Editor's-choice

Roshi Bhadain: «Maurice n’avait pas vraiment le choix»

Face à la levée de boucliers dans le secteur du Global Business, le ministre des Services financiers affirme qu’il fallait réviser l’accord de non double imposition avec l’entrée en vigueur des General Anti-Avoidance Rules en Inde.
Entre 2000 et 2015, Maurice a été la principale source d’investissement étranger direct en Inde. La révision du traité de non double imposition ne risque-t-elle pas de modifier la donne ? Maurice et Singapour ont été les deux sources principales d’investissement direct étranger en Inde. La révision du traité de non double imposition entre Maurice et l’Inde nécessitera obligatoirement la modification du Double Taxation Treaty Agreement (DTTA) entre Singapour et l’Inde au vu des privilèges qui nous sont accordés. Shakti Das, Economic Secretary Affairs de l’Inde, explique que ce sera dans le cours normal des choses.
[blockquote]« Nous avons l’ambition de créer un centre financier international. »[/blockquote]
Quant à Hasmukh Adhia, Revenue Secretary de la Grande péninsule, il souligne que « the amended tax regime will also apply to Capital Gains Tax of Singapore-based companies due to directs linkage of Singapore DTTA Clause with Mauritius’ DTTA ». Maurice n’a donc strictement rien à craindre, parce qu’on est plus avantageux et même si Singapour obtient une révision similaire que Maurice, on sera sur un level playing field. Les opérateurs du Global Business crient pourtant au loup. Ils menacent même de descendre dans la rue. Ceux qui sont en train de protester représentent des vested interests. À elle seule, une société a distribué des dividendes de plus de Rs 2 milliards à deux actionnaires entre 2012 et 2014. Cette somme astronomique n’est même pas taxable à Maurice. Ils font partie de ce que nous appelons des fat cats. Je leur dis « plore mam ». Ce gouvernement travaille pour le peuple mauricien et non pour ceux qui ont des vested interests. Les Mauriciens, eux, vont bénéficier des retombées de ces Rs 12,7 milliards utilisées à bon escient. Plusieurs dossiers économiques ont également été à l’ordre du jour au cours des négociations avec les Indiens. Ils nous accordent un don de Rs 12,7 milliards, le plus gros jamais obtenu par Maurice, qui sera injecté dans notre économie pour des projets spécifiques, lesquels auront un effet multiplicateur sur la croissance économique et la création d’emplois à Maurice. N’êtes-vous pas en train de viser la firme dirigée par Rama Sithanen ? Allez faire vos recherches, il n’y a qu’une seule vérité. Comparativement aux Rs 2 milliards de dividendes, cette société n’a déclaré que des total incomes de Rs 2,7 milliards. Ce qui fait que 75 % de ses revenus vont directement dans les poches de deux personnes. Ces gros bonnets ne s’inquiètent finalement que de l’érosion de leurs revenus pharaoniques. Le paiement de Capital Gains Tax en Inde par des sociétés basées à Maurice ne va-t-il pas effaroucher nos clients traditionnels ? Il faut bien comprendre que le revised treaty protège tous les investissements qui vont être faites jusqu’au 1er avril 2017. Ce qui veut dire que tous les investissements effectués en Inde via Maurice ne seront pas taxés quand les actions seront disposed of. Même dans 10, 15, voire 20 ans. Et cela en conformité avec l’article 13. Les intérêts sur les debt claims, qui concernent les banques font aussi partie du concept de grandfathering. Jusqu’au 31 mars 2017, chacun est donc libre de structurer ses investissements à Maurice, avec un avantage énorme. Nous avons aussi obtenu des Indiens une période de transition jusqu’au 31 mars 2019. En quoi consiste cette phase ? Entre le 1er avril 2017 et le 31 mars 2019, toute société s’étant pliée à la Limitation of Benefits et qui n’est pas une shell company sera taxable à hauteur de 50 % en Inde et 50 % à Maurice. On a fait comprendre aux Indiens qu’on souhaitait une transition en douceur, afin de réaliser la vision du gouvernement dans le domaine du Global Business et aussi des services financiers. Nous avons l’ambition de créer un centre financier international, le Mauritius International Financial Centre, basé sur le modèle de Dubayy, où nous comptons accueillir des cabinets d’avocats internationaux, des compagnies d’assurances, des fund managers, des asset managers, des investment banks, entre autres. Nous espérons que les services financiers contribueront à hauteur de 15 % du Produit intérieur brut (PIB) d’ici cinq ans au lieu des 10,4 % au taux actuel. Maurice aurait-elle pu éviter de partager la Capital Gains Tax avec l’Inde ? Non. Pour la simple et bonne raison que l’Inde a décidé d’éliminer tous ses accords de non double imposition pour aller vers la source-based taxation. Elle va émettre une notice of termination of treaty, le 1er avril 2017, s’il n’y a pas de revised treaty. Ce sera indépendamment des General Anti-Avoidance Rules (GAAR) votées pour outrepasser tous les DTTA et qui seront en vigueur à compter du 1er avril 2017. Maurice n’avait pas vraiment le choix. Dans un climat d’incertitudes, avec les GAAR, les investisseurs ne prendront pas de risque avec un pays qui pourrait être sous le coup d’une notice of termination of treaty. Ketan Dalal, Lead Tax Partner de PriceWaterhouseCoopers de l’Inde, a eu ceci à dire au lendemain de la révision du traité : « Grandfathering of investment made up to 1st April 2017 is a sensible move. Clarifications under this treaty should have a neutral to minimum effect on the market ». Sudhir Kapadia d’Ernst & Young India salue, quant à lui, les deux années de transition. Mukesh Butani du cabinet d’avocats BMR Legal estime qu’avec cette révision, l’Inde envoie un message au reste des membres du G20 : qu’elle est déterminée à supprimer tous les traités qui aboutissent à la conclusion de l’Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) d’appeler le revenu apatride.
Rama Sithanen déplore cependant que le ‘grandfathering’ ait été inscrit sous une mauvaise clause… Ses observations sont dépassées. Il n’a même pas lu le document final. Je l’ai rencontré en sa capacité de président d’International Financial Services, afin d’avoir son point de vue sur l’entrée en vigueur des GAAR. Tout comme les autres acteurs du secteur, il est venu à mon bureau. Son best case scenario était en fait son worst case scenario. Il voit le tout dans un rétroviseur et était malheureusement à côté de la plaque. Ses propositions auraient achevé le secteur, si le statu quo avait été maintenu comme il le proposait.
[blockquote]« Maurice se mue en plateforme transparente et propre. Et ce grâce au don de Rs 12,7 milliards de la Grande péninsule. »[/blockquote]
Ses confrères parlent de pertes d’emplois dans le Global Business avec la révision du DTTA. Que leur répondez-vous ? Le Global Business n’est pas nécessairement tax centric. Il y a aussi les non treaty-based funds. Le communiqué d’Abbax, une grande firme à Maurice, est éloquent et je cite : « The other benefits of the tax treaty with India will remain, coupled with the use of the intrinsic advantages of the Mauritius International Financial Centre. In practice, we believe that Mauritius will still be attractive for structuring investments in India through debt instruments; for pooling investments for Private Equity funds; for efficient fund administration services; and for added value services in investment flows from India to Africa, given the established financial and governance eco-system of Mauritius for structuring and facilitation of investments into Africa. » On n’est pas inférieur à nos compétiteurs. Maurice sera bientôt le nouveau Luxembourg pour l’Afrique et non pas une tax centric jurisdiction qui attire les mauvaises notes de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Certains opérateurs craignent de ne plus toucher les mêmes dividendes qu’ils ont perçus ces dernières années. Des milliers d’emplois seront créés pour ces jeunes, ayant fait des études de droit, en finances et en gestion. Ils seront plus marketable au niveau international. Maurice se mue en plateforme transparente et propre. « These are exciting times for Mauritius and the challenge is to make it happen in three years. » Et ce grâce au don de Rs 12,7 milliards de la Grande péninsule. Est-ce bien un don ou une compensation ? Quelle compensation ? Nous avons su préserver nos intérêts et nous avons sollicité un coup de main de l’Inde sur plusieurs projets économiques, notamment pour Heritage City, du nouveau centre de conférence international et la nouvelle ‘Financial Services City’ qui sera comme la ‘Cybercité’. L’Inde va aussi financer un projet de Rs 3,6 milliards qui sera annoncé par le Premier ministre lors du prochain discours du budget.
Du genre que l’immobilier n’est pas productif ? Il ne faut pas confondre entre les projets immobiliers des ‘Smart Cities’ et Heritage City de même que le nouveau centre financier qui seront des générateurs de revenus. La croissance économique prendra son envol sans augmenter la dette publique, un héritage très lourd que nous a légué l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam. Sur l’insistance du Fonds monétaire international (FMI), l’endettement public devra être ramené à 50 % du PIB d’ici fin 2018. Le don de Rs 12,7 milliards va certainement nous aider en ce sens.
[blockquote]« Maurice sera bientôt le nouveau Luxembourg pour l’Afrique. »[/blockquote]
Quelles sont les conditions derrière l’octroi de cet argent ? C’est la première fois que Maurice obtient une somme d’une telle ampleur d’un pays ami. Lors de nos rencontres avec Arun Jaitley, ministre des Finances indien, entre autres, nous avons exposé nos contraintes : la situation d’endettement de Maurice et les restrictions du FMI qui nous empêchent de solliciter des prêts. Surtout après la dilapidation dans des projets d’infrastructures, telles l’autoroute Terre-Rouge / Verdun et la Ring Road qui doivent être retapés. La seule condition est que l’appel d’offres pour les projets d’infrastructures sera ouvert uniquement aux sociétés indiennes. Elles ont déjà fait l’étalage de leur talent avec la construction du Centre de conférences international de Pailles et la Cyber Tower d’Ébène. Des sous-traitants mauriciens seront bien évidemment parties prenantes de ces projets et plusieurs milliers d’emplois seront créés.
Publicité
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !