Dans le discours-programme qui s’intitule « A Bridge to the Future », le gouvernement vise à passer d’un modèle économique penché sur la consommation pour aller vers l’investissement.
Publicité
Le gouvernement s'éloignera du modèle de croissance économique principalement axé sur la consommation pour adopter un modèle axé sur l'investissement. C’est ce qu’a souligné le président de la République, Dharam Gokhool, lors de sa lecture du programme gouvernemental 2025-2029.
Pour élargir et diversifier l’espace d'investissement du pays, le gouvernement utilisera deux leviers : des relations commerciales et économiques avec les pays de la région et du monde entier, et le vaste potentiel de l'économie océanique.
Les 5 volets de la stratégie du gouvernement pour stimuler l'investissement
- L'élargissement et la diversification de l'espace d'investissement.
- La réaffectation des ressources pour optimiser l'utilisation de nos ressources productives.
- Un cadre innovant pour l'innovation, la recherche et le développement.
- La reconstruction de nos forces institutionnelles.
- Le renforcement des fondamentaux macroéconomiques.
Une stratégie nationale liée à l’utilisation des réserves
- Réforme du volet dépenses du budget national en se fondant sur le principe de l'utilisation judicieuse de chaque roupie.
- Collaboration avec la Banque de Maurice pour élaborer une stratégie nationale sur l'utilisation et la gestion des réserves de devises étrangères du pays.
Booster les exportations mauriciennes et revoir le rôle de l’EDB
- Faciliter les partenariats triangulaires afin de faire de Maurice une plaque tournante pour la fabrication et la réexportation.
- Exploiter la coopération économique et les relations avec les pays d'Afrique et d'Asie pour accroître nos exportations.
- Utiliser efficacement les accords existants avec les partenaires commerciaux.
- Consolider les marchés d'exportation existants grâce à des campagnes de marketing et de promotion plus ciblées.
- Soutien à la modernisation de l’agriculture et de la pêche afin d'améliorer la capacité de gain de ceux qui dépendent de ces secteurs pour leur subsistance. Les producteurs locaux seront encouragés à s'orienter vers l'exportation.
- Examen approfondi du rôle et des fonctions de l’Economic Development Board (EDB) afin de se concentrer sur la stimulation de l'investissement productif et la promotion des exportations dans tous les secteurs de l’économie locale.
Une loi sur la responsabilité budgétaire
Le gouvernement entend également s’attaquer aux dépenses publiques. Celles-ci seront réaménagées de manière durable sur le plan budgétaire, tout en garantissant des pensions justes et adéquates à nos personnes âgées. Une loi sur la responsabilité budgétaire sera également introduite tout en poursuivant la réforme économique et le programme d'assainissement budgétaire.
- À court et à moyen termes, un programme de réformes économiques et d'assainissement budgétaire est proposé. Celui-ci ouvrira la voie à un nouvel ordre économique dans lequel la croissance économique sera fondée sur la productivité et se concentrera sur des activités à plus forte valeur ajoutée.
- Favoriser une plus grande équité, une plus grande certitude, une plus grande efficacité et une plus grande commodité du système fiscal à travers les réformes fiscales sans négliger l'assainissement des finances publiques.
Économie océanique : Un 2e dialogue national sur l’économie de l’océan à l’agenda
- Explorer toutes les opportunités découlant de la coopération bilatérale et multilatérale pour faire face au changement climatique, au développement durable, au développement de l'économie océanique, à la sécurité et à d'autres questions urgentes.
- Maurice adhérera aux principes de l'agenda d'Antigua-et-Barbuda pour les PEID concernant la résilience climatique, la préservation de la biodiversité et la promotion d'une croissance économique durable grâce à des investissements dans l'économie des océans et les énergies renouvelables.
- Le gouvernement va se lancer dans un projet d'économie océanique pour le pays qui vise à adopter une approche politique globale pour toutes les activités liées à l'océan, à la fois sur terre et en mer.
- Passer conceptuellement d'un cadre de PEID à un cadre de Grand État océanique.
- Un deuxième dialogue national sur l'économie de l'océan sera organisé pour actualiser et reprendre l'initiative lancée en 2013.
- Investissement dans la création d'un vaste réservoir de ressources humaines spécialisées dans divers domaines liés à l'économie océanique dans le cadre de sa stratégie de renforcement des capacités dans le secteur de l'économie océanique.
- Un département dédié à la recherche multidisciplinaire sur l'économie océanique sera mis en place avec la collaboration d'experts dans le domaine.
PME
• Une impulsion sera donnée au secteur des PME pour renforcer sa contribution à l'économie afin de stimuler la substitution des importations.
Réactions
Anil Currimjee, président de Business Mauritius : « Une collaboration publique-privée pour l’implémentation »
Anil Currimjee souligne au prime abord l’importance pour la communauté des affaires que l’État lui communique les grandes lignes de sa vision sur les prochains cinq ans. D’où l’intérêt de ce discours-programme 2025. Le président de Business Mauritius explique que cela permet à toutes les parties prenantes de comprendre l’ambition du pays pour les prochains cinq ans, et donc de mieux soutenir cette vision, et collaborer là où il le peut pour l’avancée socioéconomique du pays et sa prospérité partagée.
