Air Mauritius traverse une période de turbulences. Le dernier événement en date remonte à mardi. Le Chief Commercial Officer, Laurent Recoura, a été suspendu de ses fonctions après avoir écrit une lettre de dénonciation concernant les « agissements » du Chief Executive Officer, Charles Cartier. Pour le porte-parole, Atma Bumma, ce sont ceux qui voient leurs postes menacés qui tentent de créer des perturbations.
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La suspension de Laurent Recoura, Chief Commercial Officer (CCO) d’Air Mauritius, mardi, remet en question la situation qui prévaut au sein de la compagnie aérienne depuis quelques semaines. Et notamment depuis la prise de fonction de Charles Cartier au poste de Chief Executive Officer (CEO). Cette crise intervient dans un contexte déjà tendu pour Air Mauritius.
Bissoon Mungroo, ancien membre du Board, est d’avis qu’Air Mauritius serait devenue « une boîte à propagande ». « Personn pa les zot prosin monte dan MK », déclare-t-il. Selon lui, « des forces occultes » opèrent au sein de la compagnie. « MK doit sa survie grâce à ses doses de ‘Panadol’. ‘Ena ki pe donn pwazon pou pous bann kad ver laport. Enn stratezi itilize depi lontan sa », déplore-t-il.
Selon lui, « rien n’est fait pour retenir les professionnels ». Il cite le nom d’André Viljoen, CEO d’Air Mauritius du 8 décembre 2010 au 21 août 2015. Laurent Recoura a rejoint Air Mauritius en 2022. Ce professionnel de l’aviation a été Officer-in-Charge d’Air Mauritius après la suspension de l’ex-CEO Krešimir Kučko, et ce, jusqu’à la nomination de Charles Cartier en mars de cette année.
Quelles sont les raisons de la suspension de Laurent Recoura ? Il aurait été convoqué par Charles Cartier, samedi, à son bureau. Il est rapporté, dans Le Défi Quotidien du mercredi 22 mai, que Charles Cartier aurait exercé « une forte pression pour qu’il démissionne en tant que CCO ». Laurent Recoura aurait ensuite adressé une correspondance aux membres du Board et au Prime Minister’s Office. Selon la lettre, Laurent Recoura aurait été victime d’intimidation et de violence au travail. Il a demandé au Board de mener une enquête et de prendre des mesures. Il est aussi reproché à Laurent Recoura d’avoir « partagé un document confidentiel (des informations sensibles) avec une tierce personne ».
La suspension du CCO n’est pas la seule polémique dans laquelle Air Mauritius s’est retrouvée récemment. Le déplacement de Charles Cartier en Afrique du Sud, en compagnie de sa famille, en classe Affaires a fait l’objet d’une controverse.
Scenarios répétitifs
Selon une source évoluant dans le domaine de l’aviation : « You don’t have the right person in the right place ». « Nous avons ce que nous méritons. J’imagine que les employés sont dans le flou, car tout est sens dessus dessous à Air Mauritius depuis quelques semaines. Celui qui a permis à la compagnie d’aviation de faire des profits, notamment Laurent Recoura, a été suspendu de ses fonctions. La différence est qu’entre 2021 et mars 2024, Air Mauritius tombait sous Airport Holdings Ltd (AHL). Les choses fonctionnaient normalement. Il semble que nous soyons en train d’assister aux scenarios répétitifs du passé.
Autrement dit, des fortes têtes seraient en train de faire ce qu’elles veulent. Des individus, évoluant dans l’ombre, sont en train de détruire le travail accompli par les professionnels », déplore cette source.
Jack Bizlall, le conseiller technique de l’intersyndicale d’Air Mauritius, estime qu’il y a « des tractations » au sein de la compagnie. « Des individus, assumant des postes de responsabilités et fidèles à Air Mauritius, sachant que leurs contrats arrivent à terme, commencent à faire la pluie et le beau temps. C’est ainsi qu’ils finissent par être suspendus de leurs fonctions », dit-il.
