Qui dit sécheresse dit cultures de fruits et de légumes affectées et donc prix élevés. Si les étals des marchés reflètent déjà cette situation, le pire reste à venir, préviennent les planteurs…
Des terres assoiffées, des cours d’eau asséchés. Bienvenue à Triolet. C’est ici que Said Bundhoo, 57 ans, nous donne rendez-vous. En 35 ans consacrés à la culture de la terre, il dit n’avoir jamais vécu un été aussi sec. Même les pommiers d’amour, connus pour être résistants à la sécheresse, ont été victimes de la chaleur accablante.
« Certes, chaque année durant la période de novembre à janvier, les planteurs sont les premiers à témoigner des conséquences de la sécheresse. En temps normal, c’est déjà un défi de planter des légumes à cette époque, mais cette année-ci le constat est accablant », s’alarme-t-il.
Les coupures dans la fourniture d’eau n’arrangent pas les choses. « Nous sommes approvisionnés en eau trois jours par semaine chaque quatre heures. Cela n’est pas suffisant. » Surtout pour ceux qui pratiquent le système d’irrigation goutte-à-goutte. « Avec cette chaleur accablante et la sécheresse, l’eau s’évapore en un clin d’œil. Les plantations ne survivent pas », dit le planteur. Said Bundhoo est catégorique : si cette situation perdure, « les légumes se feront, pour la majorité, rares sur les étals en décembre ».
Entre-temps, face à ce qu’il considère comme étant un problème sans issue, il a fait le choix de mettre un frein à ses activités pour le moment. « Au lieu d’exploiter cinq arpents, je me suis résolu à planter uniquement sur un demi-arpent. J’y fonde tous mes espoirs. »
Said Bundhoo confie être découragé. « Nous souffrons, c’est un véritable casse-tête de travailler d’arrache-pied durant des mois et de voir toute une plantation être détruite sans avoir même pu aboutir à l’étape de la récolte », lâche-t-il.
Même constat désolant du côté de Roches-Noires. Devanand Sarjoo, planteur de légumes, dit prier le dieu des pluies dans l’espoir de sauver ce qu’il lui reste de ses 10 000 plantes de piment qu’il avait semées pour arrondir les fins de mois. « L’intégralité de ma production agricole de ‘bringel’, concombre et tomates a été endommagée par la sécheresse. Les plantes ne grandissent plus », se désole-t-il.
Avant, fait savoir Devanand Sarjoo, les planteurs avaient recours à l’eau des rivières pour aider au développement et à la maturation des cultures agricoles. « Hélas, cet été, même les rivières sont asséchées ! Je compte déjà un déficit de plus de Rs 100 000. Nous venons tout juste de semer du piment et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir en récolter. Seule un peu de pluie pourra nous sauver. »
Cette sécheresse aggravée, fait ressortir Devanand Sarjoo, aura des répercussions sur le rendement de plusieurs légumes dans les mois à venir. « Les légumes tels que la pomme d’amour, la ‘pipengaille’, le concombre, piment, entre autres, se feront rares sur les étals. Et les prix seront en hausse. »
Exaspéré et impuissant face à la situation, ce planteur, dont les cultures de pomme d’amour, d’oignons, piment, pomme de terre et « bringel » s’étendent sur six arpents et demi, confie qu’il ne pourra poursuivre ses activités si une solution n’est pas trouvée. « La sécheresse dura sur une période de quatre à cinq mois. Si cela continue, nous n’aurons d’autre choix que de quitter nos terres. C’est très difficile de remonter la pente et de réinvestir après une perte de cette ampleur. L’avenir s’annonce très sombre pour le secteur agricole… »
Les cultures de melon d’eau ne sont pas mieux loties. À la croisée, en direction de Belle-Vue-Harel, nous tombons sur Devanand, installé parmi ces fruits qui se veulent la star des étals en été. Pour ce vendeur qui dépend de la vente des melons d’eau depuis plus de 15 ans, la saison s’annonce difficile.
D’emblée, il déclare être sévèrement affecté dû aux récoltes moindres de melon d’eau en période de sécheresse. « Avec cette sécheresse bien installée, les melons d’eau, qui ont besoin de beaucoup d’eau, ne grossissent pas. En sus, la production est moindre. Tout naturellement, il se vend au prix fort malgré la qualité inférieure », explique Devanand.