Plusieurs points clé sont mis en avant, dont l’accent sur l’économie bleue, le développement durable et l’énergie verte. Anil Currimjee note non seulement le « land repurposing », mais aussi l’attention donnée aux ressources humaines et le « skills mismatch ». « Nous avons aussi entendu avec beaucoup d’attention les propositions sur l’utilisation et le renforcement des capacités à travers la technologie, et finalement, nous accueillons les réformes destinées à renforcer la gouvernance des institutions et l’efficience du service public. Nous accueillons également l’emphase placée sur l’innovation, la recherche et le développement. Nous retrouvons là plusieurs sujets prioritaires pour la communauté des affaires », argue-t-il.
Cependant, ajoute-t-il, ces sujets méritent d’être explorés en profondeur. Pour lui, la meilleure façon de procéder serait de mettre en place un processus structuré de collaboration publique-privée qui permettra d’avancer ensemble et implémenter rapidement les priorités nationales. Quid des changements constitutionnels ? Tout changement à la Constitution est sensible. C’est un sujet qu’il faudra, selon le président de Business Mauritius examiner en profondeur, notamment à travers des Select Committees et tout en s’appuyant sur des études.
Toutefois, conclut-il, à première vue, les amendements proposés pour sauvegarder les libertés civiles, et la protection des institutions démontre un engagement clair envers le renforcement de la démocratie.
Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : « C’est un discours-programme fort qui énonce clairement la vision du gouvernement »
C’est, selon Kevin Ramkaloan, un discours-programme fort qui énonce clairement la vision du gouvernement pour le pays sur les cinq prochaines années. Quelques points clé à souligner dans ce programme, indique le CEO de Business Mauritius, sont les réformes destinées à renforcer l’indépendance et la gouvernance et des institutions, les mesures prises pour répondre au changement climatique et surtout la direction prise pour renforcer les fondamentaux économiques de Maurice et relancer l’économie. Il ajoute noter également l’importance accordée à l’innovation, l’IA et la technologie, ainsi que sur les secteurs émergents, dont notamment l’économie bleue.
Réactions
Dr Drishtysingh Ramdenee, secrétaire-général de la MCCI : « Une vision nationale axée sur l’innovation et la modernisation »
Sur le plan économique, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Maurice (MCCI) relève une cohérence dans l'atteinte des objectifs énumérés. Cet argumentaire est basé sur le renforcement des fondamentaux économiques incluant l'élaboration d'une stratégie nationale pour les devises étrangères, des investissements dans les infrastructures portuaires, une démarche de promotion concertée et l'amélioration de la stratégie d'exportation et d'intégration aux chaînes régionales.
Le discours-programme met aussi un point d’orgue sur la productivité, l'optimisation des ressources incluant le déploiement d'une stratégie d'adéquation des compétences soutenant la cohésion du programme. « Les initiatives en énergie verte, l'industrialisation, les PME, la sécurité alimentaire et la traçabilité témoignent d'un engagement vers le développement durable et inclusif », avance le Dr Drishtysingh Ramdenee.
Par ailleurs, le secrétaire-général de la MCCI est d’avis que la place attribuée dans ce programme aux secteurs transformatifs et à l'intégration régionale via l'AfCFTA, SADC-COMESA-IORA constitue une opportunité majeure. « La MCCI, grâce à son réseau unique de plus de 30 partenariats internationaux, est particulièrement bien positionnée pour contribuer à cette transformation », fait-il ressortir.
Eu égard à la nouvelle dynamique annoncée pour l'importation de médicaments, la MCCI va initier une réflexion approfondie sur les aspects de qualité, traçabilité et conformité. La priorité demeure l'équilibre entre accessibilité et standards. « La MCCI, de par sa représentativité multisectorielle et son réseau international, s'engage à accompagner cette vision transformative dans une approche collaborative et constructive tout en garantissant une défense constante des intérêts des opérateurs du privé », affirme le Dr Drishtysingh Ramdenee.
Quelques points notables du programme, selon la MCCI
• L'intensification de la diplomatie économique, conjuguée au développement des services financiers et aux schémas de financement de projets structurants innovants, enrichit la feuille de route orientée vers la modernisation.
• Le dialogue public-privé renforcé appuiera les secteurs traditionnels et émergents.
• La stabilisation des fondamentaux macroéconomiques et l'essor des secteurs clés comme l'agro-industrie, le textile, les TIC et la réexportation requièrent une approche coordonnée.
François de Grivel, industriel et chef d’entreprise : « Ambitieux et dynamique »
À première vue, le discours-programme est ambitieux et donne l’impression d’être très dynamique, selon François de Grivel. Le chef d’entreprises est d’avis que les idées qui sont proposées sont faites de façon à être plus adaptées à la nouvelle orientation économique. « Je parle ici de l’intelligence artificielle, de l’augmentation de nos exportations et de la relation avec les autres pays », dit-il.
