Étudier les vestiges du passé n’est pas un métier qui attire grande foule. Mais Jayshree Mungur-Medhi, est la seule archéologue mauricienne qui a choisi d’exercer dans son pays pour son pays. Travaillant comme responsable de l’équipe technique de la gestion de patrimoine au sein du National Heritage Fund, elle conte ce métier qu’elle fait avec passion.
Pioche à la main, sous un soleil de plomb, Jayshree Mungur-Medhi n’a pas une minute à perdre. Avec une équipe du Aapravasi Ghat Trust Fund (AGTF), elles ont découvert le reste de ce qui semble être le mur d’un bâtiment ancien à Parc à Boulets, à côté de l’Aapravasi Ghat World Heritage, à Port-Louis. Ce vestige était enfoui à plus d’un mètre sous le sol.
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« Les fouilles ont commencé en novembre. Et c’est vers le mois de décembre que nous avons découvert ce qui semble être un mur. Les fouilles vont continuer pour encore un mois environ. Nous allons analyser les données des archives et les détails de cette découverte pour déterminer exactement ce qu’est ce vestige », confie Jayshree Mungur-Medhi.
Formée en archéologie et gestion de patrimoine, Jayshree Mungur-Medhi a travaillé pour le National Heritage Fund à plusieurs reprises dans le passé sous contrat et sur des projets ainsi que comme chercheuse à l’Aapravasi Ghat. Mais depuis 2016, elle est en poste permanent comme responsable de la section technique au sein du NHF.
« L’histoire, la découverte, le terrain, les travaux sur le chantier, les fouilles et le fait de toujours apprendre, c’est ce qui me passionne dans mon métier », dit-elle.
Mais pourquoi avoir choisi l’archéologie ?
« Pour moi, l’archéologie est un moyen de comprendre l’humanité, les cultures anciennes à travers les traces laissées par nos ancêtres. C’est un métier qui permet de voyager dans le passé et d’enrichir notre patrimoine culturel », confie notre interlocutrice.
Aussi passionnant que peut être ce métier, ils sont rares les archéologues, hommes ou femmes, qui ont décidé de rester à Maurice pour travailler.
« Il y a d’autres archéologues mauriciens qui viennent faire des recherches à Maurice. »
Ce manque d’intérêt pour ce métier est dû, selon notre interlocutrice, aux nombreuses années d’études qu’il lui incombe, le travail physique, d'extérieur, qui peut être exercé dans des conditions difficiles et tout cela sans être rémunéré à juste mesure.
« C’est le dur labeur dans la terre et aussi de longues études. Je compte une vingtaine d’années d’études. J’étudie en permanence. Il y a des personnes qui m’ont dit ‘autant d’années d’études pour attraper une pioche’ ou encore qui m’ont résumé ce métier comme ‘être mal habillé et sale dans la terre’. Et au final, ce n’est pas un métier qui est bien rémunéré. C’est ce qui décourage plus d’un », concède Jayshree Mungur-Medhi.
Pour l’archéologue, il faudrait aussi que le métier soit mis en avant pour encourager les jeunes, car à Maurice, l’archéologie n’est pas vue comme une possibilité de carrière.
Ses passions
L’archéologie, la musique, la danse, le chant et la natation.
« Même s’il y a beaucoup à faire dans le domaine du patrimoine, on peut compter sur nos doigts le nombre de personnes qui travaillent dans ce domaine à Maurice. Je connais pleins de jeunes, notamment mes ex-étudiants de l’université qui sont intéressés, mais il n’y a pas de possibilité d’études ni d’emploi dans le domaine à Maurice. »
D’ailleurs, elle constate avec regret que le poste d’archéologue n’existe même pas à Maurice.
« Je ne suis pas employée comme archéologue, le poste n’existe même pas. Je suis Manager of Technical Section pour la gestion de patrimoine en général, et non pour les recherches archéologiques. Je pratique l’archéologie à travers des projets, comme collaboratrice de recherche avec l’université, des institutions comme AGTF ou associations comme ‘Our Heritage Foundation’ entre autres. C’est beaucoup plus du volontariat. »
Malgré les aléas, elle ne regrette pas d’avoir choisi ce métier. Jeune, elle était passionnée par la culture humaine et les anciennes civilisations. Enfant, elle aimait regarder les documentaires ethnographiques et les films qui mettaient en avant les civilisations anciennes. C’est cette attirance vers l’histoire qui a orienté sa carrière et l’a poussée vers cette aventure qui recèle des secrets historiques.
‘Overqualfied’ et ‘Not qualified’ !
La route n’a pas été de tout repos pour Jayshree Mungur-Medhi. En rentrant de Portugal, elle est restée sans emploi pendant deux ans. « Pourtant, il y a beaucoup de choses à faire dans le domaine. Il y quelques années de cela dans un entretien pour un poste important dans le domaine, un très haut gradé d’un ministère m’a dit que je suis ‘overqualified’ et qu’il n’y a pas de place pour moi et d’aller à l’étranger. De l’autre côté, quand j’ai fait une demande pour une bourse d’études auprès du ministère de l’Éducation, ils m’ont dit que je n’étais pas qualifiée pour être considérer. Et j’ai due continuer mes études par mes propres moyens. Maintenant, je ne suis même pas appeler pour des entretiens pour les postes que je postule car il semble que je ne suis pas assez qualifier pour être considérer pour des postes. C’est incroyable, très injuste et décourageant. »
Son parcours
Jayshree Mungur-Medhi vient d’un petit village dans le Sud-Est de l’île, qui s’appelle ‘Des Places’, près de Plaine-Magnien. Elle habite toujours la région. Elle a fréquenté l’école primaire de Mon Désert Mon Trésor, puis le Couvent de Lorette de Mahébourg avant de rejoindre le Mahatma Gandhi Institute en HSC. Elle a ensuite continué ses études tertiaires en Histoire et Hindi à l’Université de Maurice avant d’obtenir une licence. Mais ce n’est que pendant sa dernière année à l’université qu’elle a rencontré des archéologues invités par le Dr Vijaya Teelock en vue d’introduire ce sujet aux étudiants.
« Immédiatement après l’université, j’ai eu la chance de poursuivre mes études en archéologie et civilisations anciennes, en Inde. Mes parents ont financé mes études grâce à un emprunt. Je suis rentrée après deux ans et j’ai commencé à travailler comme chercheuse à l’Aapravasi Ghat ».
Puis, elle obtient une bourse ‘Erasmus Mundus’ de l’Union européenne. Elle s’envole pour le Portugal et pour la France pour des études plus poussées en archéologie et gestion de patrimoine. Après deux ans, elle obtient une autre bourse d’une fondation au Portugal pour continuer ses études et travaux de recherche. Actuellement, elle fait des travaux de recherche en histoire et archéologie via une université française.
Sa famille
Jayshree Mungur-Medhi est issue d’une fratrie de sept enfants. Son père, décédé, était chauffeur de bus. Sa mère, qui a travaillé comme laboureur et jardinier, est maintenant à la retraite. « Mes parents ont travaillé très dur pour nous. Aujourd’hui, je suis mariée et j’ai deux filles. Mon mari m’a toujours soutenue dans ma carrière et mes études. Sans son soutien, je ne serais pas qui je suis aujourd’hui. Car je dois avouer que je consacre plus de temps à l’archéologie et au patrimoine qu’à ma famille. Le parcours n’a pas été facile et ce n’est toujours pas facile. En sus, beaucoup de gens me découragent. Mais ma famille m’a toujours encouragée à faire les choses que j’aime et de les faire bien. »
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