En effet, en comparaison aux précédentes années, il faut débourser jusqu’à Rs 500 pour déguster le melon d’eau cette année ! Maigre consolation : il est sucré… « Le manque d’eau produit des melons d’eau plus sucrés. Tandis qu’un melon d’eau gorgé d’eau est plus fade », souligne Devanand.
Et revoilà les chauves-souris !
Si la sécheresse n’a pas eu raison d’eux, ils n’échapperont toutefois pas aux chauves-souris… En effet, du côté des vergers, les premiers letchis de saison peinent à survivre.
Naushad Rengany, propriétaire de verger depuis 17 ans, parle d’un chemin semé d’embûches. « Cela ne fait que trois ans depuis que nous avons commencé à récolter. La vente de la récolte est le seul moyen de couvrir nos frais. »
La sécheresse, souligne-t-il, est un problème qui pourrait être contenu grâce à l’irrigation. « Cependant, la situation avec les chauves-souris est cauchemardesque. Jusqu’à présent, sept arbres de letchis ont été complètement ravagés par ces bestioles ! Ça représente une perte de Rs 25 000 par arbre incluant les frais d’entretien. »
Selon Naushad Rengany, « malgré le gros investissement dans les filets qui ont accusé une hausse de prix, de Rs 4 000 à Rs 9 000, ils ne sont pas toujours efficaces ». Les chauves-souris ont deux longueurs d’avance, déplore-t-il. Ainsi, les planteurs de letchis doivent faire preuve d’ingéniosité.
« Nous optons pour des encens artisanaux à partir des feuilles de letchi sèches que nous brûlons dans des tonneaux. La fumée et l’odeur font fuir les chauves-souris le temps qu’elles durent. Il faut dormir d’un œil et veiller au grain les letchis… »
Une flambée des prix annoncée début décembre
Toutes les régions de l’île sont affectées par la sécheresse, soutient le secrétaire de la Small Planters Association, Kreepalloo Sunghoon. « Les schémas pluviométriques ont changé durant ces cinq dernières années. Même le plateau central est affecté. Toutes les cultures agricoles sont touchées », dit-il.
Non seulement l’Irrigation Authority a réduit drastiquement la fourniture d’eau, mais les coupures d’eau pratiquées par la Central Water Authority n’arrange en rien les choses, notamment pour les cultures hydroponiques, indique-t-il.
Kreepalloo Sunghoon déplore le manque de nouveaux modèles agricoles pour contourner les effets de la sécheresse. « Cela fait plus de 20 ans que ça dure. Chaque année, nous demandons de prendre des précautions en été. Mais ces appels tombent dans l’oreille d’un sourd. Il n’y a pas eu de nouvelles technologies pour lutter contre la sécheresse dans les cultures agricoles », constate-t-il.
Devant cette situation, il n’écarte pas une pénurie de certains légumes sur les étals. « La plupart des légumes seront moindres sur le marché dans les jours à venir. Plus particulièrement les plantes filantes telles que calebasse, ‘pipengaille’, ‘patole’, ‘margoze’, haricot, entre autres. D’ailleurs, celles-ci ont déjà accusé une hausse de Rs 10 durant les derniers 25 jours. »
Et cette tendance devrait perdurer, d’une part en raison du « manque de maturité des légumes » et d’autre part, du « manque de production des fruits » liés à la sécheresse. Sans compter que l’affaiblissement des cultures agricoles rend les produits plus vulnérables aux maladies et insectes. « Nous nous attendons à une nouvelle flambée des prix début décembre. »
Néanmoins, selon Kreepalloo Sunghoon, la récolte de pomme d’amour semée peu avant l’été ne sera pas affectée. « Cependant, les nouvelles plantations le sont d’ores et déjà. De ce fait, au mois de novembre, décembre et janvier, la pomme d’amour sera moins abondante sur le marché. » Idem pour la récolte de « bringel » et du piment, entre autres.
Quid des letchis ? Malgré quelques dégâts causés par les chauves-souris, le prix restera abordable en raison d’une production décente. « Les letchis se vendent à Rs 100 la livre. Dans les jours à venir, le prix peut dégringoler. Cependant, nous en sommes satisfaits. »
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