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Textile : les commandes dégringolent sous l’influence de divers facteurs

La baisse des commandes varie de 50 % à 90 % dans certains cas.

Le secteur textile mauricien, en particulier celui orienté vers l’exportation, traverse une période difficile. Plusieurs dirigeants d’entreprises du secteur, qu’elles soient petites ou grandes, dressent un tableau alarmant de la situation actuelle. La baisse des commandes semble être la problématique centrale.

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Les perspectives du commerce mondial se sont fortement détériorées en raison de l’augmentation des droits de douane et de l’incertitude des politiques commerciales (TPU). C’est ce qui ressort du dernier Global Trade Outlook publié par l’Organisation mondiale du commerce. Sur la base des mesures en vigueur au 14 avril, y compris la suspension des « tarifs réciproques » par les États-Unis, le volume du commerce mondial de marchandises devrait maintenant diminuer de 0,2 % en 2025 avant d’afficher une modeste reprise de 2,5 % en 2026. La nouvelle estimation pour 2025 est inférieure de près de trois points de pourcentage à ce qu’elle aurait été sans les récents changements de politique. 

Selon les auteurs du rapport, l’interruption des échanges entre les États-Unis et la Chine devrait entraîner un détournement important du commerce. Cela suscite des inquiétudes parmi les marchés tiers quant à la concurrence accrue de la Chine. Les exportations de marchandises chinoises devraient augmenter de 4 à 9 % dans toutes les régions hors Amérique du Nord à mesure que le commerce est réorienté. Dans le même temps, les importations américaines en provenance de Chine devraient chuter fortement dans des secteurs tels que le textile. 

Qu’en est-il de la demande pour les produits du textile mauricien ? Nitish Rama, directeur de la compagnie The Formula, concède que la situation est critique pour son entreprise, spécialisée dans la confection de vêtements destinés exclusivement aux marchés internationaux. « Nous enregistrons une chute de plus de 40 % des commandes par rapport à l’année dernière », déplore-t-il. The Formula exporte principalement vers la France et l’Afrique du Sud, avec une faible part de marché aux États-Unis. La réduction des commandes entraîne une situation économique tendue, où l’entreprise opère désormais à son seuil de rentabilité. « Si cette situation persiste, l’avenir de mon entreprise et de mes employés est en jeu », ajoute-t-il.

Pour Rekha Cowlessur d’Arvani Ltd, la situation est encore plus dramatique. « Les commandes ont baissé de plus de 50 %, tant pour le marché local que pour l’exportation », affirme-t-elle. L’Afrique du Sud et le Kenya sont les principaux marchés d’Arvani Ltd. La baisse des commandes, dit-elle, porte un coup dur à la compétitivité des entreprises mauriciennes sur les marchés internationaux. 

Ajay Beedassee, président de la SME Chamber, indique que pour la fête de l’Eid, les entreprises du secteur textile n’ont reçu que 25 % des commandes habituelles. « Pour le marché de l’exportation, la situation est encore plus grave. Pour certains, il faut compter une baisse de 90 % des commandes », dit-il.

La politique de Donald Trump pèse de tout son poids sur l’incertitude qui plane sur le marché mondial. Les États-Unis figurent parmi les marchés exportateurs de Maurice. 13 % du total des exportations de Maurice étaient à destination des États-Unis.

Dans une récente déclaration au Parlement, le Premier ministre avait abordé le sujet des tarifs douaniers américains. Un comité chargé de ce dossier a d’ailleurs été mis en place. Elle s’est réunie pour la deuxième fois le 21 avril. « Nous allons bientôt dégager une stratégie après la validation du Premier ministre. Nous ferons des annonces par la suite. Nous travaillons quotidiennement sur ce dossier », disait Aadil Ameer Meea, ministre de l’Industrie, des PME et des Coopératives, en début de semaine. 

La question qui se pose est la suivante : où se situe ce dossier sur l’agenda des autorités mauriciennes ? Certains opérateurs considèrent que le chef de l’État n’agit pas assez vite pour entamer les négociations avec les États-Unis. « Le Premier ministre doit prendre la décision. Rien ne bouge sans lui. Les commandes pour les États-Unis sont à l’arrêt et une grande inquiétude perdure au sein des entreprises concernées », indique un opérateur. 

Coût de production

Plusieurs facteurs influent sur l’activité des entreprises engagées dans le textile. L’un des éléments majeurs identifiés par Nitish Rama est l’augmentation des salaires. « Les révisions salariales ont été fréquentes ces deux dernières années. Alors qu’au début, nous pouvions absorber ces hausses, aujourd’hui cela devient impossible. Nous avons dû augmenter nos prix », explique-t-il. 

Cette augmentation a eu des conséquences désastreuses. Elle a réduit la compétitivité des entreprises, poussant les clients à se tourner vers des pays concurrents. Nitish Rama fait observer que le gouvernement sud-africain soutient désormais les entreprises locales à travers des incitations et encourage la consommation nationale, ce qui complique davantage la concurrence.

Rekha Cowlessur partage ce constat. Elle mentionne que l’augmentation des salaires, y compris les ajustements et compensations, a alourdi les coûts de production de manière significative. « Cela pèse lourdement sur nos marges », précise-t-elle, tout en soulignant que de nombreuses entreprises mauriciennes ne parviennent plus à rester compétitives à l’international.

Au cours des deux dernières années, les entreprises ont dû faire face à des augmentations salariales d’environ 30 à 40 %. François de Grivel, explique que cela a considérablement accru les coûts de production, rendant les produits plus chers et moins compétitifs face aux producteurs asiatiques, notamment ceux du Vietnam. 

Le manque de main-d’œuvre qualifiée constitue un autre obstacle majeur pour le secteur textile mauricien. Nitish Rama indique que, même lorsqu’il reçoit des commandes importantes, son entreprise est contrainte de refuser certains gros contrats faute de personnel suffisant. « Le nombre d’employés est passé de 80 à une cinquantaine. Nous avons sollicité des travailleurs étrangers, mais nos demandes n’ont pas été prises en considération. Seuls les travailleurs népalais et malgaches obtiennent des permis de travail, alors que ce sont les travailleurs bangladais qui possèdent les compétences spécifiques pour le textile », indique-t-il.

Pour sa part, François de Grivel ajoute qu’en dépit des hausses de salaire, il est difficile d’attirer des travailleurs mauriciens. Le manque de main-d’œuvre locale qualifiée freine l’expansion du secteur. De son côté, Rekha Cowlessur fait face à une autre difficulté : la nécessité de réduire son personnel en raison de la baisse des commandes. « J’ai dû licencier des employés à temps partiel. Aujourd’hui, je ne compte plus que huit employés. Je ne prévois pas de nouvelles embauches, car les commandes sont insuffisantes », explique-t-elle.

« Dumping » : une concurrence déloyale ?

Le « dumping » apporte sa contribution dans la baisse des commandes enregistrée par les entreprises. C’est du moins l’avis d’Ajay Beedassee, président de la SME Chambers. Il avance qu’en 2024, Maurice a importé pour 6,2 milliards de dollars de produits, dont une part significative concerne le textile et l’habillement. Ces articles, dit-il, notamment les vêtements, sont souvent importés à des prix de « dumping », c’est-à-dire en dessous des coûts de production. 

Il indique que le prix CAF moyen des vêtements importés, en particulier des jeans en denim, est nettement inférieur au coût de fabrication du tissu. « Le prix international du coton s’élève à environ 0,95 dollar par kilogramme, tandis que le fil coûte 2,82 dollars/kg. Cela contribue à un coût de fabrication du tissu compris entre 6 et 9 dollars par paire de jeans », dit-il.

En revanche, le prix moyen d’importation du denim à Maurice est de seulement 3,27 dollars par unité. « C’est clairement une situation de ‘dumping’. D’autant plus que le prix moyen d’exportation du denim mauricien est de 15 dollars par unité. Cela met en évidence l’écart important entre nos coûts de fabrication et les prix des produits importés », avance Ajay Beedassee. Ce dernier conclut que cette différence considérable entre le coût de production local et le prix d’importation crée un environnement concurrentiel déloyal, mettant en péril l’industrie textile locale.

 

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