Le seuil du salaire minimum sera rehaussé l’année prochaine. D’un côté, cette politique salariale contribuera à améliorer le pouvoir d’achat du Mauricien et à actionner le levier de la demande. Mais de l’autre, elle constituera un coût pour les entreprises.
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Les montants recommandés et les implications
Rs 14 513
Amit Bakhirta, fondateur et Chief Executive Officer (CEO) de la société Anneau, est d’avis qu’il faut augmenter le salaire minimum par au moins 11 % si on tient compte du taux d’inflation global cumulé en 2022. Ce qui ramènerait le salaire minimum à Rs 14 513. Un montant qui reste, cependant, extrêmement bas si on le convertit en euros. D’autant que la roupie a perdu 85 % à 87 % de sa valeur par rapport à la monnaie européenne depuis 2002.
« Cela nous ferait un équivalent de seulement 290 euros », souligne-t-il. Pour Amit Bakhirta, si on veut que Maurice soit qualifié de « middle-income country », il faut pouvoir ajuster le salaire minimum en conséquence. « Mais ce n’est pas aussi simple qu’on le pense. Cela dépend de plusieurs facteurs : la valeur de notre monnaie locale, la productivité au pays et le taux de croissance que l’économie génère », avance-t-il.
La diversification économique est un autre facteur prépondérant à prendre en considération dans le calcul du salaire minimum, souligne Amit Bakhirta. « Si l’économie est principalement basée sur l’agriculture et le secteur manufacturier, la moyenne des salaires pratiquée sera basse. Par contre, si une économie génère des services, le taux de rémunération sera bien plus élevé », ajoute le CEO.
Rs 15 000
Le salaire minimum doit s’élever à Rs 15 000, estime Jane Ragoo, la secrétaire générale de la Confédération des travailleurs et travailleuses des secteurs public et privé. « C’est le montant que des ‘cleaners’ d’une compagnie sous-traitant avec l’État touchent. Il y a donc déjà une reconnaissance que le Mauricien a droit à un salaire de sécurité alimentaire », soutient-elle.
Elle ajoute que le niveau du salaire doit augmenter en fonction des compétences, du niveau d’éducation et de formation de la personne. Un « cleaner » et un « clerk », à titre d’exemple, ne peuvent pas percevoir le même salaire. « Ces aspects doivent aussi être pris en considération », insiste Jane Ragoo.
Pour elle, une révision à la hausse du salaire minimum est tout à fait applicable. « Surtout quand on voit que certaines entreprises peuvent payer des salaires de Rs 200 000 à monter. Alors pourquoi pas donner un salaire de sécurité alimentaire de Rs 15 000 aux employés au bas de l’échelle ? » fait ressortir la syndicaliste.
De son côté, Yuven Peechen, chargé de cours en finance, est d’avis qu’avec la perte importante du pouvoir d’achat, il faut au minimum Rs 15 000, en excluant les intérêts pour que le Mauricien puisse vivre décemment. « Ce sera une bonne chose pour l’employé. Il pourra vivre un peu mieux », soutient-il.
Cependant, il faudra s’attendre à des implications pour les employeurs. « Ce sera une charge additionnelle pour le gouvernement et le patronat. Une telle mesure peut affecter l’emploi. S’il y a une hausse de la masse salariale, on risque de se retrouver avec des licenciements, d’autant que le secteur privé souffre déjà de la dépréciation de la roupie et de l’inflation importée, entre autres », souligne-t-il.
L’autre conséquence est le risque d’être pris dans un « wage price spiral ». « Quand le salaire minimum grimpe, les autres salaires augmentent. La hausse du pouvoir d’achat incite les gens à consommer davantage. Ce qui favorise une plus grande demande et, par conséquent, une nouvelle augmentation des prix », résume Yuven Peechen.
Rs 20 000
« Il faut regarder la réalité en face : les prix des commodités ont augmenté, y compris celui du carburant qui a un effet multiplicateur sur les produits que les Mauriciens achètent habituellement. Un salaire minimum de Rs 20 000 permettrait aux employés de souffler », soutient Tahir Wahab, observateur économique et expert-comptable.
Toutefois, poursuit-il, cette mesure aura inévitablement un coût pour les entreprises. « C’est pourquoi il est important qu’une hausse du salaire minimum soit accompagnée des mesures pour augmenter la productivité. Celle-ci doit être revue en termes d’heures de travail. Il faudrait encourager les gens à travailler sur différents horaires. Il faut un bon équilibre », souligne-t-il.
Ally Lazer, président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice, est d’avis qu’il faut corriger « l’injustice » de notre politique salariale. « Il y a des gens qui touchent Rs 650 000 par mois sans compter les autres bénéfices qu’ils perçoivent alors que la majorité des employés gagnent que le salaire minimum. Sur le terrain, beaucoup de ménages se plaignent de ne pas arriver à joindre les deux bouts et dans certains cas, à manger deux repas par jour. Il faut faire un effort. Quand on tient compte de la hausse des prix des aliments, des médicaments et de l’électricité, entre autres, Rs 20 000 par mois, ce n’est pas un montant exagéré », affirme Ally Lazer.
Le salaire minimum…
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