Une boîte à chaussure fatiguée : c'est dans ce modeste emballage qu'est arrivé à Sotheby's Paris un exceptionnel vase chinois en porcelaine créé pour l'empereur Qianlong (1735-1796). Il pourrait atteindre des sommets aux enchères le 12 juin prochain. Ce chef d'œuvre a été découvert par hasard dans le grenier d'une maison de campagne où il a passé plusieurs décennies avec d'autres "chinoiseries". "Ce vase, on ne l'aime pas beaucoup, et mes grands-parents ne l'aimaient pas non plus. Trop de couleurs vives", a expliqué la propriétaire qui a pris contact avec Sotheby's, il y a trois mois.
En parfait état de conservation, le vase présente des décors polychromes dans lesquels dominent les tons roses. Il est décoré d’un remarquable paysage peuplé de daims et de grues entourés de pins tordus et de pics couverts de brume. En arrière-plan, une cascade jaillit des rochers. Sous sa base figure une "marque de règne" à six caractères. "Ce vase est le seul connu au monde avec de tels détails. C'est une œuvre d'art majeure, c'est comme si on découvrait un Caravage", s'enthousiasme Olivier Valmier, commissaire priseur spécialisé dans l'art asiatique, lors de la présentation à la presse.
Ce paysage idyllique avec des daims et des grues est peu fréquent dans la production des ateliers impériaux de Jingdezhen. Les vases dits "yancai ruyi" figurent à deux reprises dans les inventaires officiels. En 1765, une paire est destinée aux Pavillons de Bouddha dans les appartements privés de Qianlong. En 1769, deux vases sont commandés comme cadeau d'anniversaire pour l'empereur. Un autre vase de forme et de style similaires, mais où les grues sont absentes, est conservé au musée Guimet des arts asiatiques à Paris.
D'un dessin très libre, le paysage semble imaginaire. Il est en réalité inspiré du Parc impérial de chasse de Mulan, l'une des résidences d'été où séjournait l'empereur pendant les périodes de chaleur. Les animaux et les plantes représentés sont chargés de symboles: le daim est synonyme de bonheur et de prospérité; les grues personnifient la vieillesse; le pin vert représente la vie éternelle de même que le lingzhi, un champignon. "C'est un objet rituel qui porte bonheur", précise Olivier Valmier.
Avec une fourchette 500 000 - 700 000 euros, Sotheby's est restée modeste dans ses estimations malgré la qualité exceptionnelle de cette pièce et sa provenance familiale, toujours préférée par les acheteurs. A l'intérieur d'un brûle-parfum japonais également "conservé" dans le grenier, a été trouvée une facture remontant à l'Exposition universelle de 1867. "C'est une famille dont les ancêtres ont été des collectionneurs", souligne Olivier Valmier. Il se dit persuadé que d'autres pièces remarquables pourraient surgir en France où les objets asiatiques ont suscité un vrai engouement fin 19e.
Les pièces impériales de la période Qianlong sont particulièrement recherchées. Un bol en porcelaine de la "famille rose" (portant des décors polychromes dans lesquels dominent les tons roses) s’est vendu 30,4 millions de dollars en avril dernier chez Sotheby’s Hong Kong. Un cachet impérial de la même époque avait atteint le prix astronomique de 21 millions d'euros, record mondial, en décembre 2016 à Paris.
AFP/Photo : AFP / Thomas SAMSON
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !