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Naufrage du Wakashio : Les opérateurs de la région du sud-est continuent à galérer

25 juillet 2020. Le vraquier Wakashio, qui transporte 3 800 tonnes d’huile lourde, fait naufrage au large de Pointe-d’Esny. Une catastrophe écologique qui marque le pays et les opérateurs et entrepreneurs du Sud-Est en particulier. Quatorze mois après, comment s’en sortent-ils ? Reportage !

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Nous sommes à Pointe-d’Esny à 11 heures le mercredi 22 septembre 2021. La route est presque déserte. Les personnes que nous rencontrons en chemin disent garder encore à l’esprit les séquelles de la catastrophe écologique.

Celle-ci a eu un impact négatif sur les activités économiques de cette région qui était déjà touchée par la pandémie. Dans les commerces avoisinants, on indique que les ventes ont baissé de 50 % à 80 % avec ces deux facteurs combinés. Idem pour les services proposés dans cette région.

Sameer Khodabacus, marchand de glaces depuis neuf ans, ne cache pas sa déception. Il note un ralentissement des activités dans la région. Du coup, la clientèle a baissé. Depuis que le MV Wakashio a affecté l’écosystème marin et qu’il y a des restrictions sanitaires, la vente a chuté.

« J’ai des dépenses fixes et la situation est difficile. Il arrive même que je ne vende pas de glaces. La fermeture de mon petit commerce se profile à l’horizon. Le manque à gagner augmente constamment... », explique-t-il.

Sunita Baichooa, qui travaille près de Mahébourg Waterfront, abonde dans le même sens. « La vente a diminué en raison d’une baisse de taux de fréquentation. Une autre difficulté : la récolte de fruits locaux a aussi diminué. J’éprouve des difficultés à faire de la confiture. Juste pour faire bouillir la marmite, j’essaie de diversifier mes produits en commercialisant de l’eau coco et des gâteaux », relate l’entrepreneure.

Amir Bhegun est chauffeur de taxi depuis vingt ans dans cette région. « Plusieurs activités économiques ont été touchées depuis le début de la pandémie et le naufrage. Les chauffeurs de taxi éprouvent des difficultés financières pour le remboursement des prêts de voiture. Ils ont aussi d’autres dépenses en raison de l’augmentation du coût de la vie, il leur faut un plan d’aide. »

Pour sa part, Sunil Timol, pêcheur depuis quarante ans dans la région, l’ensemble de l’écosystème marin est toujours affecté. Du coup, il enregistre une baisse dans les prises dans le lagon de Blue Bay. Il déplore qu’il n’ait pas encore reçu la compensation MV Wakashio.

« Les pêcheurs sombrent dans le désespoir en cette période de crise économique. Nous lançons un appel au gouvernement pour qu’il nous aide financièrement, car il nous est difficile de joindre les deux bouts. Dans le contexte actuel, les travailleurs indépendants accumulent des dettes d’où l’importance d’avoir un plan pour relancer les activités économiques », poursuit-il.

Virginie Orange, femme skipper qui compte vingt-deux ans d’expérience dans le domaine, fait le même constat. « Nous sommes dans le flou. Nous avons rempli un formulaire du ministère, mais on n’a rien reçu à ce jour ? Où est passé l’argent de l’assureur du MV Wakashio ? », demande-t-elle.

Elle souhaite que le rapport scientifique soit rendu public le plus vite possible. Il faut de la transparence concernant la compensation.

Pour sa part, Marie Joseph Arminiaud, propriétaire de bateaux, fait remarquer qu’en cette période de crise, les skippers et les propriétaires de bateaux n’arrivent pas à s’en sortir. Il demande aux autorités de leur venir en aide avec la compensation de l’assureur du MV Wakashio.

Il fait observer que les opérateurs de la région ont été doublement touchés, car le lagon est resté fermer pendant plusieurs mois à cause de la pandémie et du naufrage. « Nous avons été sans travail pendant plusieurs mois et dans la conjoncture économique, nous n’avons pas de touristes. Et les Mauriciens ne dépensent pas dans les activités nautiques. »

 

Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement :

« Le naufrage du Wakashio a affecté l’économie et l’écologie »

Cela fait quatorze mois que le MV Wakashio a affecté l’écosystème marin. Quel est le bilan écologique et combien de temps l’écosystème marin prendra-t-il pour se renouveler ?

Une année est passée, les eaux du lagon sont redevenues cristallines et tout a l’air d’être retourné à la normale. Mais les cicatrices de cette catastrophe écologique sont belles et bien présentes dans la mémoire des Mauriciens et dans la nature.

J’ai visité les lieux il y a un mois et j’ai constaté que quelques coraux sur la plage près du waterfront étaient couverts d’une couche de produit pétrolier. Ce qui confirme que l’impact du Wakashio sur l’environnement est présent, un an après, et que la nature prendra plusieurs décennies pour redevenir comme avant. L’écosystème marin a été affecté et la pollution est visible.

Pensez-vous que les dégâts causés par la marée noire auraient pu être évités ? Quel a été son impact économique et écologique ?

Les dommages qui ont résulté du naufrage du Wakashio ont marqué l’environnement et l’économie. Je suis certain que ce désastre aurait pu être évité. Car il y a eu une chaîne d’événements qui a résulté au déversement de produits pétroliers dans le lagon.

La cicatrice est profonde, l’écosystème en portera les traces pendant de longues années. De plus, la population côtière, qui a respiré les vapeurs de la marée noire, devra être suivie médicalement. Car de nombreuses maladies comme des cancers peuvent survenir des années plus tard. L’économie de la région qui était déjà fragilisée par la Covid-19 a été anéantie. Il faut innover, afin de construire de nouveaux piliers économiques, sociaux et environnementaux, respectueux de la nature et des océans.

Quelles sont les leçons à tirer de cette catastrophe ?

Selon moi, les leçons de ce désastre écologique sont : le manque de surveillance de notre zone économique exclusive et les défaillances dans la chaîne de commandement. Il y a aussi la mauvaise évaluation des risques et la mauvaise gestion.

Il faut revoir le système de gestion de crise et déterminer notre niveau de vulnérabilité, vu notre position sur la route maritime reliant l’Afrique et l’Asie. Nous sommes peut-être à risque d’une catastrophe encore plus grave à l’avenir.

Il faut une réglementation pour empêcher la circulation de navires de ce type dans nos eaux territoriales.

 

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