Live News

Maurice face au ralentissement : le FMI appelle à des réformes structurelles

Vinaye Ancharaz et Sanjay Matadeen.

Face à un contexte mondial incertain, le Fonds monétaire international alerte sur la nécessité de réformes économiques urgentes. Maurice, confronté à un ralentissement, doit repenser sa croissance et sa productivité intérieure.

Publicité

Dans son dernier rapport intitulé « Getting to Growth in an Age of Uncertainty », le Fonds monétaire international (FMI) dresse un tableau nuancé de l’économie mondiale. Entre ralentissement de la croissance, inflation persistante, tensions commerciales et défis structurels, l'institution appelle à des politiques économiques concertées et urgentes pour éviter une stagnation prolongée.

Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance mondiale. Pour 2025, celle-ci est estimée à 2,8 %, et à 3 % en 2026. Selon le rapport, les perspectives à moyen terme restent faibles, les prévisions sur cinq ans n’ayant jamais été aussi modestes depuis plusieurs décennies. Ce contexte est aggravé par une dette publique élevée et des tensions géopolitiques persistantes, qui pèsent sur le commerce international.

Inflation hétérogène, politiques divergentes

croissanceL’un des constats du FMI porte sur l’évolution de l’inflation. Bien qu’en baisse, celle-ci ralentit de manière inégale selon les régions. Cette désynchronisation fragmente davantage les politiques monétaires. Les grandes banques centrales adoptent désormais des orientations divergentes, influençant à leur tour les taux de change et les prix des actifs financiers.

Cette situation fragilise les économies émergentes, particulièrement exposées aux mouvements de capitaux et à la volatilité des monnaies. Face à ces incertitudes, le FMI appelle les gouvernements à rétablir leur viabilité budgétaire et à reconstituer leurs marges de manœuvre, afin de mieux faire face à d’éventuels chocs futurs.

Le rapport souligne la nécessité de renforcer la coopération internationale. Les pays sont invités à travailler ensemble pour créer un environnement commercial stable et prévisible. Cela inclut la facilitation de la restructuration des dettes souveraines, mais aussi une réponse collective face aux défis communs, comme le changement climatique ou les transformations technologiques.

Dans ses remarques, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, rappelle que les politiques économiques doivent être adaptées à un monde en mutation rapide, où la numérisation, l’intelligence artificielle et les changements démographiques redéfinissent les contours de la croissance.

Maurice : entre ralentissement et questionnement structurel

Maurice n’échappe pas à cette dynamique mondiale. Après une croissance estimée à 5 % en 2023 et 4,9 % en 2024, Statistics Mauritius prévoit un taux de 3,1 % pour 2025. Or rappelle l’économiste Sanjay Matadeen, certaines économies de la région, notamment en Afrique de l’Est, enregistrent des taux supérieurs. « Nous devons regarder au-delà des moyennes mondiales et nous interroger sur notre croissance potentielle », est-il d’avis. 

Selon lui, la baisse des prévisions doit servir de signal d’alarme. Il soulève notamment la question de l’efficacité dans l’utilisation des ressources, ainsi que le besoin de renforcer la croissance intérieure par des politiques ciblées.

Au cœur du débat, la question de la productivité reste centrale. Le FMI insiste sur la nécessité de stimuler la productivité pour soutenir une croissance durable. À Maurice, ce paramètre montre des signes d’essoufflement. Le Dr Vinaye Ancharaz, directeur exécutif du National Productivity and Competitiveness Council (NPCC), constate une tendance baissière depuis plusieurs années : la croissance de la productivité du travail, qui avoisinait les 4,2 % dans les années 1990, est passée à 3,4 % entre 2001 et 2010, puis 2,5 % de 2011 à 2019. La pandémie de COVID-19 a accentué davantage ce ralentissement.

Pour Vinaye Ancharaz, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution : « La productivité dépend de tout un écosystème. Cela inclut les outils de production, la gestion d’entreprise, l’environnement réglementaire et les capacités humaines. » Il note également une baisse de l’investissement privé, relégué ces dernières années au second plan au profit des grands projets d’infrastructure, tels que le Metro Express.

L’investissement en capital, élément clé pour l’amélioration de la productivité, est aussi en recul. À cela s’ajoute un retard en matière de digitalisation, alors que le pays fait également face à des défis démographiques qui affectent la main-d’œuvre, en particulier pour les tâches manuelles.

Vers une réponse stratégique ?


Le NPCC travaille actuellement sur une Politique nationale de productivité, dans le cadre de son plan stratégique. Un comité a été mis en place pour identifier les leviers de relance. « Il est impératif de comprendre les causes profondes du problème. Cela nécessitera une analyse approfondie avant de pouvoir proposer des mesures efficaces », précise Vinaye Ancharaz.

Pour Sanjay Matadeen, le problème de la productivité est aussi lié à la question des salaires. Il souligne que les augmentations salariales récentes n’ont pas été accompagnées de gains correspondants en productivité. La pénurie de main-d’œuvre est l’un des facteurs clés : « Il faut explorer des solutions comme l’automatisation, l’utilisation accrue de la technologie et la formation continue pour pallier ce manque. »

Le FMI avertit que les ajustements économiques peuvent être réalisés progressivement, mais que le temps presse. Plus les pays attendent, plus l’ajustement risque d’être difficile. La nécessité de créer des marges budgétaires pour les dépenses prioritaires, notamment dans l’éducation, la santé ou encore la transition écologique, est soulignée comme un impératif.

Dans un monde où les certitudes économiques s’érodent, le message principal du rapport du FMI est clair : sans action rapide, ciblée et concertée, le risque de voir les économies s'enliser dans une croissance faible et instable est réel.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !