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Pr Khalil Elahee : « L’adoption d’un Sustainable Energy Act est essentielle »

Le président de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), expert en énergie, estime qu’il faut vaincre la peur du spectre d’un blackout par l’éducation et surtout l’engagement de chacun. 

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Des Mauriciens craignent un blackout ou des coupures ciblées face aux récentes tensions sur le réseau électrique. Le risque d’un délestage généralisé est-il réel ?
Il faut vaincre la peur de l’inconnu, dans ce cas le spectre d’un blackout, par l’éducation, la sensibilisation et surtout l’engagement de chacun. Un blackout est un incident technique extrêmement rare, qui survient généralement lors d’un cyclone, d’une faute grave sur la transmission ou lorsque le système effectue un shutdown pour se protéger.

Ce qui est plus probable, c’est un manque temporaire de fourniture pendant les heures de pointe, notamment en été, quand il fait chaud et que la demande augmente en semaine. C’est une situation que nous pouvons gérer grâce à une meilleure maîtrise de la demande de la part des consommateurs – par exemple, en éteignant les lampes et appareils non essentiels. C’est aussi une façon d’économiser sur sa facture d’électricité tout en réduisant l’impact sur l’environnement.

Il faut également utiliser la climatisation de manière responsable, car c’est la principale cause de la demande record aux heures de pointe. Si nous agissons tous, il n’y aura ni délestage partiel ni load-shedding. Le risque de blackout restera alors minime, surtout si d’autres mesures sont mises en œuvre au niveau du CEB.
 
Dans l’immédiat, quelles mesures concrètes peuvent être mises en place pour stabiliser le réseau ?
Les hôtels, comme les gros consommateurs industriels et commerciaux, disposent déjà de générateurs. Cela représente des centaines de mégawatts disponibles uniquement en cas d’urgence. Malheureusement, beaucoup n’ont pas envisagé de recourir plus tôt aux énergies renouvelables, ce qui leur aurait permis d’opérer de manière plus propre, plus autonome et souvent plus économique, surtout pour le secteur hôtelier et commercial.

En cas de déficit de production sur le réseau, c’est une situation gagnant-gagnant si ces gros consommateurs font tourner leurs générateurs : il y aura ainsi assez d’électricité pour tout le monde. C’est une mesure temporaire, à appliquer uniquement en cas extrême. Cela ne veut pas dire que les autres abonnés du CEB doivent se débrouiller seuls.

Les économies d’énergie et l’efficacité énergétique sont essentielles, non seulement pour faire face au risque de délestage, mais aussi parce qu’elles représentent la manière responsable de produire et consommer. La sobriété énergétique relève d’une culture que tout citoyen, entrepreneur ou investisseur doit adopter pour améliorer sa qualité de vie, préserver son environnement et renforcer sa situation financière.

Notre dépendance aux combustibles fossiles importés et polluants pèse lourdement sur notre économie, avec une facture de plus de Rs 67 milliards en 2024, soit plus de 20 % de nos importations.
 
La transition vers les énergies renouvelables semble prendre du retard, alors que Maurice dépend toujours fortement des IPPs. Quelles sont, selon vous, les principales entraves à ce processus ?
Je pense que nous avons pris non seulement plus de dix ans de retard sur l’objectif des 60 % d’énergies renouvelables dans la production d’électricité, mais que nous avons reculé, car le reste du monde a progressé rapidement dans ce domaine. Ailleurs, les projets se comptent non pas en mégawatts, mais en gigawatts - soit mille fois plus.

C’est pourquoi la MARENA a élaboré un plan stratégique reportant l’objectif de 60 % à 2035 : nous devons reconnaître la réalité de notre retard. La feuille de route existante doit donc être révisée, car elle n’est plus totalement adaptée. Ce plan vise à donner une direction claire et à accélérer le développement des énergies propres en créant un cadre favorable à leur déploiement. Le gouvernement finalisera bientôt cette nouvelle Roadmap.

Entre-temps, plusieurs projets qui étaient bloqués ont redémarré, comme les fermes solaires hybrides. Une nouvelle génération d’IPP émerge, opérant avec de l’énergie durable, y compris avec du stockage.

L’un des défis majeurs reste de démocratiser, de décentraliser et de décarboner cette transition, qui a trop tardé à se concrétiser. Le principal obstacle a été l’absence d’une approche holistique et intégrée. Désormais, une collaboration plus étroite s’installe entre les acteurs du secteur, tels que le CEB, la MARENA et l’EEMO, qui promeut l’efficacité énergétique et les économies d’énergie.

Les ministères et le secteur privé s’engagent également dans des démarches communes, mais il reste encore beaucoup à faire pour combler ce retard. Il faut aussi encourager les ménages à s’équiper en panneaux photovoltaïques et en batteries, un domaine qui peine encore à décoller. Pour y remédier, il faudra probablement revoir le cadre institutionnel. L’adoption d’un Sustainable Energy Act serait, à mon avis, une étape essentielle.

 

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