Le programme mentionne que le gouvernement vise à obtenir une semaine de travail de 40 heures dans les secteurs non essentiels. À en croire François de Grivel, ce serait un sujet sensible. « Il faut savoir que c’est appliqué dans beaucoup de secteurs. L’amélioration de la productivité doit être applicable aux deux secteurs pour que ce soit dans l’intérêt commun », élabore-t-il.
Par ailleurs, la quête d’une économie tournée vers l’investissement ne serait pas une mauvaise idée. Pour cause, explique François de Grivel, l’investissement est dans le long terme.
C’est favorable à la stabilité de l’économie et à l’emploi, tout en augmentant le revenu national à travers la création d’activité. « Il est important de bâtir une économie sur quelque chose de durable. La consommation courante peut être dangereuse, car elle risque de créer une hausse de l’inflation et d’entraîner un déséquilibre dans la balance commerciale », fait-il comprendre.
Emplois : Semaine de travail de 40 heures pour les secteurs non essentiels
Pour favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, le gouvernement propose d’instaurer une semaine de travail de 40 heures dans les secteurs non essentiels.
Un « Skills Master Plan » pour répondre à l’inadéquation des compétences
Un plan stratégique, intitulé « Skills Master Plan », sera élaboré en collaboration avec divers acteurs concernés. L’objectif est de résoudre le problème de l’inadéquation entre les compétences disponibles sur le marché du travail et celles nécessaires pour soutenir une économie axée sur les technologies. Parallèlement, des efforts seront entrepris pour améliorer les conditions des travailleurs et renforcer la protection de leurs droits.
Main-d’œuvre étrangère : vers une politique claire et efficace
Afin de combler le manque de main-d’œuvre, une politique claire et bien définie pour le recrutement de travailleurs étrangers sera mise en place. Cette initiative vise à garantir une main-d’œuvre stable et efficace pour soutenir les industries locales.
Réactions
Haniff Peerun, syndicaliste : « Il ne faut pas que ces mesures restent des effets d’annonce »
Haniff Peerun salue l’attention accordée à la main-d’œuvre mais exprime son scepticisme : « Je note que la question de la main-d’œuvre est abordée, mais en ce qui concerne la main-d’œuvre locale, il n’y a pas grand-chose de concret. Beaucoup de jeunes, désillusionnés, quittent le pays pour chercher de meilleures opportunités à l’étranger. Cela va à l’encontre de la volonté de renforcer les liens familiaux, car les familles souffrent lorsque leurs enfants s’installent à l’étranger.Cependant, il est encourageant de constater des mesures visant à aligner les secteurs public et privé, ce qui est une avancée positive. L’introduction de la semaine de travail de 40 heures est une bonne initiative, déjà adoptée dans certains secteurs, et qui sera désormais étendue. De même, tenter de résoudre le problème du mismatch des compétences est une démarche louable. Néanmoins, il est impératif que ces annonces ne se limitent pas à des effets d’annonce. »
Le gouvernement s’engage à combler les lacunes du marché du travail
Le gouvernement estime qu’il y a une utilisation sous-optimale des ressources de notre pays : les ressources humaines, les terres, le capital et les compétences entrepreneuriales. Selon lui, la réactivité du marché du travail aux exigences économiques du pays a été gravement compromise.
• Il formulera un plan directeur des compétences pour l’économie, en collaboration avec les parties prenantes.
• Le Human Resource Development Council réalisera des études nationales et sectorielles régulières sur les compétences.
• Les systèmes éducatifs, de formation et de compétences seront réorganisés pour mieux préparer la jeunesse au monde du travail.
• Le gouvernement mettra en œuvre de nouvelles politiques pour améliorer les conditions de travail et renforcer la protection des droits des travailleurs.
• L’inégalité des genres sur le marché du travail est un problème moral et social, ainsi qu’un défi économique. Le gouvernement prendra des mesures pour combler l’écart entre les sexes.
• Le gouvernement soutiendra la croissance accélérée des opportunités d’emploi pour les femmes.
• Le gouvernement développera une politique de la diaspora pour l'encourager à participer au développement du pays.
• Il proposera une Talent, Merit and Excellence Initiative afin de promouvoir le talent et le mérite dans la recherche de l’excellence.
Roland Dubois : « De bonnes mesures »
Roland Dubois, directeur de compagnie et consultant en formation, estime que les mesures seront bénéfiques si elles sont appliquées. « À première vue, il y a beaucoup de mesures sur la recherche et le développement. Ce qui manquait dans notre paysage durant ces dernières années. Il y a beaucoup de bonnes mesures qui mèneraient le pays vers un nouveau palier si elles sont toutes mises en œuvre. Il est intéressant aussi que le discours-programme fasse mention d’un plan de développement de compétences qui va aider le pays à aiguiller ses formations. Ce qui va permettre de répondre aux besoins des industries et du pays en général. Dommage qu’on n’ait pas évoqué la nécessité d’une politique pour l’éducation et la formation technique et professionnelle. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !