L’émission thématique du jeudi 10 mai était axée sur la violence au sein des couples et les lois prévues pour combattre ce fléau. Les invités sur le plateau étaient le président de l’association SOS Papa, Darmen Appadoo, et les avocats Jenny Mooteealoo et Rubesh Doomun.
La différence entre la violence conjugale et la violence domestique
La violence conjugale, c’est la violence présente dans un couple. Il s’agit de la violence exercée par l’un des conjoints sur l’autre au sein du couple, que ce soit pour des individus mariés ou des concubins. La violence conjugale est aussi une forme de violence domestique. Selon la loi, qui date de 1997 et qui a été modifiée à plusieurs reprises, la notion de violence domestique inclut les violences physique, morale, verbale, économique et psychologique. Ces agressions peuvent, dans des cas extrêmes, entraîner la mort, selon l’avocate Jenny Mooteealoo.
Protection Order
La loi prévoit que les deux époux, que ce soit l’homme ou la femme, aient droit à une protection. Le Protection Order est un ordre émis par le magistrat de la cour de district, quand il y a une plainte concernant un cas de violence domestique. Le plaignant peut en faire la demande par le biais de la police, de la Family Protection Unit ou à travers leurs hommes de loi. « Le plaignant doit jurer un affidavit pour relater les faits de violence et le présenter au magistrat de la cour de district. Ce dernier jugera s’il faut appliquer la protection sur le champ. C’est ce que nous appelons un ‘ordre intérimaire’. Le magistrat fera appeler le conjoint agresseur, homme ou femme, pour des explications avant de décider d’accorder une protection pour six mois ou un an », précise Jenny Mooteealoo.
Ordre intérimaire
« La loi comporte des lacunes au niveau de l’ordre intérimaire », explique Jenny Mooteealoo. « L’ordre intérimaire est accordé à la victime pour deux semaines après qu’elle a consigné une plainte. Avant l’expiration de ces deux semaines, les parties seront convoquées afin qu’elles donnent chacune leur version des faits. Toutefois, la victime n’est aucunement protégée durant ces deux semaines. Ce n’est qu’une fois que l’agresseur présumé se verra servir une mise en demeure que le Protection Order entre en vigueur. Selon moi, il faudrait adopter des dispositions légales qui imposent des mesures immédiates. Par exemple, des mesures d’éloignement doivent être prises pour protéger la victime. Cependant, il n’existe aucun lieu, refuge à Maurice pour protéger les victimes de violence conjugale, qu’elles soient hommes ou femmes », déplore l’avocate.
Darmen Appadoo, président de l’association SOS Papa
Selon un constat, les hommes sont également victimes de violence conjugale, bien que la plupart des plaintes enregistrées concernent surtout les femmes. « La loi est applicable pour tout le monde, tant pour les hommes que pour les femmes. Mais bien souvent, les hommes qui dénoncent des cas de violence de leurs épouses ne sont pas pris en considération à la Family Protection Unit ou dans les postes de police », déplore Darmen Appadoo, président de l’Association SOS Papa.
Au fur et à mesure, après des plaintes ou lorsque certains cas de violence conjugale envers les hommes ont été mis en avant à travers les médias, nous les chiffres ont augmenté graduellement, selon Darmen Appadoo. « Les hommes ont souvent le rôle du méchant, et ils font face à beaucoup de problèmes pour dénoncer les violences commises envers eux, et cela demeure toujours le cas. Nous sommes une petite association qui a huit ans d’existence. Nous ne recevons aucune aide financière, mais nous essayons tant bien que mal de faire comprendre à la société mauricienne que la violence conjugale ne touche pas seulement les femmes, mais aussi les hommes », ajoute-t-il.
Les raisons de la violence : un manque de communication relationnelle
Selon Me Rubesh Doomun, avocat, les raisons de la violence sont, à la base, un manque de communication relationnelle au niveau du couple. Avec les réseaux sociaux, les cas de tromperie sont plus faciles à identifier par l’autre conjoint. « La compréhension est importante, mais il serait bien que cela se fasse avant le mariage », avance l’avocat.
Campagnes axées sur les femmes
Selon Darmen Appadoo, il n’y a aucune campagne qui explique aux hommes leurs droits et leurs responsabilités. Toutes les campagnes sont axées sur les femmes victimes de violence, alors qu’il y a aussi des hommes victimes de violence au sein du couple.
Réticence des hommes à dénoncer
Les agressions physiques sont rarement enregistrées chez les hommes. Mais nous avons déjà enregistré de tels cas et la plupart du temps, ces victimes ne souhaitent pas dénoncer, parce qu’elles ont honte et peur du regard des autres, de leurs proches. « C’est un sujet qui reste encore tabou et l’hésitation est grande pour dénoncer ce type de violence », soutient Darmen Appadoo.
Assistance des policiers face à une plainte
« Les policiers ont l’obligation de donner une assistance à une victime de violence. Dans la plupart des cas, les policiers accordent une assistance. Il y a un réel progrès réalisé en ce sens, et dans les postes de police, il y a une policière présente pour assister les femmes dans leurs plaintes dénonçant les cas de violence domestique », affirme Jenny Mooteealoo.