Doit-on comprendre qu’il y a des sièges éjectables chez MK ? « Je ne peux pas dire que ce sont des sièges éjectables. Le problème, ce ne sont pas les sièges, mais les fonctions et les circonstances. C’est parfois politique. On ne connaît pas les raisons des départs », fait ressortir Megh Pillay, l’ancien CEO et Managing Director d’Air Mauritius. Le Défi Quotidien a également sollicité Somas Appavou, CEO d’Air Mauritius du 20 juin 2017 au 3 mars 2020, pour une déclaration téléphonique. Mais ce dernier nous a fait comprendre qu’il était occupé.
Le silence de Laurent Recoura
Le Chief Commercial Officer suspendu, Laurent Recoura, a été sollicité pour une déclaration téléphonique mercredi après-midi. « Je ne ferai aucune déclaration pour le moment », a-t-il dit.
Megh Pillay, ancien CEO et MD d’Air Mauritius : «Une ligne aérienne respectable se gère de l’intérieur et non de l’extérieur»
« La performance de MK restera très aléatoire et nettement en dessous des normes de l’industrie aussi longtemps qu’elle n’opère pas dans une structure de gouvernance saine. Et cela dépend de la volonté du pouvoir politique. Son unique actionnaire est Airport Holdings Limited qui est elle-même entièrement contrôlée par l’État. Cela ne veut pas dire que MK doit être gérée comme un département d’un ministère par des fonctionnaires et des personnes interposées agissant comme des agents politiques dans sa structure de gouvernance. Au fait dans plusieurs pays où l’État contrôle le capital de sa ligne aérienne porte-drapeau, sa gestion est très réussie aussi longtemps qu’elle est confiée à des professionnels indépendants et reconnus au niveau de son Board et de la direction générale. Dans le respect de la politique nationale décidée par le pouvoir, ils sont tous tenus d’agir en toute indépendance dans l’intérêt de la compagnie à laquelle ils doivent allégeance et envers laquelle ils assument pleinement la responsabilité fiduciaire. Ils sont redevables à la compagnie en premier et pas aux politiques qui les auraient nommés. C’est ainsi qu’une ligne aérienne respectable se gère de l’intérieur, et non pas de l’extérieur, pour réussir ses missions avec succès et ainsi réaliser la vision du pouvoir politique. »
L’AMCCA : «Les coups de Karcher du nouveau CEO fait mal à certains…»
« Quand on regarde ce qui se passe à MK, on constate qu’il y a eu une mauvaise gestion », fait comprendre un préposé de l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA). « On nous dit que le nouveau CEO, Charles Cartier, est venu pour redresser la barre. Il y a eu une grande amélioration. Charles Cartier a tout fait pour que tout retourne à la normale. Il a rétabli les relations industrielles. Avant lui, il y avait Ken Arian, Anba Manikham, Krešimir Kučko et Laurent Recoura. Mais rien n’a été entrepris », dit-on.
« Nous ne sommes ni pour, ni contre Charles Cartier. Mais il a appliqué certaines mesures en faveur du personnel. Mettre de l’ordre prend du temps. Et c’est maintenant que le nettoyage débute. Il semble que les coups de Karcher du CEO font mal à certains. Du coup, ils emploient des diversions qui sont à l’origine des turbulences », ajoute-t-on. Selon l’AMCCA, le personnel navigant « accueille l’arrivé de Charles Cartier ».
Atma Bumma, porte-parole d’Air Mauritius : «Ceux qui ont fait fi des normes de gestion se sentent menacés»
Le porte-parole de la compagnie a été sollicité pour clarifier la situation à la suite de la suspension de Laurent Recoura. Atma Bumma réfute catégoriquement les allégations de secousses au sein de la compagnie aérienne.
Selon lui, chaque fois qu’une décision est prise par la direction, des rumeurs de turbulences émergent. « Lors de son arrivée, Charles Cartier a établi des principes de base pour sa gestion, notamment la sérénité parmi les employés. Ceux qui ont ignoré les normes de gestion se sentent menacés et auront recours à toutes sortes de subterfuges pour créer et faire croire à des turbulences. Mais c’est mal parti pour eux », dira Atma Bumma.
Il souligne que ces accusations ne sont que « des tentatives de déstabilisation » par des individus préoccupés par leur avenir professionnel. Il insiste sur le fait que « la direction de MK reste solide ».
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