
Pour Me Noren Seeburn, avocat et ancien magistrat, le cadre légal actuel sur le trafic de drogue à Maurice est suffisant. Selon lui, le véritable problème se situe ailleurs.
« La loi, en elle-même, n’est pas le problème. Des sanctions sévères sont déjà prévues contre le trafic de drogue », affirme-t-il. Il insiste toutefois sur un point essentiel : « La punition n’est qu’un maillon de la chaîne dans la lutte contre le fléau de la drogue. Le plus important réside dans l’enquête policière, notamment dans la collecte de preuves. »
Publicité
Selon Me Noren Seeburn, une enquête mal conduite réduit considérablement les chances de succès devant la justice. « Le trafic de drogue relève du domaine criminel. À ce titre, l’enquête doit être irréprochable afin que la poursuite puisse établir son dossier sans l’ombre d’un doute », dit-il. L’avocat déplore que, contrairement à d’autres pays, les enquêtes à Maurice soient exclusivement confiées à la police, sans aucune supervision indépendante.
Il cite l’exemple de l’affaire Soopramanien Kistnen : « La police a initialement traité le cas comme un suicide. Il a fallu une enquête judiciaire pour découvrir qu’il s’agissait en réalité d’un meurtre. Quelles sanctions ont été prises contre l’enquêteur ? Est-il toujours en fonction en toute impunité ? »
Me Noren Seeburn s’inquiète également de la présence d’éléments politiquement protégés au sein de la police : « Il faut en finir avec cette affaire de ‘Chatwa’ dans la police. Quand on voit comment certains trafiquants ont été protégés, à l’instar de Franklin, on peut légitimement s’interroger sur la volonté politique réelle de combattre le trafic de drogue. »
Violence domestique - Me Parwaiz Modaykhan : « La police devrait enquêter à titre préventif »
Selon Me Parwaiz Modaykhan, le Protection Order tel qu’il existe en droit mauricien « est loin de suffire à protéger efficacement les victimes ». Il plaide pour une réforme en profondeur du cadre légal, en s’inspirant de modèles comme le Domestic Abuse Act 2021 du Royaume-Uni.
D’abord, l’avocat souligne qu’« une obligation légale devrait être imposée à la police pour enquêter sur toutes les déclarations de risque, même à titre préventif ». Il appelle aussi à introduire un système de divulgation, à l’image du Clare’s Law, qui permettrait aux proches ou à la victime d’obtenir des renseignements sur les antécédents violents d’un partenaire. « Une telle mesure aurait permis à la police d’agir sur la déclaration préventive faite par la mère de Nawsheen Chady », estime Me Parwaiz Modaykhan.
L’avocat recommande aussi l’adoption d’un outil d’évaluation structuré du risque, comme le modèle britannique DASH. Cet outil permettrait aux forces de l’ordre, aux travailleurs sociaux et aux professionnels de santé d’identifier rapidement les situations à haut risque.
Il regrette l’absence de conférences multi-agences (MARACs) à Maurice, qui permettraient de mieux coordonner la protection des victimes. Ces réunions, selon Me Parwaiz Modaykhan, « réunissent les autorités concernées pour partager des informations critiques et développer des plans de sécurité cohérents ». Autre proposition : la création d’un organe indépendant, tel un Commissaire à la Violence Domestique. Ce dernier pourrait « surveiller les performances institutionnelles, recommander des réformes et représenter les victimes ».
Enfin, Me Parwaiz Modaykhan appelle à une réforme de la formation policière. « Le personnel en première ligne doit être formé aux traumas et aux signaux précoces », affirme-t-il, en insistant sur la nécessité d’un mécanisme de responsabilisation en cas d’inaction.
Malgré l’existence d’applications comme Lespwar, de lignes d’aide et d’une aide légale conditionnelle, l’avocat estime que « des campagnes de sensibilisation et des procédures judiciaires accélérées seraient cruciales » pour un véritable système de protection.
Me Amira Peeroo : « La police a pour mission non seulement d’arrêter les suspects, mais aussi de prévenir les délits et infractions »
Alors que le pays est encore sous le choc du féminicide de Nawsheen Chady, des questions demeurent : quels recours face à la négligence policière et quelles protections pour les victimes de violences ? Me Amira Peeroo fait le point.
Dans un cas où des signaux d’alerte ont été ignorés par la police, comme le témoignage de la mère de la victime, peut-on parler de négligence ou de faute professionnelle des autorités ?
Lorsque la police n’intervient pas comme elle le devrait, malgré les plaintes reçues, cela relève de la négligence. Il convient même de parler de faute professionnelle. Pour rappel, selon l’article 9 du Police Act 1974, la police a pour mission non seulement d’arrêter les suspects, mais aussi de prévenir les délits et infractions. Un manquement à cette obligation peut entraîner des sanctions disciplinaires, voire des poursuites civiles.
Quels sont les recours légaux possibles pour la famille de la victime contre l’État ou les autorités qui auraient manqué à leur devoir de protection ?
La famille peut se tourner vers l’Independent Police Complaints Commission (IPCC), qui traite toutes les plaintes déposées contre les policiers ayant failli à leur tâche. Les enquêtes internes menées par l’IPCC prennent du temps et, parfois, les victimes ne se sentent pas complètement rassurées à l’issue de ces investigations. De plus, la famille peut toujours engager des poursuites civiles contre l’État pour les manquements fautifs des officiers de police, qui sont des employés de l’État.
Toutefois, ils devront agir rapidement, car les poursuites civiles contre l’État doivent être introduites dans les deux ans suivant les faits ayant donné lieu à l’action.
Ce féminicide aurait-il pu être évité si les mesures de protection (comme les « Emergency Protection Orders ») avaient été mises en place à temps ? Qui est responsable de cette défaillance ?
La Protection from Domestic Violence Act 1997 ne prévoit malheureusement pas d’Emergency Protection Order, contrairement à la Children’s Act 2020. C’est là que l’on constate un manquement dans nos lois, qui ne se sont pas adaptées aux exigences modernes de notre société. Cependant, si de telles mesures existaient, elles pourraient contribuer à la protection des personnes dans la société mauricienne qui en ont besoin.
Dans le cas des époux, il est impératif que l’un des conjoints dépose une demande de Protection Order devant la cour de district du lieu de résidence du défendeur.
Que proposez-vous concrètement pour que ce type de drame ne se reproduise plus, surtout lorsqu’il y a eu des signaux d’alerte ignorés ?
Premièrement, il faut encourager et éduquer notre population afin de ne pas perpétuer la culture du silence qui prévaut à Maurice. Si nous hésitons ou subissons les sévices des auteurs, nous ne pourrons jamais éradiquer la violence domestique.
La Family Welfare and Protection Unit du ministère des Genres a mis en place une application nommée Lespwar, qui comprend un bouton d’alerte (« Panic Button ») permettant aux victimes d’informer rapidement les autorités compétentes en cas d’agression ou d’autres sévices. Il est urgent de lancer une campagne de sensibilisation pour inciter les personnes à utiliser cette application.
De plus, nos officiers de police doivent être beaucoup plus proactifs dès la moindre indication qu’une personne pourrait être victime de violence domestique. Ils doivent également être mieux équipés pour accomplir leur travail de manière plus efficace. Une vie sauvée grâce à une action immédiate de la police est déjà une victoire énorme.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !