contaminés par de la drogue.
La plateforme Channel News a relayé ces images sur sa page Facebook en y inscrivant la légende suivante : « Devant l’école primaire Raoul Rivet, une femme a été vue en train de distribuer des bonbons supposément contaminés par de la drogue aux enfants » (sic). L’information s’est répandue comme une traînée de poudre, suscitant l’inquiétude des parents et soulevant un tollé sur la Toile.
L'infobésité
Quelques heures plus tard, la réalité a rattrapé la fiction. Après des analyses scientifiques, la police a confirmé qu’il ne s’agissait pas de drogue mais de simples friandises. La femme mise en cause a pris la parole pour expliquer son geste qui n’était qu’un acte de générosité. Channel News a rectifié le tir. Mais la balle était déjà partie. Pour la femme et ses proches, le mal était fait.
Cet épisode souligne une fois de plus les ravages des « fake news » et l’importance du fact-checking. Dans une époque saturée d’informations, où l’infobésité brouille les repères, la responsabilité des médias est cruciale de même que celle du public qui doit faire preuve de discernement dans le choix des informations qu’il consomme.
Approche rigoureuse du Défi Media Group
« Il est du devoir des médias de vérifier et de contre-vérifier avant de publier quoi que ce soit. Au Défi Media Group, nous avons adopté une approche rigoureuse qui fait partie intégrante de notre processus éditorial. Nous ne prenons rien pour argent comptant. Chaque contenu est vérifié et contre-vérifié avant d’être mis en ligne. Cette rigueur nous vaut la confiance du public. Ce n’est pas un hasard si notre page Facebook a enregistré une progression de 100 000 ‘Followers’ en un an, passant de 1 million à 1,1 million », explique Manouraj Gungea, rédacteur en chef du site Web et des réseaux sociaux du Défi Media Group.
Les mauvais acteurs des « fake news »
« On s’attend à ce qu’un bon journaliste fasse la vérification et la contre-vérification pour ne pas colporter l’information », souligne Christina Chan-Meetoo, Senior Lecturer en Communication et Média à l’université de Maurice.
Selon elle, les fausses nouvelles ont toujours existé dans l’histoire de l’humanité, autrefois désignées rumeurs. « Cependant, avec l’essor des réseaux sociaux, leur propagation s’est accélérée, amplifiée par le phénomène de viralité », ajoute la Senior Lecturer. Elle indique que plusieurs « mauvais acteurs » alimentent les « fake news ».
Le premier, le manipulateur, est celui qui propage une fausse nouvelle de manière délibérée dans l’intention de nuire. Le deuxième, le relais naïf, est celui qui relaye des contenus trompeurs, sans prendre la peine de vérifier, soit par négligence, soit faute de moyens pour authentifier l’information. Quand ils sont plusieurs, ils la transmettent et l’amplifient.
Le troisième « mauvais acteur », une personne de son cercle de confiance, est un ami, un membre de la famille ou une connaissance qui partage une information erronée qui paraît crédible. Ses affirmations sont relayées sans remise en question parce qu’on lui fait confiance.
Le quatrième, le diffuseur involontaire, persuadé de bien faire, propage par accident des « fake news » qui lui semblent crédibles sans en mesurer les conséquences. « Si les informations portent sur des institutions ou des personnes impliquées dans des décisions politiques, et que nous entretenons des doutes à leur égard, ces informations peuvent sembler crédibles. Par conséquent, les gens, y compris les médias, ont tendance à les relayer dans le même sens », souligne Christina Chan-Meetoo.
Face à cette mécanique de la désinformation, le fact-checking reste une mission fondamentale des journalistes. Leur rôle est de vérifier les informations et de recouper les faits en s’appuyant sur plusieurs sources humaines et documentaires, à travers une démarche rigoureuse.
Des outils existent pour faciliter cette vérification, mais encore faut-il que les professionnels les utilisent. « Malheureusement, certains médias se contentent de relayer des informations sans vérification, cédant à la tentation du buzz ou cherchant à exploiter la popularité qu’elles peuvent générer », conclut la Senior Lecturer.
Me Neil Pillay : « La liberté d’expression n’est pas absolue »
« Chacun a droit à la liberté d’expression. Cependant, ce droit est limité par l’obligation de ne pas nuire à autrui », affirme Me Neil Pillay, avocat spécialisé en droit criminel et en droit des technologies de l’information. Il rappelle que bien que la liberté d’expression soit un droit fondamental, elle n’est pas illimitée. « La liberté d’expression n’est pas absolue. Il est de notre responsabilité de nous assurer que nous disposons des faits avant de nous exprimer », dit-il.
Il évoque ensuite la diffusion des fake news, qu’il considère comme une infraction à l’Information and Communication Technologies (ICT) Act.
Il précise qu’il est essentiel de bien comprendre les termes techniques utilisés dans l’article 2 de cette loi pour pouvoir l’interpréter correctement. « Une nouvelle est une information, qui peut prendre la forme de données, de textes, d’images, de sons ou encore de codes », dit-il.
L’avocat fait également référence à l’article 46 de la loi, qui est pertinente dans le cas de la femme distribuant des bonbons. « L’article article 46 (1) (g), (ga) et (na) ainsi que les sections 46 (2) et (3) devront être pris en compte pour évaluer cette affaire », indique-t-il. L’article 47 de cette même loi précise que les personnes coupables de diffusion de fausses informations encourent une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 10 ans ou une amende pouvant atteindre Rs 1 million.
Enfin, Me Pillay évoque l’article 299 du Code pénal, intitulé « publishing false news », qui traite également de cette question. « S’il existe une loi générale et une loi spécifique, nous prenons en considération la loi spécifique. Dans le cas présent, c’est l’ICT Act qui doit être appliquée », conclut-il.
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