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Sable du lagon, filets dérivants, plastique : ces mesures qui dénaturent le combat environnemental

Ce type de filet est interdit dans de nombreuses eaux territoriales.

L’annexe du Budget 2024-25, rendu public vendredi, contient trois mesures qui inquiètent les écologistes : la reprise de l’extraction de sable du lagon, l’usage de filets dérivants pour attraper des poissons et autres animaux marins en raclant les fonds marins, et l’abolition de la taxe de Rs 2 sur les bouteilles en plastique, à condition qu’ils contiennent des matériaux à base de plantes.

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Pêche au chalut et filets maillants dérivants

Le ministre des Finances propose d’amender la Fisheries Act pour permettre aux bateaux de pêche battant pavillon mauricien d’utiliser des large scale driftnets et des demersal trawl nets. Il s’agit de grands filets dérivants, qui peuvent faire plus de 2,5 km de long et des dizaines de mètres de fond, et de chaluts démersaux qui attrapent toute forme de vie marine sans distinction et raclent le fond marin, respectivement. Ces méthodes de pêche très controversées sont bannies dans de nombreux pays, car elles menacent directement des centaines d’espèces. Le ministère des Finances précise que ces outils pourront être utilisés « là où c’est autorisé et en accord avec des mesures de gestion et de conservation ».

Pour Adi Teelock, membre de Platform Moris Lanvironnman, cette mesure est inquiétante : « Même s’il est spécifié que ce sera là où c’est autorisé et en conformité avec des mesures de conservation et de gestion, l’utilisation de ces méthodes de pêche est connue pour ses effets très néfastes sur la faune marine, car elles ramassent tout, pas seulement les poissons comestibles. Les demersal trawl nets raclent les fonds marins, causant d’énormes dégâts à la faune et à la flore marines qui vivent sur le fond marin. »

Joanna Bérenger, députée et présidente de la Commission développement durable du MMM, souligne que les « large scale driftnets attrapent non seulement les poissons, mais aussi des baleines, dauphins et tortues. Quant aux filets démersaux, ils ramassent tout ce qui se trouve sur les fonds marins. Face à la menace d’effondrement de notre biodiversité marine avec de moins en moins de poissons, ces méthodes sont une régression ».
Elle précise qu’au niveau international, « il y a une grande mouvance pour interdire ce type de pêche, mais ici, ils veulent l’autoriser ».

Fin de la taxe de Rs 2 sur certaines bouteilles en plastique

Dans l’annexe du Budget, Renganaden Padayachy annonce que les bouteilles en plastique fabriquées avec des matériaux à base de plantes seront exemptes de la taxe de Rs 2 par unité, introduite le 2 mai 2019. Gregory Martin, coordinateur de l’ONG Mission Verte, affirme que la mesure est bonne, mais doit être prise avec précaution. « À Maurice, ce genre de bouteilles en plastique à base de plantes est fait avec de la bagasse importée. Il s’agit de plastique biosourcé censé être biodégradable, mais pour cela, des composteurs industriels sont nécessaires, et nous n’en avons pas à Maurice. Ce type de bouteilles ne se dégrade pas dans la nature sans un processus spécifique. De plus, l’importation de bagasse, comme on le fait actuellement pour fabriquer ces bouteilles, a un impact carbone. »

Gregory Martin précise que cette taxe de Rs 2 « valorise les déchets PET ». « Plus de 200 familles à Maurice collectent les bouteilles en plastique, car la MRA rémunère Rs 15 pour chaque kilo envoyé à l’étranger. En supprimant cette taxe, on enlève la valeur de ce déchet », dit-il.

