Interview

Shelters pour enfants : «Le casse-tête des autorités et l’enfer pour les enfants»

L’avocate Zareena Tawheen Choomka. L’avocate Zareena Tawheen Choomka.

Des « shelters » pour enfants font l’objet de critiques. Ils avaient été créés pour protéger les enfants en difficultés ou victimes d’abus. Or, c’est le contraire qu’a constaté l’Ombudsperson for Children. Pour l’avocate Zareena Tawheen Choomka , le Children’s Bill devrait apporter des solutions.

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Que dit la loi sur la gestion des abris (shelters) pour enfant ?
À Maurice, on ne fait distingue quasiment pas entre un shelter et un Residential Care Home. De nombreuses circonstances justifient pourquoi un enfant est placé dans un shelter. L’objectif de ce placement : défendre ses intérêts. Que se passe-t-il une fois qu’il est placé ? Qu’en est-il de sa sécurité physique, mentale ou morale ?

Quand un enfant ou un mineur se retrouve-t-il dans un « shelter » ?
Lorsque le Permanent Secretary du ministère responsable du Bien-être de l’enfant a des raisons de croire qu’un enfant est maltraité, négligé, abandonné, démuni ou exposé a un préjudice quelconque et qu’il est dans son intérêt de l’envoyer dans un lieu of safety, le Permanent Secretary demandera par écrit un committal order auprès du magistrat du Juvenile Court du district. Un place of safety est défini par la Child Protection Act 1994 comme incluant une institution pour les enfants.

Quel rôle joue un « shelter » dans l’épanouissement d’un enfant ?
Le shelter est supposé contribuer au développement de l’enfant en subvenant à ses besoins quotidiens. Il doit lui offrir pour garantir sa réhabilitation, un lieu accueillant qui fasse sourire l’enfant.

L’enfant reste-t-il dans un « shelter » jusqu’à sa majorité ? Pourquoi ? Qu’advient-il de lui après?
Dans le cas d’un committal order sous la Child Protection Act 1994, le magistrat, si c’est dans l’intérêt de l’enfant, pourra ordonner qu’il soit mis dans ce place of safety jusqu’à ses 18 ans. L’ordre peut être modifié dans l’intérêt de l’enfant, à la demande de toute partie. Dans certaines circonstances exceptionnelles, l’enfant même s’il a atteint ses 18 ans, n’est pas abandonné d’un coup, surtout s’il n’est pas formé professionnellement.

Si le « shelter » ne respecte pas les règlements, que risque-t-il ?
Le shelter, comme institution assurant le bien-être et la protection des enfants, doit se conformer aux règlements énoncés sous la deuxième schedule des Institutions for Welfare and Protection of Children Regulations. Enfreindre ces règlements équivaudra à une infraction à la loi. Si c’est un Residential Care Home, le permis pourra être révoqué.

Qui peut émettre un ordre de fermeture à l’égard d’un «  shelter » ? Dans quel cas figure ?
Ce sont les autorités qui lui auront donné le permis d’oépration. Enfreindre les conditions du permis ou du contrat, ou l’existence de cas d’abus sur des enfants dans les shelters, la mauvaise gestion et non-accountability des grants  dont ils bénéficient, sont autant de raisons qui pourront entrainer la fermeture des shelters.

Le 'shelter' est supposé contribuer au développement  de l'enfant.»

Qu’advient-il des enfants ?
Les enfants devront être transférés dans un autre  shelter.

Dans le cas d’abus commis sur des enfants dans un « shelter », que risquent le gérant et ses employés ?
On ne peut le démentir : les conditions de vie des enfants dans les shelters sont déplorables. On parle de violence perpétrée sur des enfants par leurs colocataires. Les gérants et les employés des shelters  dans lesquels ces enfants subissent des abus, risquent gros ! Outre qu’ils seront responsables de s’être engagés dans un projet qu’ils n’auront pas pu gérer, ils risquent une sanction pénale.

Comment éviter de telle situation ?
Nombreux d’entre nous ignorent ce que ces enfants subissent parfois dans les shelters. Il y a toujours eu des plaintes. Avant de revoir le système et le cadre légal, il faudrait déjà corriger le mécanisme en place.

La décision de placer un enfant dans un shelter doit être le dernier recours. Il n’est pas approprié de placer les enfants dans des abris en toute circonstance. C’est devenu une tendance que de placer un enfant dans un abri pour la toute première fois, en cas de négligence ou maltraitance rapportées. Il y a d’autres solutions pour garantir que l’enfant soit soutenu, y compris dans son environnement familial. Il y a des child mentors qui sont recrutés sous des Mentoring Orders.

Pensez-vous qu’il faut revoir le système et le cadre légal ?
Il faudra mettre en avant les recommandations du rapport du fact finding committee - Rapport Vellien - qui a longuement décortiqué les difficultés qu’engendrent le placement des enfants dans les abris. Même si l’on dit que de nombreuses recommandations sont déjà appliquées, il reste un immense problème de leur implémentation et du système de surveillance et de supervision. Les conditions de vie des enfants en sont les preuves.

Chaque membre du public devra être mobilisé pour signaler d’urgence tout cas d’abus dans un abri. Les licensing conditions (sous le Residential Care Homes Regulations) pour les permis d’opération des shelters doivent être revues. L’éthique et la bonne gouvernance doivent prévaloir dans les conseils d’administration de ces institutions/associations. Elles ne doivent pas être des « family businesses » au détriment des enfants ! Le  Code of Ethics applicable aux Child Mentors » doit être imposé aux membres et aux Care Givers des shelters. Le code de conduite sous les Child Protection (Foster Care) Regulations 2002 doit s’appliquer aux shelters. Le mot « business » doit être supprimé du Residential Care Homes Act 2003.

La collaboration des autres autorités, tel que le Registrar of Associations, doit être requise. La formation complète ou la rééducation des Care Givers  est impérative. Le renforcement du National Children Council doit être une priorité. Il ne suffit pas d’énoncer des critères à respecter, il faut une collaboration entre la Child Development Unit(CDU) et l’Alternative Care Unit (ACU).

La seule bataille entre ces deux unités du ministère doit être celle qui assure l’intérêt de l’enfant. La proactivité est très demandée ! Le Children’s Bill peut être la lumière qui mène au bout du tunnel !

Les visites surprises des inspecteurs devraient être de rigueur dans les associations. Des rapports détaillés devraient se faire régulièrement. Des psychologues expérimentés devraient visiter régulièrement les enfants. Le ministère devrait organiser des ateliers pour ces enfants, si possible, à l’extérieur des shelters pour qu’ils se sentent libres de s’exprimer.

 

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