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Quand les jeunes Mauriciens brisent le silence

Mygel Young Pak Kian reconnaît que le cancer du sein chez les hommes est rarement abordé. Pour Emilio Maurice, il vaut mieux prévenir que guérir. Jordan How Yee Seong ne sait pas à quel âge il est recommandé de faire une mammographie. Il est important de briser les tabous, affirme Millind Bheekharry.Octobre rose est l’occasion pour Kritik Damree d’aborder le sujet avec sa mère et sa soeur. Jamie Garrick insiste : il n’y a pas d’âge pour la prévention.

Entre méconnaissance et volonté d’engagement, une génération de jeunes hommes se positionne face à une maladie longtemps perçue comme exclusivement féminine.

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Longtemps considéré comme un sujet relevant uniquement de la santé féminine, le cancer du sein suscite aujourd’hui un intérêt croissant chez les jeunes hommes mauriciens. Leurs témoignages révèlent un paradoxe frappant : si les préjugés persistent, une prise de conscience s’amorce, portée par une génération qui refuse de rester dans l’ignorance.

« Quand on dit cancer du sein, à quoi penses-tu en premier ? » demandons-nous à Emilio Maurice, 17 ans. « Je pense au genre féminin, c’est un peu ignorant, vu que cette maladie atteint aussi les hommes », admet-il sans détour. Un constat partagé par beaucoup : le cancer du sein reste mentalement associé aux femmes. D’ailleurs, Jordan How Yee Seong, 18 ans, ne cache pas sa surprise : « Je ne savais pas que les hommes pouvaient être touchés. J’ai toujours pensé que cette maladie concernait seulement les femmes. »

À l’inverse, Mygel Young Pak Kian, 21 ans, lui, connaît le sujet, mais « c’est une connaissance surtout théorique, car c’est rarement évoqué », précise-t-il. La raison étant que le cancer du sein chez les hommes est « extrêmement rare », commente Jamie Pharell Lloyd Garrick, 19 ans. « Les symptômes sont similaires à ceux des femmes, et le traitement est le même. »

Il n’empêche que pour Mygel, la méconnaissance générale autour de la maladie « montre qu’il reste encore du travail à faire pour améliorer la sensibilisation ». D’autant que cela n’est pas sans conséquences. Cela entretient un tabou qui empêche une sensibilisation universelle et relègue les hommes au rang de simples spectateurs d’une bataille qui, pourtant, peut aussi les concerner directement.

Au-delà des lacunes, ces jeunes hommes font preuve d’une empathie remarquable. « La première chose qui me vient à l’esprit, c’est comment les femmes arrivent à supporter cette douleur », confie Jordan, évoquant les difficultés du quotidien que vivent les patientes. Mygel va plus loin en pensant « aux patientes confrontées aux défis quotidiens, à la stigmatisation et au rejet de leur identité ».

Cette sensibilité s’accompagne d’une volonté affichée de comprendre. « On doit comprendre cette maladie et aussi apporter notre soutien aux gens qui en souffrent », insiste Emilio. « Le fait de comprendre la maladie apporte deux fois plus de soutien à la personne souffrante », ajoute-t-il.

Du soutien à l’action

Interrogés sur leur place dans cette lutte, les jeunes hommes dessinent les contours d’un engagement à plusieurs niveaux. Jamie voit l’homme comme celui qui « est là pour soutenir la femme dans son combat et lui donner de la force jour après jour ».

Kritik Kumar Damree, 24 ans, abonde dans le même sens. « Même si nous ne sommes pas directement concernés, nous pouvons soutenir, informer et encourager les femmes autour de nous à se faire dépister. En parler ouvertement aide à briser les tabous », estime-t-il.

Mais le rôle masculin ne se limite pas au soutien émotionnel. Millind Kumar Bheekharry, 19 ans, dresse une liste précise : « S’informer, soutenir, sensibiliser, s’impliquer et surveiller sa propre santé. » Il insiste, lui aussi, sur la nécessité de « briser les tabous » et de « participer à l’organisation de campagnes d’information et de dépistage ». « En général, les hommes ne passent pas de mammographie, car leur risque est faible, mais selon moi, il serait bon de commencer à en parler dès l’adolescence, vers 15 ans ou après la croissance », poursuit l’étudiant.

Mygel pousse la réflexion encore plus loin en parlant d’un rôle « bilatéral » : accompagner pendant la maladie, mais aussi devenir « les ambassadeurs de ces histoires » après la guérison. « Il faut encourager les dépistages et montrer que les hommes sont concernés », martèle-t-il.

Méconnaissance du dépistage

Cependant, si l’empathie est présente, la connaissance des recommandations médicales fait cruellement défaut. Interrogés sur l’âge recommandé pour une mammographie, la plupart avouent leur ignorance. « Je n’ai jamais entendu parler de l’âge recommandé », reconnaît Jordan, qui suggère que « les écoles ou même les parents devraient davantage aborder ce sujet ».

Jamie, en revanche, dispose d’informations précises : « La mammographie est recommandée entre 50 et 74 ans, mais elle peut être conseillée dès 30 ou 40 ans selon le risque et l’avis d’un professionnel de santé. » Mygel complète : « Il est recommandé de se faire dépister entre 25 et 39 ans tous les deux ans, et à partir de 40 ans chaque année. Mais il n’y a pas d’âge pour la prévention, surtout en cas d’antécédents familiaux. » 

Il mentionne également des structures locales comme le centre Valérie Sénèque au Bo’Valon Mall ou Link to Life, qui proposent des dépistages gratuits à Maurice. « L’essentiel, c’est de rester attentif et de ne pas négliger les signes », ajoute-t-il.

Fait encourageant, plusieurs de ces jeunes hommes ont déjà franchi le pas de la conversation. Millind se souvient d’échanges au collège lors de la Journée mondiale contre le cancer. Mygel évoque des discussions avec ses amis, notant que « cela brise la stigmatisation et développe une meilleure écoute ». Kritik, lui, en a parlé avec sa mère et sa sœur : « Ce sont des discussions simples, mais importantes. »

Emilio assume pleinement sa démarche : « C’est un sujet qui peut être tabou ou même sensible, mais personnellement, j’en parle pour me sensibiliser et comprendre, afin de ne pas rester dans l’ignorance. »

Ces témoignages dessinent le portrait d’une génération en transition. Conscients de leurs lacunes, ces jeunes hommes manifestent une réelle ouverture d’esprit et un désir d’engagement. « Il faut mieux prévenir que guérir et montrer un intérêt à la maladie en général », résume Emilio. Comme le souligne Kritik : « La sensibilisation doit concerner tout le monde, sans distinction. » 

 

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