Un cas par jour. Les chiffres sont effrayants. Les enfants sont des proies faciles de prédateurs sexuels. Il est de notre devoir de les protéger contre des attouchements, viols ou agressions. Quelles sont nos responsabilités ?
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«Protéger les enfants contre des abus sexuels. » C’était le thème de l’atelier de travail organisé par l’Ombudsperson office for children, pendant trois semaines, le mois dernier. Les représentants de plusieurs organisations étaient présents, dont la Children Development Unit (CDU), la Brigade pour la protection des mineurs, la Law Reform Commission, le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), la Commission des droits de l’homme, le Mauritius Family Planning and Family Welfare et les organisations non gouvernementales.
Au programme : état des lieux de la situation et partage des connaissances. « Il était important de rencontrer plusieurs acteurs, afin de connaître les failles et aussi pour savoir ce que font ces organisations de leur côté. Nous avons aussi dressé une liste de recommandations que nous ferons parvenir aux autorités concernées », explique Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for children. Le même exercice aura lieu à Rodrigues le mois prochain.
De nombreux cas de violences sexuelles sont rapportés tous les jours. Le dernier en date, cet adolescent de 14 ans qui a été sodomisé. « Les commentaires sur Facebook après la publication d’un article à la suite de ce triste cas sont désolants. Ils sont nombreux à dire que cet enfant ‘a mérité’ ce qui s’est passé. Aucun enfant ne mérite cela. Aucun enfant ne cherche à être victime. Avec des commentaires de ce genre, nous ne viendrons pas en aide aux victimes. Au contraire, nous allons leur faire avoir honte. Les victimes doivent dénoncer. C’est une responsabilité collective, que ce soit parents, éducateurs, proches ou membres du public. »
15 000 cas traités par la CDU annuellement
Si le nombre officiel de violences sexuelles est d’un cas par jour, Rita Venkatasawmy avance : « Nous savons que c’est un chiffre qui ne reflète pas la réalité. Il faut multiplier les chiffres par dix ou plus.» Au niveau de la Child Development Unit, une préposée explique que celle-ci traite 15 000 cas par an. « Ce ne sont pas de nouveaux cas, mais il faut comprendre que quand un enfant est victime d’abus sexuel, il faut le suivre pendant des années. Donc, le nombre ne cesse d’augmenter et nous avons des moyens limités. Toutefois, de nombreuses mesures sont en place pour les accompagner. »
Rajini (prénom modifié), 19 ans : «Comment punir son père ?»
À 19 ans, elle vient d’accoucher d’un homme de 70 ans. Rajini raconte que c’est son père qui l’a encouragée dans cette relation. « J’habitais dans un centre pour enfants délaissés et c’est mon père qui est venu me chercher pour m’emmener habiter chez lui. Par la suite, il m’a poussée à avoir des relations sexuelles avec des hommes bien plus âgés, dont un homme de 70 ans. Avant mes 18 ans, je suis tombée enceinte de ce dernier. Le septuagénaire avait promis de se marier avec moi, mais il a refusé après avoir appris ma grossesse. Mon père est entré dans une vive colère. Il m’a frappée et m’a mise à la porte. » Elle ne cesse de se demander comment punir son père. « Pour moi, c’est avant tout lui qui est en tort car il n’a pas su me protéger. Maintenant, le plus dur pour moi, c’est de réclamer justice contre lui. » La jeune maman a été accueillie dans un centre avec son bébé, aujourd’hui âgé de trois mois. L’enquête suit son cours.
Farid H., 34 ans : «C’est difficile pour un homme de dénoncer»
La victime d’abus sexuel, il y a 20 ans, a accepté de se confier. « À l’époque, quand j’en ai parlé à mes parents, ils m’ont dit qu’il fallait se taire pour éviter des problèmes avec le voisin. Oui, c’est le voisin qui avait abusé de moi. Je pense que mes parents ne m’ont pas cru. Ils m’ont dit ‘Nou kone to pa kontan li me pa dir sa bann zafer la lor li’. Je me sentais seul. Je n’ai jamais été vu ni par un médecin ni par un psy. Je voulais me suicider, puis une tante m’a pris en charge, mais elle n’a pas voulu aller à la police. Elle me disait que ce serait dur pour nous de prouver tout cela. Toutefois, elle m’a soutenu et apporté du réconfort. » Aujourd’hui, Farid H. ne veut plus voir ses parents. « Si cela c’était passé maintenant, je pense que j’aurais obtenu l’aide de plusieurs organisations, mais à l’époque, on était seuls. »
Conseils de Pedostop : Que faire en cas d’abus ?
