Sommes-nous arrivés à un point de non-retour en matière de gaspillage des fonds publics ? Année après année, nous témoignons des mêmes critiques et des mêmes mauvais élèves.
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Dettes de la CWA et de la WMA Un trou sans fond
Les efforts entrepris par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, à travers l’injection de Rs 2,3 milliards pour éponger les dettes de diverses institutions gouvernementales telles que la Central Water Authority (CWA) et la Wastewater Management Authority (WMA) en 2021, n’ont été guère concluants. L’Audit a une fois de plus épinglé ces deux organismes qui tombent sous la tutelle du ministère des Services publics et de l’énergie dans son dernier rapport publié le mardi 28 mars. Les dettes de ces deux organismes, en termes de prêts, s’élèvent à Rs 6,4 milliards. Ce qui indique qu’ils n’arrivent plus à se relever de leurs dettes. Le bureau de l’Audit avait, dans le rapport 2020-21, attiré l’attention du ministère sur le fait que la CWA et la WMA disposaient de dettes en formes de prêts à hauteur de Rs 3,227 milliards et de Rs 3,37 milliards respectivement.
Rs 49,6 M versées à des policiers suspendus
Le nombre de policiers interdits de leurs fonctions à la hausse
Les intentions du gouvernement pour réduire le montant payé en termes de salaires aux policiers qui sont sous le coup d’une suspension ne portent pas leurs fruits. Un comité ministériel avait été institué l’année dernière pour se pencher sur les cas de fonctionnaires suspendus pour avoir fauté lors de l’exercice de leurs fonctions. Ce comité avait ainsi révélé que c’est au sein de la police que l’on compte le plus grand nombre de brebis galeuses, avec pas moins de 117 policiers qui ont été sanctionnés. Un an plus tard, le rapport de l’Audit indique que le nombre de policiers qui sont sous le coup d’une suspension est à la hausse, avec 147 agents sanctionnés. Le bureau de l’Audit attire ainsi l’attention sur le fait que Rs 49,6 millions ont été dépensées pour financer le salaire de ces policiers.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi les dossiers tardent à être bouclés au niveau de la police. Parmi celles-ci, on retrouve la « connivence » entre les policiers chargés de mener des enquêtes sur les « brebis galeuses » de la force policière. Un élément de la Criminal Investigation Division (CID) confie sous le couvert de l’anonymat : « Samem ki apel tard dosie-la. » Plus le dossier tarde à être bouclé, plus la suspension du policier en interdiction est prolongée et il continue de recevoir son salaire à la fin du mois.
« Souvent, les enquêteurs ne font pas assez d’efforts pour boucler l’enquête. ‘Zot perdi letan’ », explique l’élément de la CID, avant de se prononcer timidement sur un autre aspect. « Dans d’autres cas, les enquêteurs font face à la pression de ‘bann nivo pli ot’ », dit-il.
Un haut gradé a une opinion différente. « Dans la majorité des cas, ce sont les tribunaux eux-mêmes qui sont responsables de la lenteur des procès. Ce n’est pas seulement la police qui demande le renvoi du procès, mais également la défense ou la poursuite. Les chefs de département de la police doivent veiller à ce que les procédures d’enquête soient menées rapidement », affirme-t-il.
Le haut gradé cite ensuite un exemple flagrant de lenteur dans le bouclage d’une enquête de police. « Je connais quelqu’un qui a été suspendu pendant 12 ans et qui touchait son salaire mensuellement. Après 12 ans de suspension-rémunérée, il a repris ses fonctions au sein de la force policière. Cela laisse à réfléchir. La force policière est comme une Gestapo. Ceux qui sont à la tête se sentent souvent invincibles. C’est la raison pour laquelle un juge avait qualifié un commissaire de police de ‘old powerful monarchy’ dans le passé », avance-t-il.
Le haut gradé fait également comprendre que « le commissaire de police doit prendre ses responsabilités. Il peut prendre des mesures disciplinaires sans passer par les tribunaux ‘for the good of the service’. Cependant, cela dépend de la façon dont il définit ‘for the good of the service’ ».
Système d’appel d’offres
Un cancer qui ronge la bonne gouvernance
Les séminaires, les ateliers de travail et les innombrables directives émises par le Procurement Policy Office (PPO) pour encourager les meilleures pratiques possibles en termes de bonne gouvernance ne semblent pas produire des résultats concluants. Les critiques émises l’année dernière par le bureau de l’Audit, qui avait attiré l’attention sur plusieurs incohérences et mauvaises pratiques dans les exercices d’appel d’offres, n’ont visiblement pas été entendues. Le rapport de 2022 indique clairement que le mode d’emploi autour des « emergency procurements » n’a pas été respecté. Selon un membre du Central Procurement Board (CPB), ce genre de mauvaises pratiques provoque bien souvent le renvoi de plusieurs projets d’intérêt national ainsi que le gaspillage de ressources en termes de coûts, de temps et de main-d’oeuvre.
Kadress Pillay, ancien directeur de l’Audit : «C’est la déchéance totale»
L’ancien ministre et aussi ancien directeur de l’Audit exprime son exaspération face à autant de gaspillage des fonds publics. Selon Kadress Pillay, les critiques émises depuis plusieurs décennies par les différents directeurs de l’Audit indiquent clairement que le système de bonne gouvernance à Maurice ne fonctionne plus. « Il est de plus en plus évident que l’aspect de transparence et de redevabilité n’intéresse plus la classe politique en général », déplore Kadress Pillay. Il fait ressortir que tout le gaspillage généré dans la gestion des fonds publics est en totale contradiction avec ce que veut prêcher le gouvernement en termes de sacrifices et « ser sintir ». « Il y a, d’un côté, des milliards de roupies qui sont annuellement jetées à la poubelle et, parallèlement, des Mauriciens qui n’arrivent pas à manger à leur faim. C’est la déchéance totale », dénonce-t-il.
Reza Uteem : «Il faut des sanctions contre ceux qui gaspillent les fonds publics»
Le président du Public Accounts Committee (PAC), Reza Uteem, a réagi sur les ondes de Radio Plus, après la publication du rapport de l’Audit 2021-22. Rapport qui passe en revue les dépenses des différents ministères.
Selon le président du Mouvement militant mauricien (MMM), « il faut des sanctions contre ceux qui gaspillent les fonds publics ». Pour le parlementaire mauve, « les années se suivent et se ressemblent ». Selon Reza Uteem, les recommandations faites par le Bureau du directeur de l’Audit ne sont « pas appliquées ».
Le président du PAC affirme qu’il n’y a « aucune volonté politique » du gouvernement pour améliorer la situation.
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