Les prix des carburants sont un facteur non négligeable qui pèse sur le porte-monnaie des Mauriciens. Alors qu’en France, depuis le début de la semaine, une indemnité carburant est versée à une catégorie de personnes, une telle mesure serait-elle pertinente à Maurice ?
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Les attentes étaient grandes. Autant que l’a été la déception lorsque, à l’issue de la réunion du Petroleum Pricing Committee (PPC), le 12 janvier, les prix de l’essence et du diesel sont restés inchangés. Principale raison avancée : le trou, à hauteur de Rs 4,4 milliards, du Price Stabilisation Account. Il n’en demeure pas moins que les Mauriciens sont pris dans une spirale inflationniste et voyaient en une baisse des prix des carburants, un petit répit. Face à cette situation, devrait-on introduire une indemnité carburant comme c’est le cas en France ?
Selon Fazeel Soyfoo, partner International Tax chez Andersen, tout « scheme » ciblant les personnes à faible revenu serait utile. « Les supports ciblés, comme c’est le cas en France à travers une indemnité carburant, sont des solutions plausibles », souligne-t-il.
L’élaboration et la mise en place d’une telle mesure devraient, cependant, se faire en se basant sur certains critères. Fazeel Soyfoo soutient que les facteurs qui doivent être pris en considération comme critères d’éligibilité sont : le salaire, l’âge et le nombre de dépendants du demandeur.
Quid du montant de cette indemnité carburant ? Le montant, estime-t-il, devrait dépendre de la distance à parcourir pour se rendre sur son lieu de travail. Ainsi, le partner International Tax chez Andersen est d’avis qu’un montant mensuel oscillant entre Rs 500 et Rs 1 000 peut convenir. Cela permettra à l’employeur qui finance le transport de son employé, de lui accorder une autre indemnité.
Néanmoins, Fazeel Soyfoo concède que le gouvernement devra mesurer le coût global d’une telle mesure. Ce, afin d’éviter de taxer les hauts revenus pour une réallocation des revenus à la classe moyenne.
Ciblage compliqué
En effet, l’introduction d’une indemnité carburant, comme c’est le cas en France, pourrait s’avérer compliquée sans une véritable réflexion en profondeur. Bien que favorable au ciblage, Claude Canabady, secrétaire de la Consumers’ Eye Association, fait valoir que des gens malintentionnés pourraient essayer de profiter de la situation.
« Ce sera difficile d’appliquer une telle mesure à Maurice. Il faut être novateur dans le calcul des prix. Ce qu’il faudrait, c’est de la concurrence dans l’importation des carburants à travers différents fournisseurs », argue-t-il.
D’autre part, dans l’éventualité que le gouvernement mauricien introduise une indemnité carburant, il lui faudra un budget. Or un économiste insiste sur le fait que le gouvernement ne pourra pas puiser dans les réserves, estimées à 7,8 millions de dollars en décembre dernier selon les chiffres de la Banque de Maurice. Bien au contraire, il conviendrait, selon l’économiste, de reconstituer les réserves pour éviter d’accélérer la chute de l’économie locale.
« C’est la première fois que Maurice sort moins fort d’une crise. En 2008-09, Moody’s avait même amélioré la notation de Maurice en dépit de la grande récession et nos exportations avaient grimpé. Il faudrait justement hausser nos exportations », fait-il ressortir.
Or met en avant l’économiste, « une indemnité carburant poussera le gouvernement à utiliser les réserves pour le financement. Par définition, la consommation des carburants va alors augmenter et il faudra importer davantage, ce qui nécessitera davantage de devises ».
Ainsi, pour cet économiste, « l’indemnité carburant n’est pas une solution durable ».
Ce que propose la France
Une indemnité carburant est d’actualité en France depuis le lundi 16 janvier. L’objectif est de limiter l’impact de l’augmentation des coûts des carburants et de préserver le pouvoir d’achat dans l’Hexagone.
Dix millions de Français les plus modestes, qui se rendent sur leur lieu de travail dans leur véhicule, sont ciblés par cette aide de 100 euros pour l’ensemble de 2023.
Avant cela, l’État français proposait une « remise carburant » à la pompe jusqu’au 31 décembre 2022. L’indemnité est versée sur le compte bancaire de ceux qui répondent aux conditions.
Le « winter fuel payment » du Royaume-Uni
Ceux qui sont nés avant le 26 septembre 1956 au Royaume-Uni touchent entre 250 et 600 livres sterling sous la forme d’une « allocation de chauffage d’hiver ». Ce montant comprend une « indemnité de vie chère pour retraité » se situant entre 150 et 300 livres sterling au cours des deux hivers 2022 à 2023 et 2023 à 2024. Ce montant s’ajoute à tout autre paiement pour le coût de la vie reçu avec la prestation ou les crédits d’impôt.
Questions à…Cader Sayed-Hossen, ancien ministre du Commerce : «Il faut revoir la stratégie d’achat des carburants qui est défectueuse»
À la grande surprise générale, les prix des carburants sont restés inchangés après la dernière rencontre du Petroleum Pricing Committee (PPC).
Pensez-vous qu’une indemnité carburant, comme c’est d’actualité en France, pourrait être appliquée à Maurice ?
Cette idée peut certes avoir un mérite, mais sa gestion est extrêmement difficile. C’est peut-être une supposition, mais la plupart des gens qui figurent sur le registre social n’ont pas de véhicule. Ces derniers subissent les retombées de la hausse générale des prix. Même si jusqu’à présent le gouvernement n’a pas revu le prix du ticket d’autobus à la hausse, les taxis ont augmenté leurs tarifs.
Plusieurs économistes craignaient que la baisse du pouvoir d’achat n’entraîne la classe moyenne vers un statut social inférieur. Faut-il accorder aux automobilistes de cette catégorie un soutien financier pour le carburant ?
Je ne dirais pas que la classe moyenne subit une paupérisation, mais son pouvoir d’achat a de toute évidence diminué. La perte du pouvoir d’achat est relative.
Comment subventionner le coût des carburants pour la classe moyenne et marginaliser ceux au bas de l’échelle ? Il y aura une inégalité de traitement qui sera difficile à justifier et c’est inacceptable.
D’un point de vue moral, je ne suis pas à l’aise avec cela.
Comment soulager les consommateurs, sachant que la situation déficitaire du Price Stabilisation Account (PSA) les prive de la baisse des prix de l’essence sur l’échelle internationale ?
Il est possible de baisser les prix des carburants. Il ne faut pas regarder la structure des prix et raisonner dessus. Je pense qu’il faut revoir la stratégie d’achat qui est défectueuse.
Auparavant, et cela jusqu’en 2014, le calcul se faisait à partir d’un prix premium et d’un prix référence, soit le baril de brent. Maurice s’approvisionnait en pétrole auprès d’une raffinerie du Bangalore, avec qui nous négocions deux fois par an sur le premium. Cela avait du sens lorsqu’on parlait du prix référence brent.
Toutefois, lorsque l’achat s’effectue auprès d’un trader, cela est insensé de parler du brent. Selon l’actuelle structure des prix de la State Trading Corporation (STC), le coût du diesel à l’import est supérieur à celui de l’essence. Or, toutes les raffineries vendent le diesel entre 9,4 % et 9,8 % moins cher que l’essence.
Combien de temps sera-t-il nécessaire pour que le PSA se redresse ?
Je ne fais pas confiance à la structure des prix actuelle. Il aurait fallu qu’elle soit plus détaillée. Auparavant, le paiement pour le transport des carburants se faisait par voyage. L’idée était de charger le navire au maximum pour payer un coût moindre par litre ou par tonne. Cela n’est plus d’actualité.
Il convient de savoir quel est le surplus encaissé par la STC sur chaque litre d’essence et de diesel vendu. Ainsi, je pense que l’année 2023 est mal partie pour les consommateurs, à moins d’un changement dans la gestion d’achat des carburants par la STC.
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