Viol conjugal
Le viol conjugal est également une forme de violence domestique, mais cela n’est malheureusement pas inscrit dans notre loi. Un rapport sexuel non-consenti au sein d’un couple marié ou un couple de concubins est considéré comme un viol conjugal. Cependant, selon les dires de Me Mooteealoo, il est difficile de prouver que le rapport sexuel n’était pas consenti.
Que prévoit la loi en cas de violence conjugale ?
Depuis que la loi a été modifiée, la sentence est plus lourde. La première fois l’agresseur risque une amende ne dépassant pas Rs 25 000 ou une peine n’excédant pas deux ans. En cas de récidive, l’agresseur sera passible d’une amende ne dépassant pas Rs 50 000 ou une peine de prison ne dépassant pas 5 ans.
Suicide
Des problèmes au sein du couple ont malheureusement provoqué des suicides. « L’infidélité ou des promesses non-respectées étaient sans doute à l’origine du problème », suggère Darmen Appadoo.
Mot de la fin
« Avant de soumettre une application pour réclamer un Protection Order, il faut avoir une vision du futur et savoir si c’est la solution à nos problèmes. Pour cela, il faut établir une communication entre les deux parties. Au cas contraire il vaut mieux se séparer et commencer une autre vie », conseille l’avocat Rubesh Doomun. L’avocate Jenny Mooteealoo met l’acent sur la responsabilité des parents. « C’est le devoir des parents de faire l’éducation de leurs enfants à la maison. C’est ce qui formera les adultes et responsables de demain. De plus, cela leur évitera d’avoir recours à la violence pour résoudre leurs problèmes. Il faut leur inculquer l’importance du respect des uns et des autres ».
« L’Association SOS Papa n’est pas une association formée de machos. Ce n’est pas parce que les femmes sont le plus souvent victimes qu’elles doivent avoir des privilèges. Il faut garder une certaine égalité en droit », insiste de son côté Darmen Appadoo.
Questions des auditeurs
Christian, de Lower Vale :
« Mon épouse a obtenu un Protection Order depuis novembre dernier. Depuis août nous n’habitons plus ensemble. Elle m’a accusé d’être allé sur son lieu de travail pour la menacer. J’ai été arrêté sans que la police ne vérifie mon alibi, alors que j’avais toutes les preuves que je n’étais pas sur son lieu de travail ». Pour Me Rubesh Doomun, la police est dans l’obligation de vérifier les faits et de s’assurer qu’il y ait des témoins et d’autres preuves via des caméras de surveillance.
Reza :
« Mon fils s’est marié en Angleterre. Un enfant est né de cette union, mais les parents ont divorcé. Mon petit-fils ne peut voyager puisque sa mère refuse de signer son passeport ». Me Jenny Mooteealoo précise qu’une procédure est entreprise à ce propos devant la Cour suprême pour outrepasser le refus d’un parent de signer le passeport d’un enfant. Le juge peut accorder cette permission de voyager à l’étranger. C’est une procédure qui est initiée devant la Family Division de la Cour suprême.
Raj, de Flacq :
« Existe-t-il une loi protégeant la famille en général contre les gens alcooliques et violents ? ». Pour ce cas précis, il n’y a pas de loi spécifique contre ces gens, mais le cas peut être rapporté à la police. Il existe des provisions de loi pour différentes situations, par exemple, dans les cas d’insultes ou de menaces, souligne Me Mooteealoo
Georges, d’Angleterre :
« Je suis divorcé de mon épouse mauricienne. Mais je ne peux voir mes enfants, car mon ex-épouse m’en empêche ». Darmen Appadoo affirme que la garde des enfants est un autre droit essentiel pour lequel plaide son association. « Le père a tous les droits de voir son enfant, malgré tous les problèmes entre conjoints, il demeure le père de l’enfant », ajoute Darmen Appadoo.
Vikash de Rose-Hill :
« Une femme divorcée peut-elle obtenir un Protection Order ? Mon ex-épouse utilise cette protection comme une arme contre moi. À deux reprises, j’ai fait l’objet d’une accusation de Breach of Protection Order, mais la charge a été rayée. Mon ex-épouse vient sur mon lieu de travail pour me harceler ». Me Rubesh Doomun explique que dans certains cas, l’application du Protection Order est faite de mauvaise foi. Il y a un abus qui est fait par le bénéficiaire. « Dans ce cas, je conseillerais au plaignant de soumettre une demande pour faire révoquer le Protection Order ou réclamer un variation order », explique l’avocat.
Coordonnées
- Pour dénoncer un cas de violence domestique, appelez le 139
- Vous pouvez aussi vous rendre à la Family Protection Unit, 2e étage, SILWF Building, rue Édith Cavell, Port-Louis ou contactez le 2130001/ 2130002
- Le Bureau de SOS PAPA se trouve à La Butte, Port-Louis. À contacter sur le 5797 6285 ou via facebook Sos papa île Maurice et par e-mail sospapa@live.com
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