Satyanand Ramchurn, 67 ans, ex-‘superintendent marine engineering officer’, a 40 ans d’expérience en mer. Une voie professionnelle, certes inattendue, qui est devenue une de ses plus grandes réussites. Retraité depuis trois ans à l’âge de 64 ans, il nous transporte par le biais de ses mille et une aventures en mer à travers la cartographie. 32 pays et 82 ports pour être plus précis.
Aujourd’hui marié et père de deux fils, son parcours marin a commencé alors qu’il était un jeune gaillard de seulement 19 ans, il décide de troquer son uniforme d’écolier pour celui d’un marin. « À cette époque, trouver un travail était très dur, je ne m’imaginais pas entreprendre cette voie en tant qu’ingénieur marin. Le métier n’était pas non plus anodin, vu les critères requis », dit-il pour décrire la situation en perspective.
La même année, soit en 1971, il intègre l’école navale de la Sea Training School de Port-Louis. «J’étais parmi le premier batch qui a suivi les cours de six mois où on nous apprenait les principes de bonnes compétences nautiques», se souvient-il. Après six mois de formation, il met les pieds à bord d’un navire nommé ‘Ville de Port-Louis’ pour la première fois comme ‘Deck Boy’.
Un baptême de feu, après lequel il enchaînera les connaissances sur de multiples navires avec diverses structures aussi impressionnantes les unes que les autres. « En 1972, j’ai travaillé deux ans comme ‘oiler’ avec des ingénieurs sur un bateau hollandais avec des moteurs allant jusqu’à 11 340 chevaux. On naviguait de Maurice à Australie et Durban. C’était la première fois que je travaillais sur un navire étranger de cette envergure », se remémore-t-il.
Onze ans d’acharnement pour le titre d’ingénieur marin. Sa curiosité pour le métier d’ingénieur marin a vraiment débuté en 1974 lorsqu’il était de retour sur ‘Ville de Port-Louis’ en tant qu’’engineering cadet’. Du coup, après s’être renseigné en Angleterre sur les démarches à suivre pour devenir ingénieur, il a fait quatre ans d’atelier de 1974 à 1978. « Mon capitaine à l’époque m’a conseillé de faire l’application pour le MSN Scheme qui nous donnait l’occasion de travailler pour Rogers. Je gagnais Re 1,83 en tant qu’apprenti avec Rs 5 supplémentaires que nous donnait le MSN pour nous donner de la motivation d’apprendre pour eux», se rappelle-t-il avec nostalgie.
Après ces quatre ans d’atelier, Satyanand reprend le large à bord du ‘Belle Rose’ envoyé par Rogers en tant que ‘junior engineering officier’. Il embarquera à bord de plusieurs navires de Rogers et gagnera en grade d’année en année et visitera plusieurs pays tels que l’Australie, le Japon, l’Afrique, le Brésil, la Colombie, la Norvège, le Danemark et on en passe. Ainsi, ce fut une belle carrière à Rogers, où Satyanand va accumuler 20 ans d’expérience, quittant la position de ‘Third engineering officer’ pour de nouvelles perspectives.
En 1982, il poursuit ses études en polytechnique à Belfast où il obtient finalement son certificat de compétence en ‘Marine engineering officer Classe 2 motorships’ qui certifie qu’il peut naviguer sur des navires internationaux. « Il m’a fallu onze ans pour obtenir le certificat de compétence en ‘Marine engineering officer Classe 2 motorships’. Les critères d’examens étaient extrêmement stricts. De plus, je naviguais sous contrats de quatre à six mois sur plusieurs bateaux en parallèle avec mes études. C’était beaucoup de sacrifice. »
Un fruit de labeur aigre-doux pour Satyanand
Toutefois, malgré l’opportunité de naviguer dans la cour des grands, il décide de dédier ses connaissances à son pays en intégrant la Mauritius Ports Authority (MPA). « Après mes études à Belfast, j'ai rejoint la Mauritius Ports Authority. Je faisais partie de l’équipage du premier bateau de Mauritius Rogers appelé MG Mauritius qui avait pour itinéraire Maurice-Rodrigues. »
Malgré son titre de ‘Second Engineering Officer’ obtenu à Belfast, il dit que c’est malheureux que cela n’ait pas été reconnu pendant sa carrière à la MPA. « À Maurice, ce titre n’est pas reconnu par la marine. Ici, on utilise le terme 'Superintendent Marine Engineering Officer'. C’est chagrinant que les ingénieurs marines ne soient pas rémunérés selon les années d’études et leurs expériences sur les navires. C’est la raison du manque de jeunes qui souhaitent intégrer la marine», conçoit-il. Il ajoute que le métier marin-ingénieur est un mystère pour beaucoup de personnes, surtout les Mauriciens, malgré l’évolution de cette filière.
Anecdotes marquantes de sa carrière : pendant ses 20 ans de service à la MPA Satyanand a accumulé quelques coups de cœur pour certains bateaux en particulier, le ‘Mauritius Pride’ et le remorqueur ‘Da Pathen’. « J’étais chanceux de pouvoir emmener le remorqueur ‘Da Pathen’ de Jakarta avec quatre membres d'équipage hollandais en 2009 ainsi que le Mauritius Pride de l’Allemagne. »
Des anecdotes, il en a des tonnes, mais celle qui lui a le plus marquée a eu lieu lors d’un voyage sur le Mauritius Pride. Ils avaient pour mission de transporter deux cents bœufs à La Réunion. Toutefois, le voyage a été plus long que prévu « Arrivé à La Réunion, les vétérinaires ont diagnostiqué que les bœufs étaient malades et ont refusé de les prendre. Idem pour le pays qui nous les avait procurés. » Une fois à Maurice, le bateau devait se tenir à une distance de 15 mètres, car le gouvernement ne voulait pas les prendre. Il raconte que du coup, la Special Mobile Force est montée à bord avec des revolvers pour les abattre. Ils ont navigué jusqu’à Madagascar pour les abattre et les jeter en mer.
Lorsqu’il s’agit de ses années de service à Rogers, il se souvient très clairement d’une anecdote complètement farfelue sur ‘Bel- Ombre’ qu’il avait pour mission de rapatrier depuis le Japon avec un nouvel équipage en 1989. « À cinq jours de l’Australie, on a eu un souci avec le moteur, on a dû le démonter. C’était un vrai défi de réparer ce moteur, sachant que le système du bateau était nouveau. Finalement, après 26 heures de casse-tête, on a pu le faire. »
Des bémols en mer, il y en a eu. La liste était longue, mais il a gardé le plus beau pour la fin. « J’ai aussi travaillé sur un bateau nommé Savane de 1 500 chevaux où j’ai eu 11 black-out lors de la navigation de Durban à Isabelle, » relate-t-il amusé.
Ce vétéran maintenant à la retraite se rappelle ces années en mer avec beaucoup de nostalgie. « Ces aventures, certes pas tout le temps faciles, me manquent quand même », lance-t-il. « C’est un travail très exigeant où on doit être vigilant et garder le sang-froid en toutes circonstances. On en ressort grandi parce qu’avec les compétences acquises on peut se débrouiller dans n’importe quel domaine. »
Il partage que cette vie loin de la famille était difficile. « Il m’arrivait de penser à mes enfants qui grandissaient loin de mes yeux. Ma femme devait s’occuper des enfants en mon absence. On n’avait pas la facilité comme aujourd’hui de téléphoner à toute heure, il fallait attendre d’être à terre pour passer un coup de fil ou même envoyer une lettre. » Aujourd’hui, il est content de pouvoir passer plus de temps en famille, ce qui était un luxe lorsqu’il était en mer.
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