Violence domestique : l’Indienne Anika broie du noir

Depuis quatre ans, Anika, âgée de 28 ans et d’origine indienne, est autant meurtrie dans son corps que dans son cœur. Ce qu’elle croyait être un mariage d’amour est devenu le pire cauchemar de sa vie.

Elle en a eu marre des injures, des coups et des blessures. En novembre dernier, Anika a quitté sa maison et son mari Ajay, 38 ans, un alcoolique qui l’agressait au quotidien. La jeune femme d’origine indienne a emmené son fils de trois ans et demi mais on le lui a repris de force. Après des démarches auprès de la police, elle a obtenu la garde de son enfant, il y a quelques jours. Anika a trouvé refuge chez une amie. Mais se sentant traquée par son époux, elle préfère s’isoler et rester enfermée.

C’est en 2013, à Chandigarh, en Inde, qu’est fixé le mariage d’Anika, fille d’un commerçant indien, et d’Ajay, un peintre de 25 ans habitant Maurice. La pratique du mariage arrangé est monnaie courante dans la Grande péninsule. Le père d’Anika accepte volontiers, d’autant que son futur gendre « vient d’une bonne famille ». Les noces sont célébrées en Inde. Le calvaire de la jeune femme débute deux jours après : Ajay lui assène un coup de poing au visage.

Un mois plus tard, les nouveaux mariés débarquent à Maurice. Lorsqu’elle arrive à destination dans un village situé dans le Sud, Anika se rend compte qu’Ajay lui a menti. Au lieu de la belle demeure qu’il lui a décrite, c’est une bicoque en tôle – loin de tout le confort de sa maison en Inde – qui leur sert de toit. Puis, elle découvre le pot aux roses : son mari a un penchant pour la bouteille. Ce n’est pas tout. Les coups recommencent. Ajay la couvre d’injures et l’enferme en verrouillant la porte à l’aide d’un cadenas. De plus, sa belle-mère Anita, 63 ans, lui enlève tous ses bijoux en or. Anika prend son mal en patience. Elle finit par tomber enceinte.

Belle-maman ivrogne

Ce n’est pourtant pas ce qui empêche son mari de la frapper. Une fois, il tente de l’étrangler. La scène se déroule devant Anita, qui est elle aussi alcoolique et qui fait la sourde oreille. Peu de temps après, c’est elle qui en rajoute. Elle insulte Anika et la prive de nourriture.

La jeune femme vit l’enfer. À cinq mois de sa grossesse et alors qu’elle est en proie à d’atroces douleurs, elle se rend à l’hôpital. Le médecin a vite fait de deviner qu’elle est maltraitée. Révolté de constater le martyre qu’elle endure, il convoque le mari qui se confond en excuses.

Le bébé, qu’ils appelleront Aarav, naît en 2014. Cet heureux événement ne ralentit guère les insultes, les coups et les empoignades de cheveux que subit Anika entre les mains de son mari et de sa belle-mère.

En 2016, Anika fait part de son souhait d’assister au mariage de son frère en Inde. Pour le faire, on lui fait comprendre qu’elle doit aussi payer les billets d’avion de son mari et de sa belle-mère. Les parents d’Anika, en Inde, refusent.

Anita refuse aussi que la jeune femme parte seule avec son enfant. Elle ira jusqu’à cacher le passeport et les documents d’Anika. Mais cette dernière tient bon. Elle se heurte toutefois à des difficultés pour nourrir et élever son enfant convenablement, d’autant que leur maison fuit comme une passoire.

Elle demande de l’aide à son père qui lui envoie des dollars. Elle les cache précieusement mais Ajay les découvre et s’en empare. Le père envoie une autre forte somme d’argent, mais cette fois c’est sa belle-mère qui s’en accapare pour les frais du mariage de sa fille.

Sans un sou en poche, Anika ne sait plus à quel saint se vouer. Dans sa cour, il y a un jaquier. Dès 5 heures du matin, elle en cueille les fruits, les nettoie, les coupe et les revend pour une poignée de roupies au marché de la localité, afin d’acheter du lait et de la nourriture pour son enfant. Sa belle-mère n’est pas contente : elle affirme que l’arbre lui appartient et que l’argent lui revient, tout en lançant le florilège d’insultes habituelles à l’égard d’Anika qui est dévastée.
La jeune femme a vite fait de trouver une autre solution. Artiste indienne pour les décorations religieuses, elle utilise ses talents pour fabriquer des lampes. Elle peint aussi des statuettes qu’elle revend au marché du village.

Son mari se rend sur son lieu de travail et l’insulte. Quand il est saoul, il lui reproche d’avoir des amants. « Il m’insulte à la moindre occasion. Il me couvre de honte devant tout le monde, confie Anika en pleurant. J’en avais marre mais je ne savais pas où aller. Je me suis armée de patience mais la maltraitance était constante. » Les jours s’enchaînent et les conflits persistent… Anika demande l’aumône à des voisins pour avoir de quoi se mettre sous la dent et celle de son fils. Parfois elle dort le ventre vide tout en veillant à ce que son fils ait eu de quoi manger.

Menaces et insultes

En 2016, elle trouve un emploi de décoratrice dans une entreprise spécialisée dans les chapiteaux de mariages indiens. Là aussi son mari vient l’importuner sur son lieu de travail. À tel point que le patron d’Anika la somme de quitter son boulot. Peu de temps après, la famille de la jeune femme décide de venir en visite Maurice. Anika lui trouve de quoi se loger dans le voisinage. Lorsque ses proches se rendent chez elle, ils sont outrés de voir les conditions dans lesquelles elle vit.

Après leur départ, Anika récolte des insultes de son époux et de sa belle-mère. Elle décide alors de quitter la maison avec son enfant mais celui-ci lui est repris de force de même que son acte de naissance et son passeport. « Ils ont pris mon fils en me menaçant de me faire déporter. » En novembre 2017, sur les conseils de ses parents, Anika retourne en Inde et fait des démarches pour une copie des documents nécessaires afin d’obtenir un permis de résidence à Maurice.

Elle a sollicité l’aide du haut-commissariat indien à Maurice pour le traitement de son dossier. « Je veux rester à Maurice avec mon fils, car il a des difficultés à vivre en Inde en raison du climat. Je serai reconnaissante envers toute personne qui m’aidera. »