Adi Teelock souligne qu’une directive européenne met tous les types de bouteilles plastiques jetables dans la même catégorie, car elles nécessitent toutes un traitement pour être éliminées, y compris celles à base de plantes. De son côté, Joanna Berenger rappelle qu’en février 2021, le ministre de l’Environnement Kavi Ramano avait annoncé que l’importation, la distribution et la vente de bouteilles plastiques allaient être bannies à Maurice. « Il était venu avec de belles intentions et voilà que trois ans plus tard, il enlève la taxe. Les bouteilles à usage unique, même à base de plantes, restent un problème environnemental. Le gouvernement détourne l’attention, car cela reste une source de pollution », dit-elle.

Reprise de l’extraction de sable

Bannie depuis octobre 2001, l’extraction de sable était une activité qui provoquait beaucoup de dégâts à l’environnement marin, surtout dans le sud et le sud-est, où elle avait lieu. Le ministre des Finances propose d’amender le Removal of Sand Act pour « permettre l’extraction de sable uniquement dans le but de reconstituer les plages. Cette pratique a été réalisée avec succès aux Maldives, qui est également un petit État insulaire en développement (PEID) comme Maurice ».

Adi Teelock souligne que l’extraction de sable crée des dégâts importants pour la dynamique des courants marins et la biodiversité. De nombreux rapports démontrent que « l’extraction de sable favorise l’érosion et dégrade la santé de la faune et de la flore marines ». Elle critique l’exemple des Maldives, où cette activité a provoqué des désastres écologiques.

Joanna Bérenger partage cet avis, en précisant : « L’extraction de sable est une catastrophe pour l’écosystème marin et la biodiversité. À l’époque, quand Rajesh Bhagwan était ministre de l’Environnement, il avait pris la décision difficile, mais nécessaire, de mettre fin à cette pratique. Aujourd’hui, on recule de 20 ans. Est-ce que le gouvernement cède au lobby des hôteliers ? »

Carina Gounden, coordina-trice de l’ONG mru2025, affirme que l’extraction de sable pour reconstituer les plages « n’est pas la solution miracle ». « Elle est accompagnée de risques d’accélération de l’érosion des plages. L’extraction de sable sur terre a contribué directement à l’érosion de nos plages et celle en mer a causé des dommages environnementaux, perturbant les écosystèmes et détruisant les habitats marins », dit-elle. Et de rappeller que l’extraction de sable modifie les courants marins, avec des effets imprévisibles sur les écosystèmes côtiers, notamment l’aggravation de l’érosion côtière.

À l’international, de nombreuses ONG dénoncent l’extraction de sable aux Maldives. Un article du journal Le Monde, publié le 20 septembre 2022, souligne : « L’archipel n’a cessé de draguer le sable pour agrandir ses îles, en construire de nouvelles et les protéger des eaux. Mais, au nom de son développement, l’archipel détruit les récifs coralliens et aggrave sa vulnérabilité. »

Suttyhudeo Tengur très critique

Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec), constate que sur certains aspects, le ministre des Finances a placé la barre très haut. « Avec déjà quelque 37 kilomètres de nos plages, principal atout pour notre industrie touristique, sévèrement affectées, est-ce que le [ministre de l’Environnement] sera en position de répondre au défi lancé par Padayachy, quand il déclare dans la présentation du Budget 24-25 que ‘during the next five years, we are restoring more than 26 km of shoreline and rehabilitating some 30 degraded sites across the island’ ? » se demande-t-il.

La protection de l’environnement, souligne Suttyhudeo Tengur, « ne se limite pas uniquement à protéger et embellir nos plages pour le plaisir des touristes et aussi des Mauriciens ». Il plaide pour un programme de reboisement de nos forêts indigènes. Pour la réussite d’un tel projet, ajoute-t-il, il faut réunir toutes les forces actives du pays : « Il nous faut une personnalité dynamique et robuste dans ses idées et actions pour mettre en action de telles initiatives. »

Le président de l’Apec espère qu’après les prochaines élections générales, « un ministre vert et dynamique, qui aura l’étoffe, pourra remettre l’île Maurice au sommet d’une lutte écologique et servir d’exemple à d’autres pays ».

 

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