Les décisions défavorables à Maurice prises par les gouvernements étrangers dont celui de la France viennent compromettre la reprise touristique. L’économie locale accuse le coup.
Après l’Arabie saoudite, l’Inde et Madagascar, c’est la France qui s’est rajoutée à la liste où les vols commerciaux vers Maurice sont suspendus. L’île Sœur pourrait également suivre les protocoles appliqués en France. Maurice a de son côté arrêté les liaisons avec l’Afrique du sud. Toutes ces décisions prises de part et d’autre ont été dictées par l’évolution de la pandémie et l’arrivée du nouveau variant Omicron.
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Omicron apparaît comme une douche froide pour le tourisme et le pays. Gerald Lincoln, Country Managing Partner d’EY, souligne que le secteur touristique avait bien redécollé depuis la réouverture des frontières mauriciennes le 1er octobre dernier. « Il est clair que la décision de l’État français est un coup dur pour Maurice, surtout en cette période de pointe. Le mois de décembre présentait un bon niveau de réservation », argue-t-il. Le gouvernement mauricien avait mis toutes les chances de son côté et tablait sur un total de 350 000 touristes d’ici la fin de cette année. Ces projections semblent inatteignables selon Zayd Soobedar, ManagingDirector de Strategic Insight. Pour cause, l’Afrique du Sud et la France sont deux gros marchés pour Maurice. De janvier à septembre 2020, 19 101 touristes en provenance d’Afrique du Sud avaient atterri à Maurice. Rien qu’en octobre 2021, 17 738 touristes accueillis à Maurice étaient issus de l’Hexagone.
La situation touristique plombe ainsi les perspectives de croissance. La dernière édition de MCB Focus datéedu 11 novembre dernier prévoyait un taux de croissance de 4,4 % pour 2021. Gerald Lincoln explique cependant que les perspectives de croissance changent quotidiennement. Et avec la situation qui prévaut dans le pays, il soutient qu’il est difficile de donner un chiffre crédible en raison des incertitudes liées à la Covid-19. De son côté, le ManagingDirector de Strategic Insight se veut réaliste et table sur un taux de croissance de 4,1 % pour cette année. « Plus tôt dans l’année nos prévisions étaient de 4,2%. Nous avons depuis revu ces chiffres et pensons que le taux de croissance se situera entre 3,5 % et 4,1 % », avance Zayd Soobedar. Suivant une année de décroissance à presque -15 %, une progression de 4,1 %, s’il y en a, s’avérait toutefois insuffisante.
Les secteurs porteurs de croissance
Les secteurs traditionnels comme le secteur financier et la construction devraient selon le Country Managing Partner d’EY tirer leur épingle du jeu. Ajouté à cela l’apport du textile et de la consommation. A ce propos l’industrie de la distribution semble pour l’heure être épargnée par les répercussions d’Omicron. Sonny Wong, Chief Operating Officer du groupe Innodis fait observer que l’actualité commerciale de Maurice avec la France, l’Afrique du Sud et l’Inde se poursuit. Les produits importés par Maurice arrivent majoritairement par voie maritime. Cependant, cette question demeure : la chaine d’approvisionnement risque-t-elle d’être affectée par les pays qui enregistrent de nouvelle vague de contamination à la Covid-19 ? Sonny Wong précise qu’Innodis suit la situation de près. Si c’est le cas, dit-il, Maurice devrait bénéficier de sa bonne relation avec les fournisseurs pour avoir un approvisionnement régulier selon un délai prescrit. Pas de quoi s’inquiéter quant à des pénuries de certains produits en raison de la fermeture des frontières étrangères avec Maurice. Sonny Wong affirme qu’Innodis dispose par exemple d’un stock bien confortable pour la saison. « Nous avons une dizaine de conteneurs sur l’eau et il n’y aura aucun souci d’approvisionnement pour la période festive », argumente-t-il. Le coût du fret s’est stabilisé depuis un mois selon Sonny Wong. Toutefois, il craint que la perturbation du fret maritime s’étende jusqu’en avril 2022.
Perspective 2022
L’année prochaine devrait débuter sur une base bien faible en raison de la volatilité des marchés. Les secteurs porteurs sont impactés par la pandémie et la reprise anticipée dans le tourisme n’aura pas lieu. Zayd Soobedar souligne également que le nouveau variant a des ramifications à l’international. Cela pourrait engendrer des situations de confinement dans certains pays. Un scénario qui influencera négativement nos exportations. Concernant les échanges commerciaux, le ManagingDirector de Strategic Insight évoque la dépréciation de la roupie face aux principales monnaies étrangères. « Il y a ce qu’on qualifie d’‘imported inflation’. Cela peut entrainer une érosion du pouvoir d’achat qui, par ricochet, diminuera la consommation. Notre modèle économique est un marché de consommation. Il y aura un ralentissement dans la consommation l’année prochaine en dépit du PRB », concède Zayd Soobedar.
Ainsi, 2022 pourrait être davantage plus difficile que cette année. Cela alors que le sentiment parmi les investisseurs n’est pas au mieux, ce qui n’est pas favorable à l’investissement dans le privé et que la Covid-19 est venue changer les fondamentaux dans différentes industries. Zayd Soobedar poursuit en disant que la résilience des entreprises a diminué. Certaines d’entre elles ont certes enregistré une hausse de leur chiffre d’affaires, mais celle-ci a été engendrée par les prix pratiqués et non par l’augmentation dans les volumes de vente par exemple.
Tourisme : se rabattre sur la clientèle locale ?
Les perturbations dans les marchés principaux de Maurice en raison de la progression de la Covid-19 forcent les hôteliers à trouver de nouvelles stratégies. Certains opteraient pour la clientèle locale afin d’atténuer le manque à gagner. Or, un ancien professionnel du tourisme souhaitant garder l’anonymat fait ressortir que la clientèle mauricienne est différente des touristes étrangers. « Le tourisme est fait pour les étrangers. C’est l’apport en devises étrangères. Même en France le tourisme intérieur ne peut compenser les touristes étrangers », insiste-t-il. Notre intervenant estime qu’il y a une certaine maladresse et arrogance des autorités mauriciennes qui espèrent accueillir 650 000 touristes d’ici à la mi-2022. Or, sur la scène internationale, les observateurs ne s’attendent pas que le tourisme reprenne avant 2023. « Il faut avoir la modestie de dire que les statistiques ne servent à rien. C’est un point de référence mais pas d’avancement. Nous avons besoin d’un comité de sages qui se réunit pour une discussion ouverte afin de trouver des solutions concrètes pour le secteur touristique », martèle notre source.
En chiffre
Quelques prévisions
- MCB Focus : taux de croissance de 6,9 % pour 2022.
- Fonds Monétaire International : taux de croissance de 3,8 % en Afrique subsaharienne pour 2022.
- Statistics Mauritius : déficit commercial de Rs 120 milliards pour 2021.
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