Comblés, pollués et maltraités. Les terrains marécageux du pays subissent l’incivisme d’une certaine partie de la population. Les organisations non-gouvernementales sont dépassées.
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Maurice compte environ 23 zones marécageuses. Trois d’entre elles sont classées comme zones d’importance internationale et inscrites sur la liste Ramsar (voir hors texte). Cependant, deux de ces sites subissent une fréquentation abondante de bateaux (Blue Bay) et une pollution à outrance (Pointe Jérôme). D’autre part, à un moment où nous subissons des inondations, la plupart des marécages, qui constituent des remparts contre ce genre de catastrophes, ont été détruits.
Les autres sites ne vont pas mieux. Comblement, pollution, dépotoirs illégaux, la police de l’environnement a fort à faire ! Toutefois, les policiers de cette unité rencontrent certains obstacles dans les procédures leur permettant de sanctionner les contrevenants (voir hors texte). Le ministère de l’Agro-industrie a, cependant, promis de promulguer une loi régulant l’utilisation de ce type de terrain (voir hors texte). L’organisme met aussi en place un mécanisme pour surveiller et contrôler les sites Ramsar. Il y a, d’ailleurs, un poste et des techniciens qui sont placés en permanence à l’Estuaire de Roche-Bois (site Ramsar). Toutefois, cette surveillance ne s’applique pas à toutes les zones humides. Le comblement et la pollution des marécages sont sanctionnés. Des sanctions sont prises si les coupables sont pris en flagrant délit, au cas contraire les organisations non-gouvernementales (ONG) et les autorités doivent nettoyer les sites.
De leurs côtés, des ONG militent pour la protection de ces zones. Kheshwar Beehary Panray, directeur de l’Environmental Protection and Conservation Organisation (EPCO), est membre du comité national de la convention de Ramsar à Maurice. Il affirme que les autorités doivent aider à éduquer les Mauriciens à la protection des zones humides (voir hors texte). Pour sa part, Diane Desmarais, du Kolektif Ecoguard, estime que le site Ramsar de Pointe Jérôme a besoin d’une attention particulière. À chaque campagne de nettoyage, plus d’une tonne de déchets y est enlevée. C’est inquiétant, estime la militante écologiste.
Questions à Kheshwar Beehary Panray, directeur d’EPCO et membre du National Ramsar Committee : «Les gens ne réalisent pas le danger de polluer ou de construire sur une mare»
Pouvons-nous dire que la situation est grave ?
Il faut se rappeler que les terrains marécageux ont toujours été considérés comme des terres sans valeur. C’est pour cette raison que celles qui appartiennent à l’État ont été, en grande partie, transformées en cimetière alors que les marécages privés ont été vendus. Plusieurs sont maintenant sous des morcellements entiers. Pendant beaucoup d’années, nous n’avons pas eu d’averses abondantes et ces régions sont restées à l’abri. Aujourd’hui, les anciens marécages sont inondés lors des averses et ce n’est pas tout à fait un problème de drain.
Les gens comprennent-ils mieux l’importance de ces terrains maintenant ?
Non. Le massacre continue, car les marécages privés continuent à être comblés. Pour ne citer que quelques régions, je dirais que les marécages de Péreybère sont comblés et cela c’est dangereux. Beaucoup de régions qui ont subi le même sort sont aujourd’hui sous les flots à chaque inondation. EPCO travaille sur le site de Pointe Jérôme où nous essayons de faire comprendre aux gens que les zones humides sont importantes pour l’évacuation de l’eau et aussi pour le développement de certaines espèces d’animaux. Nous bénéficions d’une aide financière de la part de l’United Nations Development Programme (UNDP).
Y a-t-il une solution?
Il faut éduquer le peuple, pas seulement les enfants, mais la population en général. Il faut savoir que dans le passé, plusieurs mares ont été transformées en cimetières ou zones résidentielles. Je parle, ici, de Péreybère, Cap Malheureux, Mahébourg, Rivière des Galets, Flic en Flac et Trou aux Biches. Des cimetières ont été installés dans les régions de Cassis, Mahébourg, Souillac et Cap Malheureux, entre autres. Les gens ne réalisent pas le danger de polluer ou de construire sur une mare. Par exemple, des tonnes de déchets sont enlevées chaque année dans les mangroves de Mahébourg, pourtant il s’agit d’un site Ramsar. Nous essayons de faire comprendre aux gens l’importance de ces sites, mais ce n’est pas facile à Maurice, car polluer est solidement ancré dans les habitudes.
La loi annoncée depuis 2015
La Wetlands Bill est en préparation depuis 2015. Outre ce projet de loi, les autorités travaillent également sur l’inscription de deux nouveaux sites à la liste de la Convention de Ramsar, à savoir Midlands Dam et Caverne Patate, à Rodrigues. Pour les besoins de la présentation de cette loi, le ministère de l’Environnement est en possession d’un rapport sur les zones humides. L’étude a été complétée en 2015 et comprend une démarcation et un inventaire de toutes les zones humides de Maurice et Rodrigues. C’est le Comité Ramsar, tombant sous l’égide du ministère de l’Agro-industrie, qui examine les demandes et fait des recommandations concernant les développements près ou dans les zones humides. Ce comité établira une liste de tous les projets résidentiels et industriels se trouvant près des zones humides depuis les dix dernières années. Une enquête est aussi en cours pour déterminer le nombre de permis délivrés par les collectivités locales sur les zones humides.
Ramsar : une convention vieille de 47 ans
La convention de Ramsar a été signée en 1971 en Iran. Elle vise à protéger les zones humides à travers une utilisation contrôlée et des lois établies par les pays qui y adhèrent. La liste des sites à travers le monde compte 2 266 zones. Maurice en compte trois alors que le Royaume-Uni, qui en compte plus de 170, est le pays avec le plus grand nombre de sites listés. Depuis la signature de la convention, la journée internationale des zones humides est célébrée chaque année le 2 février, soit la date à laquelle la convention a été adoptée. Toutefois, la première journée n’a été célébrée qu’en 1997.
Des camions de déchets provenant des mangroves
Le Kolektif Ecoguard effectue des campagnes de nettoyage dans les mangroves de la région sud-est. Diane Desmarais, animatrice de ce mouvement, explique que le site Ramsar de Pointe Jérôme est sans doute le site protégé le plus pollué du pays. Des tonnes de déchets, soit près d’une demi-douzaine de camions d’ordures, sont enlevées de ce site à chaque campagne de nettoyage. Outre l’éducation de la population à travers des panneaux, ces campagnes sont effectuées sur une base régulière. Toutefois, les panneaux sont souvent la cible de voleurs ou de vandales. Le combat est difficile, selon les activistes. Durant l’année écoulée, plusieurs photographies de ce site, de même que d’autres endroits, ont été publiées sur le site web du collectif. Ces images démontrent le taux d’incivisme élevé atteint par certains de nos compatriotes. Nous publions, d’ailleurs, certaines images qui toucheront sûrement ceux qui ont à cœur la survie des zones sensibles.
Absence de relevés : l’obstacle principal
La police de l’environnement reçoit souvent des plaintes concernant des actes illégaux sur les terrains marécageux. Selon une source proche de cette unité, les plaintes concernent le comblement, les constructions et la pollution dans les zones humides. Dans chaque cas, la police de l’environnement émet un ordre d’arrêt des travaux aux promoteurs. Ces derniers doivent alors se présenter devant la justice. Toutefois, un souci majeur survient sur ce type de dossier. Les zones humides de Maurice ne sont pas toutes répertoriées et c’est ce qui permet aux constructeurs d’obtenir des permis pour développer ce type de terrains. De plus, une dizaine de marécages se trouve être des propriétés privées et la police ne peut les inspecter. C’est pour cette raison qu’il ne peut y avoir de suite dans ce genre de situation. Seule une loi sur les marécages pourra autoriser les poursuites.
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