Joëlle Hannelas, présidente de Pedostop, revient sur les conseils de l’association, afin de mieux protéger les enfants et les adultes contre les abus.
Un enfant ou adolescent vous dit ce qu’il subit ou a subi comme agression sexuelle. En mots, en actes ou en dessins. Il est capital d’écouter l’enfant, de lui montrer qu’on est attentif à ses paroles et qu’on le prend au sérieux. C’est important de poser des questions ouvertes du style « Veux-tu m’en parler plus ? » Le laisser raconter dans ses mots sans lui suggérer des actes, des phrases.
Il est primordial de le croire. Un enfant n’a pas la maturité psychique pour inventer les actes d’agression sexuelle qu’il mentionne, mime ou dessine. S’il dit ce qu’il subit, c’est pour être protégé. Pour Sabourin (dans Gabel, 1992), « la parole a valeur d’appel au secours ».
Ne pas minimiser l’acte d’abus qui est un traumatisme. Un baiser forcé, un attouchement ou toute forme d’abus sexuel sont graves et ont des conséquences importantes dans la vie de tout enfant victime.
Dire à l’enfant qu’il n’est pas coupable, ni responsable de ce qu’il a subi. Ce n’est pas de sa faute. Les enfants sont très vulnérables et on ne peut leur imposer et s’attendre à ce qu’ils puissent se protéger, refuser les actes subis, crier ou se défendre. De plus, dans 90 % des cas, l’agresseur est un proche. En outre, un mécanisme de défense va souvent se mettre en place chez la personne victime, de manière automatique et inconsciente, par protection, par la sidération.
« L’agresseur qui isole et terrorise la victime va créer chez elle un sentiment de frayeur, de perte de repères, parfois un sentiment de danger de mort qui la sidère. Cette sidération empêche de contrôler le stress extrême éprouvé et le cerveau va disjoncter, puisqu’il ne parvient pas à moduler la réponse émotionnelle», selon Salmona, Essayer de garder son calme même si c’est difficile. Tenter de ne pas trop montrer à l’enfant que vous êtes choqué, bouleversé ou en colère car l’enfant risque de se sentir coupable et de ne plus rien dire pour éviter de peiner ses parents/adultes responsables en qui il a confiance.
Lui dire que tout acte d’agression sexuelle est illégal. Que ce que cette personne a fait n’est pas bien. Qu’il/elle n’a pas le droit de le faire.
Lui dire qu’il est capital de le protéger de cette personne.
Dissocier l’agresseur de ses actes : ce que l’agresseur a fait n’est pas bien et même si c’est quelqu’un que l’enfant aime (dans plus de 90 % des cas), lui faire comprendre que ses actes sont condamnables.
Envisager une prise en charge sociale, psychologique, légale et médicale (pédiatre de l’enfant, médecin généraliste/légiste qui s’y connaît).
Si l’enfant vous demande de garder le silence, dites-lui que vous comprenez qu’il a peur, mais que vous êtes là pour l’aider. Expliquez-lui que ce qu’il vous a dit est trop important pour que vous gardiez le silence et que c’est le silence qui permet à la personne qui l’agresse de continuer ses gestes et que ceux-ci doivent s’arrêter.
Un enfant victime n’a normalement pas besoin d’un avocat pour une plainte car il est victime. Il est toutefois conseillé d’y avoir recours pour la prise en charge pendant la rédaction de la plainte. Pedostop peut aider les personnes ayant besoin d’aide financière, en s’acquittant une partie des honoraires des experts légaux, en privilégiant ceux qui travaillent de manière régulière avec l’association et/ou connaissent bien la problématique des violences sexuelles.
ADULTE : vous êtes ou avez été victime
La parole libère. Il importe de briser le silence, le lourd secret. La prise en charge psychologique est importante. La réintroduction de la LOI qui régit la société, et non la loi de la famille ou de l’institution, est très importante. Les délits et crimes sexuels ne SONT PAS PRESCRIPTIBLES à MAURICE : vous pouvez porter plainte à TOUT MOMENT, même plusieurs années après les faits. Cela aide à entamer le processus de réparation et permet de mettre fin aux pratiques des pédocriminels.
Numéros de contacts à retenir
Child Development Unit (CDU) du ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-être de la Famille.
Téléphone : 113
Bureau de l’Ombudsperson’s office for Children, Téléphone : 4543010
Police :
Téléphone : 148-999 ou police de la localité.
Information Room de la Police, aux Casernes centrales : 2080034-2080035
Brigade pour la Protection des Mineurs : Téléphone : 2134093
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