Me Steven Sengayen explique les stratégies mises en place pour lutter contre l’évasion fiscale sur le plan mondial.
Qu’est-ce que l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices connus comme le Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) ?
Le BEPS est un projet pour trouver des solutions dans certains pays afin de les aider à réduire la déduction des sommes qui érodent l'assiette fiscale ou simplement en transférant les bénéfices dans des juridictions fiscales inférieures. Ces pratiques sont adoptées par certaines entreprises multinationales. Cela dit, le BEPS fait référence à des stratégies d'évasion fiscale qui exploitent les lacunes sur le transfert des bénéfices vers des juridictions fiscales à faible ou sans impôt.
Quelle est l’ampleur de l'évasions fiscales à Maurice ?
Ce phénomène est global. Il est difficile d'identifier l'étendue de la question à Maurice sans aucune étude spécifique sur ce sujet. Cependant, je suis heureux de voir que Maurice s'est engagé à être une juridiction de fonds, pleinement conforme aux normes internationales et aux meilleures pratiques de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Ce qui explique pourquoi nous ne figurons pas sur la liste noire de l'OCDE.
Maurice est conscient que le BEPS est une question urgente non seulement pour les pays industrialisés mais pour les économies émergentes et les pays en développement.
Aussi, il reconnaît que les gouvernements perdent des recettes fiscales substantielles. Cela en raison de la planification fiscale internationale agressive qui a pour effet de transférer artificiellement les bénéfices aux endroits où ils sont assujettis à une non-imposition ou à une réduction d'impôts. Il est important de veiller que les bénéfices soient imposés lorsque des activités économiques importantes générant des bénéfices. Par ailleurs, Maurice a signé, le 5 juillet 2017, la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures liées aux conventions fiscales afin de prévenir le BEPS.
Les assiettes fiscales et les taux d'imposition sont déterminés de manière autonome d'un pays à l'autre.
Est-ce que cette pratique implique nécessairement une violation des lois d’un pays et des évasions fiscales ?
Conformément au principe de la fiscalité internationale, nous devons faire la différence entre le concept de « tax avoidance » et celui de « tax evasion ». La « tax avoidance » est la minimisation légitime des taxes, en utilisant des méthodes incluses dans le code des impôts. Les entreprises évitent les impôts en prenant les déductions légitimes pour protéger le revenu des impôts en mettant en place des plans de retraite des employés et d'autres moyens en vertu des législations sur les impôts.
Alors que la « tax evasion » est la pratique illégale consistant à ne pas payer d'impôts, à ne pas déclarer de revenus et à déclarer des dépenses non autorisées légalement.
Ainsi, les stratégies d'évasion fiscale sont élaborées par les multinationales dans les pays développés. Les recherches menées par plusieurs auteurs montrent que les multinationales utilisent diverses stratégies pour transférer les revenus des pays à fiscalité élevée vers les pays à faible taux d'imposition.
N’est-ce pas un atout pour un centre offshore comme Maurice de permettre aux compagnies étrangères de rapatrier une partie de leurs profits dans leur pays d’origine ?
Les sociétés étrangères peuvent toujours profiter de ces avantages en vertu de nos lois fiscales. Il est important de noter que la juridiction fiscale de Maurice a été exemplaire dans ses relations avec l’OCDE.
Ainsi, chaque pays devrait être en mesure d'imposer une part équitable des bénéfices réalisés par les multinationales opérant sur son territoire avec des structures liées entre elles par une gestion centralisée, une intégration fonctionnelle, des économies d’échelle et les investissements.
Plutôt que dans des juridictions où la présence des multinationales est parfois fictive et s'explique par des stratégies d'évasion fiscale.
La fiscalité unitaire ne serait pas un système parfait si certains nombres de domaines constituent une entreprise unitaire. Alors, comment définir l'assiette fiscale mondiale d'une multinationale? Il faut alors trouver des formules qui répartissent équitablement. Une approche unitaire de la taxation des multinationales pourrait mieux refléter le fonctionnement actuel des multinationales.
Cela pourrait également conduire à un système plus transparent et facile à administrer. Dans le cadre de la fiscalité unitaire des multinationales, le transfert artificiel des bénéfices à des sociétés établies deviendrait alors inutile.
Dans un monde qui s’apparente de plus en plus à un village global, ne serait-il pas une cause perdue d’avance pour combattre le BEPS ?
Comme la technologie a considérablement évolué ces dernières années, il est plus facile aujourd'hui pour les entreprises et les particuliers de transférer des revenus et des capitaux entre les pays pour réduire leur montant d'impôt global en utilisant des paradis fiscaux.
Le problème est que l'économie est mondiale. La fiscalité est locale. Chaque pays conçoit son système d'impôts sur les sociétés comme il le souhaite.
Les assiettes fiscales et les taux d'imposition sont déterminés de manière autonome d'un pays à l'autre. Par conséquent, les taux d'imposition effectifs sont différents selon l'endroit où l'on mène ses activités. Les taux d'imposition marginaux ont alors tendance à se différencier. Dans ce contexte, les discordances d'emplacement peuvent être créées en ce qui concerne le revenu et les déductions.
Il faut aussi comprendre qu’à mesure que le monde devient mondial, la perception des impôts devient plus complexe.
Même si un pays a déterminé le droit d'imposer les obligations fiscales de ses contribuables, la collecte peut être une tâche difficile.
Il y a aussi le cas où un contribuable est dépourvu de tout actif dans le pays qui essaie de faire la collecte vu que des solutions très limitées sont disponibles pour ce pays.
Toute tentative de percevoir des impôts dans un autre pays sera alors considérée comme une violation du territoire de l'autre pays.
Dans le cas du BEPS, le projet ne concerne que le transfert de bénéfices artificiels et non la concurrence fiscale et ne s'applique qu'à l'OCDE et au G20.
Quel est le rôle de l’OCDE dans la lutte contre ce phénomène et dans quelle mesure a-t-elle atteint ses objectifs ?
L'OCDE est consciente que le BEPS prive les pays de ressources précieuses pour relancer la croissance et s'attaquer aux effets de la crise économique mondiale.
Mais au-delà de cela, BEPS a également érodé la confiance des citoyens dans l'équité des systèmes fiscaux dans le monde entier.
Les mesures de l'OCDE, ce sont les changements des règles fiscales internationales depuis près d'un siècle. Aussi, il met fin à la double non-imposition tout en facilitant l'alignement de la fiscalité sur l'activité économique. Il y a aussi la mise en œuvre des structures de planification fiscale inspirées du BEPS.
Ainsi, le BEPS est une tentative pour aider les pays de l'OCDE à maintenir leur position dominante sur le développement des règles du droit fiscal international qu'ils occupent depuis la fin des années cinquante.
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