L’ancien directeur des Mauritius Meteorological Services (MMS) partage son point de vue sur l’éthique des prévisions météorologiques amateurs sur les réseaux sociaux, la communication des MMS, et les défis actuels en matière de confiance et de gouvernance.
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« Contrairement aux MMS, qui ne sont pas à l’abri de poursuites en cas de mauvaises informations, peut-on poursuivre un passionné de météorologie ? »
Pensez-vous qu’il soit éthique que des météorologues amateurs fassent des prévisions météorologiques qu’ils publient sur les réseaux sociaux ?
En prenant en considération les informations des passionnés de la météorologie, un « disclaimer » souligne qu’il faut être un météorologue professionnel pour interpréter les données, et que pour la diffusion des alertes, il faut suivre les Mauritius Meteorological Services (MMS). Les météorologues peuvent partager des informations avec leurs amis, mais ils ne peuvent pas diffuser à grande échelle leurs analyses. C’est pourquoi je suis en désaccord avec ces passionnés. Je n’apprécie pas qu’ils informent la population sans être des professionnels en météorologie.
Comment expliquer cette « recrudescence » de pages météorologiques de passionnés sur les réseaux sociaux ?
Pour expliquer cela, je vais faire une analogie. Une personne peut être un as du volant, mais a-t-elle le droit de conduire un autobus rempli de passagers si elle ne détient pas un permis ? Cela signifie que ces passionnés de la météorologie n’ont pas le droit de faire des prévisions.
Cependant, je constate que les médias sont avides d’avoir plusieurs versions, ce qui peut induire les gens en erreur. Ce que disent certains météorologues amateurs peut être considéré comme des « fake news ». Contrairement aux MMS, qui ne sont pas à l’abri de poursuites en cas de mauvaises informations, peut-on poursuivre un passionné de météorologie ? Lui n’a fait que partager son opinion, et chacun est libre de l’accepter ou de la rejeter.
Donc, il ne faudrait pas se fier à leurs prévisions, contrairement à ce que fait une partie de la population ?
On ne devrait même pas leur accorder d’importance. C’est le public qui leur a donné une popularité démesurée, et cela a grandi comme un effet boule de neige. De bouche à oreille, certains se sont fait un nom et se complaisent dans la notoriété qu’ils ont acquise.
Certains météorologues amateurs sont souvent plébiscités par une partie de la population. Peut-on dire qu’il y a une crise de confiance envers les MMS ?
La communication est tellement facile. Si on ne sait pas la faire, on rate le coche. C’est comme enlever le gardien de but dans un match de football, ce qui permet à l’adversaire de marquer des buts plus facilement. Avec une bonne communication, je ne crois pas que la population n’aurait pas confiance dans les MMS.
« Les MMS ne communiquent pas assez, et mal en même temps, pour je ne sais quelle raison. (…) Je ne reconnais pas les MMS d’aujourd’hui »
Les services météorologiques ne communiqueraient-ils pas suffisamment, voire mal, selon vous ?
Ils ne communiquent pas assez, et mal en même temps, pour je ne sais quelle raison. En tant que citoyen, je me demande parfois si c’est bien moi qui ai travaillé au sein de l’organisme auparavant. Je ne reconnais pas les MMS d’aujourd’hui.
Les services météorologiques ont pourtant une responsable de communication.
Au vu de la situation, on peut se demander s’il y a vraiment une responsable de communication et quel est son rôle. Si une personne est payée des deniers publics pour faire un travail, elle doit assumer ses responsabilités.
Comment restaurer cette confiance perdue dans les services météorologiques et faire qu’ils retrouvent leurs lettres de noblesse en tant qu’organe officiel sous la Mauritius Meteorological Services Act 2019 ?
On parle de la Freedom of Information Act et d’autres lois ; les autorités ne peuvent empêcher une personne de publier une information sur les réseaux sociaux, créant ainsi un cercle vicieux. Les MMS ont le devoir de prendre les devants en cas de phénomènes météorologiques pour diffuser des informations à travers tous les médias et avertir toute la population.
En 2002, lors du passage du cyclone Dina, je me suis fait un devoir d’intervenir régulièrement sur les chaînes de la télévision nationale pour informer le public de l’évolution de la situation. Je n’ai pas attendu qu’on me donne des instructions, car pour moi, c’était un devoir d’informer la population.
Vos successeurs n’auraient peut-être pas cette liberté d’expression que vous aviez à l’époque…
Avec la Mauritius Meteorological Act 2019, le directeur est placé sous la tutelle d’un « supervising officer » nommé par le ministère concerné. Je suis ainsi d’avis qu’il n’a pas les coudées franches et ne peut pas agir en toute liberté.
Le directeur de la Météo, en tant que scientifique, ne peut être placé sous la supervision d’un non-professionnel de la météorologie. Il peut encadrer du côté administratif, mais en aucun cas il ne peut intervenir en ce qui concerne les prévisions météorologiques. Cependant, sur le plan éthique, le directeur doit informer le ministère de tutelle de toutes les décisions qui sont prises.
La Mauritius Meteorological Act 2019 est un couteau à double tranchant. Ce texte de loi peut être au détriment du ministère concerné car il ne mentionne pas que les MMS agissent en consultation avec le ministère.
De plus, l’erreur qui a été commise est d’avoir retiré les MMS de la tutelle du Bureau du Premier ministre pour les placer sous le ministère des Catastrophes naturelles. Cela alourdit les procédures, et la bureaucratie est bien plus lourde, en l’absence d’une communication directe avec le Premier ministre, ce qui est essentiel pour la prise de décisions rapides.
Nous avons vu que lors du passage du cyclone Belal, c’est le ministre des Catastrophes naturelles qui a annoncé les nouvelles du temps. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas normal. C’est le directeur de la Météo qui aurait dû le faire, car le ministre n’est pas là pour superviser le travail des météorologues qui connaissent bien leur métier.
Diriez-vous qu’il y a une ingérence politique dans les affaires de la Météo ?
Même s’il n’y en a pas, il y a cette perception qu’il y a effectivement cette ingérence. C’est comme la main invisible de Maradona lorsqu’il a marqué un but lors d’une Coupe du monde.
Avec la création du National Emergency Operations Command (NEOC), où siège le directeur de la Météo, pensez-vous que c’est son rôle de participer à des réunions à Port-Louis au lieu d’être au siège de la Météo à Vacoas ?
La place du directeur est d’être au siège de la Météo pour suivre tout ce qui se passe et prendre des décisions collectives à la lumière des données disponibles. Le directeur devrait déléguer une personne au NEOC.
En résumé, les MMS ont perdu de leur superbe en raison de l’émergence des passionnés de la météorologie ?
L’erreur des MMS a été de laisser le champ libre aux météorologues amateurs. Mais nous observons que les passionnés consciencieux se gardent de faire des prévisions dans les médias ou de critiquer les MMS ; ils demeurent dans leur rôle d’amateur.
Mais les médias devraient aussi être vigilants et ne pas accorder une importance démesurée aux météorologues amateurs, car en le faisant, ils deviennent leurs promoteurs. Il faudrait qu’il y ait une seule source d’informations pour la population, et cela doit rester les MMS, qui émettent régulièrement des bulletins, notamment lors du passage d’un cyclone.
Les alertes cycloniques devraient aussi être modifiées afin de prendre en considération d’autres risques, comme les marées, tempêtes et les houles, par exemple. Les alertes actuelles devraient être revues en concertation avec les parties prenantes qui s’y connaissent dans le domaine.
Les MMS ont tous les moyens pour faire des prévisions adéquates, ceux-ci semblent être sous-utilisés. Les prévisions doivent se faire en consultation et en concertation avec tous les officiers concernés : prévisionnistes et techniciens, entre autres. Les MMS doivent aussi améliorer leur communication.
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