
À Maurice, les maladies cardiovasculaires ne frappent plus seulement les seniors. De plus en plus de jeunes adultes, parfois dans la vingtaine, présentent déjà hypertension, cholestérol élevé et obésité abdominale. « L’hyperlipidémie (excès de graisse dans le sang) et l’athérosclérose peuvent être bien avancées dès 30 ans », alerte Leela Moothoosamy, Senior Nutritionist au ministère de la Santé.
Publicité
Selon le National Non-Communicable Diseases (NCD) Survey 2021, près 76,9 % des Mauriciens âgés de 25 à 74 ans (77,5 % chez les hommes, 76,4 % chez les femmes) cumulent au moins trois facteurs de risque cardiovasculaire : diabète, hypertension, obésité abdominale, tabagisme, cholestérol élevé ou albuminurie. Seuls 13,5 % (10,7 % des hommes et 13,7 % des femmes) n’en présentent aucun. Une majorité vit donc avec une véritable bombe à retardement dans les artères.
L’alimentation joue un rôle central dans ce rajeunissement des crises cardiaques. Une étude réalisée en 2023 a révélé que les Mauriciens âgés de 30 à 59 ans consommaient en moyenne 7,1 g de sel par jour (7,6 g chez les hommes et 6,5 g chez les femmes), au-delà des 5 g recommandés par l’OMS. « Même si le pain est désormais limité à 1 g de sel pour 100 g, les aliments transformés, sauces commerciales, achards ou poissons salés continuent d’alimenter l’excès », précise la nutritionniste.
La friture est très répandue, pratiquée par 80 % des participants à l’enquête nationale sur la nutrition (2022). Associée à la consommation de glucides raffinés – riz, farata, dholl puri, boissons sucrées – et de graisses saturées (fritures, pâtisseries, viandes grasses), elle favorise le surpoids dès l’adolescence et augmente le risque cardiovasculaire à l’âge adulte. L’apport énergétique dépasse systématiquement les besoins recommandés dans toutes les tranches d’âge, observe la nutritionniste.
Les plats traditionnels – briani, farata, dholl puri ou gâteaux piments – restent au cœur des repas familiaux et sociaux. Mais les portions de salade sont souvent minimes, remplacées par des achards salés et huileux. « Nos repas sont généreusement accompagnés de boissons gazeuses ou alcoolisées, et l’on encourage les invités à manger abondamment », note Leela Moothoosamy.
La solution ? Préparer ces plats avec des alternatives plus saines : cuisson plus légère, réduction du sel et de l’huile, usage d’herbes et d’épices pour la saveur. Introduire davantage de légumes et de salades permet de réinventer les recettes sans sacrifier le plaisir.
Les pièges du quotidien
Cependant, le mode de vie moderne complique la prévention. Beaucoup sautent un ou deux repas, ce qui favorise grignotages et excès lors des repas suivants. Les fritures, snacks, pâtisseries et boissons sucrées sont omniprésents dans la rue et les food courts. Les boissons énergisantes, très populaires chez les jeunes, s’ajoutent à des apports déjà excessifs, au détriment d’aliments plus nutritifs. Leela Moothoosamy parle même de « marécage alimentaire » où les choix malsains deviennent plus accessibles que les repas maison.
Peu évoqué dans les campagnes de prévention, l’alcool aggrave la situation : consommation de snacks salés, perte de contrôle des portions et repas équilibrés sautés. La modération reste la règle : moins de deux verres par jour pour les femmes, moins de trois pour les hommes, sur trois jours maximum par semaine, et uniquement en l’absence de maladies liées à l’alcool, recommande la nutritionniste.
Pour protéger le cœur, la nutrition doit être diversifiée : céréales complètes, légumineuses, poissons gras deux à trois fois par semaine, viandes maigres, moins de quatre œufs par semaine. L’apport en fruits et légumes, actuellement de 198 g/j, devrait atteindre 400 g/j (Mauritius Nutrition Survey 2022).
La cuisson à la vapeur, au four ou à l’air chaud remplace avantageusement la friture. L’eau reste la boisson de choix, et les tisanes non sucrées constituent une alternative. « La clé réside dans la planification et la substitution », rappelle la nutritionniste : fruits plutôt que pâtisseries, légumes plutôt que fast-food, desserts maison plutôt que glaces, snacks traditionnels sains plutôt que fritures. Toutefois, trois obstacles persistent selon l’Enquête nationale sur la nutrition 2022 : goût jugé fade, coût perçu élevé, et acceptation familiale difficile.
Leela Moothoosamy insiste : la nutrition ne se limite pas à la prévention. Après une première crise cardiaque, elle complète les traitements médicamenteux et la réhabilitation. Plans personnalisés, contrôle du poids, gestion du diabète, de l’hypertension et de l’hyperlipidémie : la prise en charge nutritionnelle devient un pilier incontournable de la santé cardiaque à Maurice.
Les boissons énergisantes : un danger silencieux pour le cœur
De plus en plus prisées par les jeunes, les boissons énergisantes représentent un apport calorique supplémentaire qui s’ajoute souvent à une alimentation déjà trop riche. « Elles peuvent remplacer des aliments plus nutritifs ou s’ajouter à des apports énergétiques déjà excessifs, ce qui nuit à l’état nutritionnel et à la santé cardiovasculaire. Mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mesurer leur impact réel », explique Leela Moothoosamy, Senior Nutritionist.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !