Interview

Rita Venkatasawmy, Ombudperson for Children : «Écouter les enfants nécessite de l’expertise»

L’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy.

Le « Children’s Bill » sera bientôt présenté à l’Assemblée. L’Ombudsperson pour les enfants, Rita Venkatasawmy, évoque la nécessité d’un cadre juridique mieux adapté pour les protéger. Dans cet entretien accordé à DIS-MOI, elle déplore le manque d’éducation en droits humains des personnes qui travaillent auprès des enfants, ce qui limite leur contribution dans la conception du « Bill ».

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Rita Venkatasawmy, pouvez-vous nous parler de votre rôle et nous dire si vous représentez une institution indépendante ?
En tant qu’Ombudsperson for Children, mon rôle premier est de m’assurer que les droits – tels qu’ils sont décrits dans la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CRDE) des Nations Unies (ONU), signée et ratifiée par Maurice en 1990 – sont respectés par les institutions publiques, privées et paraétatiques. Par extension, je dois m’assurer que les citoyens mauriciens, enfants et adultes, soient sensibilisés par rapport à ces droits fondamentaux. Certains pensent que la responsabilité de protéger les enfants revient seulement à l’État et aux organisations non gouvernementales.

Ce n’est pas vrai. Nous devons tous nous y mettre. Je travaille dans un cadre légal décrit par la « Ombudsperson for Children’s Act 2003 » (OCA), la CRDE des Nations Unies, la Constitution et les lois de la République et d’autres conventions. Mais je ne peux pas m’arrêter là. Il est primordial d’user d’une connaissance élargie, de courage et d’intégrité. La loi m’habilite à me rendre dans tout lieu où il y a un enfant. J’ai aussi l’obligation, à travers l’article 6 de l’OCA, de soumettre des recommandations à l’État et aux autres parties concernées par la protection des droits des enfants. Forcément, je représente une institution indépendante – je n’ai aucun parti pris dans l’exercice de mes fonctions.

Pourquoi le « Children’s Bill » est-il si important ? N’y a-t-il pas déjà des lois qui protègent les enfants ?
Comme je vous l’ai dit, une de mes responsabilités est de m’assurer que nos lois et leur pratique soient conformes aux conventions internationales, notamment la CRDE de l’ONU. La promotion des articles d’une convention ne s’arrête pas à la communication et à la sensibilisation. Cela va beaucoup plus loin. Bien qu’on ait signé et ratifié la CRDE, aucune provision n’a été faite pour la promulguer sous forme d’une loi. Il faut forcément présenter un projet de loi au Parlement qui procédera à son «enactment ». Ce processus est « long overdue » par l’État mauricien depuis 1990 !

D’où l’importance, voire la nécessité, du « Children’s Bill » qui regroupera, je l’espère, toutes ces lois quelque peu éparpillées dans l’univers légal mauricien. Je pense notamment à la « National Children’s Council (NCC) Act » et la « Child Protection Act », entre autres. Un pays qui se respecte s’assure d’intégrer les conventions dans les lois pour qu’on puisse mieux protéger les enfants, ce qui dépend d’un cadre légal approprié. Je souligne, dans la foulée, que nous avons tout de même une Constitution avant-gardiste qui préserve et protège les droits fondamentaux de tout citoyen.

Je rêve d’une République de Maurice meilleure où l’on tient compte de l’opinion de l’enfant dans les choses qui le concernent. Les enfants sont des citoyens et des êtres humains à part entière.»

Que fait le bureau de l’Ombudsperson for Children’s Office pour sensibiliser les autorités et autres parties concernées au « Children’s Bill » ?
Tout d’abord, l’Ombudsperson for Children’s Office a soumis un rapport interministériel sur « The Importance of Reviewing the Draft Children’s Bill in the Republic of Mauritius ». Ensuite, les enquêteurs du bureau vérifient si les lois mauriciennes correspondent aux conventions internationales et font des recommandations par la suite. Depuis le mardi 20 mars, nous donnons aux enfants l’occasion de s’exprimer en organisant une série de consultations avec eux, en commençant par SOS Village. Nous tenterons de comprendre leurs besoins et prendrons les mesures qui s’imposent pour que la loi y réponde.

Le livret « Mieux comprendre la République » de DIS-MOI, justement, sera utilisé comme support pédagogique. Nous tiendrons aussi un atelier résidentiel pour discuter de la question avec des enfants qui vivent dans des shelters. La société civile aura droit à une consultation, afin qu’elle soit armée d’informations sur le rôle des Nations Unies et des conventions, chose qui fait défaut en ce moment. Nous faisons de notre mieux pour rester en contact avec le ministère de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être familial, qui a la responsabilité de présenter le « Bill » au Parlement. J’y serai présente lors des débats avec mes enquêteurs en tant qu’observateurs avertis. Nous rencontrerons les parlementaires concernés. Au final, nous espérons que nous pourrons « domestiquer » en une loi la CRDE de l’ONU en prenant en compte la contribution des enfants.

Des enfants qui contribuent à l’élaboration d’une loi ! Certains diront que vous rêvez…
Je rêve, en effet. Mais je rêve d’une République de Maurice meilleure où l’on tient compte, comme le prescrit l’article 12 de la Convention, de l’opinion de l’enfant dans les choses qui le ou la concernent. Les enfants sont des citoyens et des êtres humains à part entière. Vous seriez étonné par le nombre de choses que j’apprends des enfants. Leurs paroles sont, pour la plupart, infusées d’innocence et de vérité. Je souhaite que leurs pensées et leurs contributions soient transcrites dans l’élaboration de nos lois.

Il paraît que votre bureau avait élaboré un rapport « costaud » pour promouvoir le droit de Preety Daby à l’éducation dans l’école de son choix.
Un article de presse en janvier avait attiré mon attention sur cette adolescente aveugle à qui on refusait l’accès dans le collège de son choix. L’équipe de l’OCO s’est attelée à l’affaire le mois suivant. D’abord, il fallait comprendre en profondeur les éléments qui en ont fait l’actualité, mais surtout déceler si les droits de l’enfant ont été respectés. Nous avons travaillé sur le dossier en collaboration avec le ministère de l’Éducation. Je soutiens que le droit à l’éducation de Preety n’a pas été bafoué. Au contraire, plusieurs écoles lui avaient été assignées, mais l’enfant n’en était pas satisfaite, ce qui est tout à fait compréhensible.

À la suite de cette concession du ministre, allez-vous maintenant faire circuler le rapport ?
Le document figurera dans le rapport annuel de l’OC – les autorités concernées en ont déjà pris connaissance.

Le mot de la fin.
J’insiste encore une fois sur le fait qu’il faut écouter la voix des enfants. Mais au-delà de cela, il faut leur offrir une plateforme et un espace pour s’exprimer et se faire écouter, choses qui ne sont pas simples. Il faut posséder une certaine expertise, de la technique pour faire parler, écouter et comprendre un enfant.

 

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