Jeff Jonathan Julie, connu sous le nom de Nathan, a été retrouvé sans vie, le jeudi 20 novembre, à son domicile de Trou-aux-Biches. Ce père de deux garçons avait 40 ans. Ses funérailles ont eu lieu vendredi, dans une vive émotion.
Directeur de Local Construction Ltd, il était devenu une figure connue de la solidarité mauricienne à travers La Cuisine du Cœur, une initiative qu’il avait fondée en 2018. L’histoire commence simplement. Nathan publie sur les réseaux sociaux une recette familiale, une salade de « giraumon » que lui a transmise son père installé à Agaléga. Le succès est immédiat. Son « farsi patol » et son « dizef roti ek so lakok » attirent rapidement des milliers d’internautes.
Il crée une page baptisée « Partage et Savoir », qui passe de 1 200 à 4 000 membres en quelques mois. Recettes, conseils, traditions : la page devient un espace d’échanges autour de la cuisine mauricienne.
En janvier 2018, la Holdem Foundation lui demande de préparer 2 500 repas pour les victimes du cyclone Berguitta. Sa maison se transforme en cuisine collective. C’est dans ce contexte qu’il décide d’aller plus loin.
Le 10 novembre 2018, avec Meritess Beeharry, Nathan fonde La Cuisine du Cœur. Quatre cents repas sont préparés dans la cour de son oncle Daniel et distribués à Plaisance, Trèfles, Port-Louis, auprès des sans-abris.
Nathan évoquait souvent son propre parcours pour expliquer son engagement. Il parlait de périodes difficiles, de nuits où il n’y avait rien à manger. Son père lui avait transmis le sens du partage. Enfant, Nathan l’observait aider les Rodriguais et les Mauriciens en difficulté, leur trouver un toit ou un travail.
Il évoquait également sa maladie – l’épilepsie – qui l’avait un jour attaqué en pleine rue. Des inconnus l’avaient aidé. « Mo ti kapav pa la azordi », disait-il.
Au-delà de son engagement associatif, Nathan dirigeait une entreprise de construction. Dans un message vocal adressé à un ami avant sa mort, il évoque cette activité. Il y décrit une période où son entreprise fonctionnait, où sa maison était un lieu de convivialité. Les week-ends, amis et connaissances venaient partager des repas.
Puis, la situation a changé. Lorsque la Mauritius Revenue Authority gèle ses comptes, il ne peut plus payer ses 400 employés. Ces derniers s’en vont. « Mo konpran zot », dit-il dans ce message.
Dans cet enregistrement, Nathan exprime surtout un sentiment de solitude : « Seki plis bles mwa, bann kamarad ki toulezour, tou le weekend ti avek mwa, kas enn poz manze, bwar, riye, mo perdi zot tou, pa trouv personn. Mo trouv zis mwa ek mo mama dan lakaz. Sa fer mwa bien sagrin. »
Il confie : « Mo finn donn tou mo lavi bann dimounn… me ler mo tombe, tou dimounn inn abandonn mwa. » Et il ajoute : « Mo finn ed bann dimounn san get ki zot ete… zordi mo trouve personn pa ti vremen mo kamarad. Mo senti trayizon… mo santi mo tousel. Mo la pou dimounn… me ki dimounn fer pou mwa ? Personn. »
Aujourd’hui, Nathan Julie laisse derrière lui La Cuisine du Cœur, une initiative qui aura marqué le paysage de la solidarité mauricienne, et le souvenir d’un homme dont la vie publique contrastait avec les difficultés personnelles qu’il traversait.
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