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Rétrocession des Chagos : la contestation et les actions s’amplifient au Royaume-Uni 

La House of Lords a été le théâtre de débats houleux sur le traité des Chagos la semaine dernière.

L’accord de rétrocession des Chagos entre le Royaume-Uni et Maurice suscite une contestation croissante. À l’approche de sa ratification par le Parlement britannique, des critiques émergent sur son coût, ses enjeux géopolitiques et l’absence de consultation avec les Chagossiens concernés.

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L’accord de rétrocession des Chagos signé le 22 mai dernier entre le Royaume-Uni et Maurice, garantissant le contrôle de la base de Diego Garcia pour 99 ans, est contesté de toutes parts pour empêcher sa ratification par le Parlement britannique à la mi-juin. La semaine dernière, deux Chagossiennes, Bertrice Pompe et Bernadette Dugasse, ont porté plainte auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU, dénonçant l’exclusion des Chagossiens et la violation de leur droit au retour. Parallèlement, une motion conservatrice déposée à la Chambre des Lords, invoquant la Constitutional Reform and Governance Act de 2010, vise à bloquer la ratification du traité, critiquant son coût (3,4 milliards de livres) et ses risques géopolitiques. Lors d’un débat houleux de mardi à la Chambre des Lords, l’opposition a fustigé une « capitulation diplomatique » et l’absence de consultation avec les Chagossiens. La presse britannique, notamment « The Telegraph», s’indigne de l’utilisation par Maurice des fonds britanniques, destinés à la réinstallation des Chagossiens, pour rembourser sa dette nationale, amplifiant les tensions autour de cet accord controversé.

Le traité, négocié pendant deux ans et demi, garantit au Royaume-Uni une « souveraineté opérationnelle » sur Diego Garcia, avec un contrôle total sur les mouvements, les communications et une zone tampon de 24 milles nautiques interdisant toute installation hostile, mais ce n’est pas suffisant estime l’opposition britannique. 

Constitutional Reform and Governance Act

L’opposition conservatrice, menée par Lord Martin Callanan, a déposé une motion à la Chambre des Lords pour bloquer la ratification du traité, invoquant la Constitutional Reform and Governance Act de 2010, une première pour un front bench. Cette motion, déposée la semaine dernière, cite « des préoccupations concernant le coût de l’accord, l’absence d’obligation légale de conclure un tel accord, son impact sur la sécurité internationale, le manque de consultation significative avec les Chagossiens et la reconnaissance du droit des Chagossiens à être enregistrés comme citoyens des territoires britanniques d’outre-mer ». Lord Callanan a qualifié l’accord de « dangereux » pour la sécurité nationale, dénonçant une « capitulation diplomatique » face à une île Maurice de plus en plus proche de la Chine et de la Russie, notamment via des accords récents dans la pêche et la recherche marine.

Le coût financier, évalué à 3,4 milliards de livres sur 99 ans (soit environ Rs 10 milliards par an), est jugé exorbitant. « Payer 30 milliards de livres sur 99 ans pour perdre un actif stratégique vital est-il vraiment un succès dont nous devrions être fiers ? » a interrogé le comte de Minto, Elliot-Murray-Kynynmound lors d’un débat à la House of Lords mardi, comparant cette somme à « 10 F-35, 30 hélicoptères Apache ou une frégate Type 26 ». Les conservateurs dénoncent également une clause obligeant le Royaume-Uni à « informer promptement Maurice de toute attaque armée contre un État tiers émanant directement de la base », craignant que ces informations ne soient partagées avec des puissances hostiles comme la Chine, l’Iran ou la Russie. Le ministre de la Défense, Lord Vernon Coaker, a réfuté cette interprétation : « Nous n’avons pas à informer Maurice à l’avance des actions entreprises depuis Diego Garcia. »

Le sort des Chagossiens, expulsés dans les années 1960-1970 pour permettre la construction de la base, est au centre des critiques. Bertrice Pompe, 54 ans, et Bernadette Dugasse, 68 ans, deux Britanniques nées à Diego Garcia, ont porté l’accord devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU, à la mi-semaine, dénonçant une « violation continue » de leurs droits. Leur plainte soutient que « la ratification imminente de l’accord bilatéral de 2025 entre le Royaume-Uni et l’île Maurice [...] équivaudrait à une approbation définitive et irréversible d’une violation continue initiée à l’origine par la puissance coloniale », en « excluant le peuple chagossien du processus » et en « consacrant le déni de son droit au retour et à l’exercice effectif de ses droits culturels et spirituels ». Le 22 mai, elles avaient obtenu une injonction temporaire de la Haute Cour de Londres pour bloquer la signature, levée le même jour par un autre juge. Cette fois-ci, elles contre-attaquent donc en se remettant au Comité des droits de l’homme de l’ONU.

Le fonds de 40 millions de livres prévu pour la réinstallation des Chagossiens est jugé insuffisant. Lord Bruce Grocott a rappelé « les abus choquants » du passé, tandis que la baronne Kate Hoey a déploré l’absence de garantie claire sur leur retour dans les îles extérieures. Lord Coaker a reconnu des divisions au sein de la communauté chagossienne, notant que le Chagos Refugees Group et le Chagossian Committee Seychelles soutiennent l’accord comme servant « les intérêts à long terme des Chagossiens dans leur ensemble ». Cependant, d’autres voix, comme celle de Peter Lamb, député de Crawley, où réside une large communauté chagossienne, critiquent l’accord : « Que dois-je dire à mes électeurs chagossiens, lorsqu’ils me demandent sur quelle base morale le Royaume-Uni ignore leur droit à l’autodétermination, alors que nous le défendons pour les Ukrainiens ? ».

Une utilisation des fonds qui scandalise

Jeudi, lors de la présentation du budget, Navin Ramgoolam, Premier ministre et ministre des Finances, a indiqué que l’argent pour la location du bail pour Diego Garcia servira dans un premier temps à rembourser la dette nationale pendant les trois premières années, selon le budget mauricien 2025/26, mais aussi qu’un « Future Fund » de 40 millions de livres, censé « créer de la richesse pour les générations futures » des Chagossiens, verra le jour. Ceci suscite l’indignation au Royaume-Uni, avec l’opposition conservatrice et certains titres de presse, comme « The Independent », qui l’utilisent pour amplifier la contestation.

L’opposition conservatrice et des Chagossiens dénoncent une faiblesse géopolitique. La motion de Lord Callanan, dont la période d’opposition s’achève le 3 juillet, pourrait forcer le gouvernement à justifier sa position devant la Chambre des communes, voire à renégocier l’accord. Les craintes d’une influence accrue de la Chine, qui a félicité Maurice pour cet accord et l’a invité à rejoindre l’initiative « Belt and Road », alimentent les critiques. « Céder la souveraineté, une fois perdue, ne peut jamais être regagnée », a averti Lord Minto, résumant l’enjeu d’un débat qui promet de rester brûlant.
 

 

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