
Le puissant homme d’affaires malgache Maminiaina Ravatomanga, plus connu sous le nom de Mamy, proche du président malgache destitué, également en exil à Dubaï, Andry Rajoelina, n’est pas un inconnu à Maurice.
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Arrivé à l’aéroport de Plaisance le 12 octobre à 00 h 44, dans un jet privé Cessna immatriculé 5R-HMR appartenant à sa compagnie SODIAT, il était accompagné de sa famille et de l’ex-Premier ministre malgache Christian Ntsay. Le milliardaire, considéré par Forbes en 2017 comme la deuxième plus grande fortune de Madagascar, est un habitué du pays, où il possède de solides ancrages économiques.
Depuis plus d’une décennie, il tisse une toile d’intérêts commerciaux et financiers faisant de Maurice un hub stratégique pour certaines de ses opérations.
Né en 1968 à Madagascar, Mamy Ravatomanga, qui détient aussi la nationalité ivoirienne, a fondé en 1990 le Groupe SODIAT, un conglomérat actif dans le commerce général, l’import-export, l’immobilier et les transports. À la tête d’un empire employant des milliers de salariés, il s’impose comme un acteur discret mais omniprésent dans l’exportation de produits agricoles, notamment les litchis – une denrée dont Madagascar produit environ 40 000 tonnes par an, majoritairement destinées à l’Europe et à l’Asie.
Mamy Ravatomanga est perçu comme le « maître des ficelles » de ce secteur, une véritable « mine d’or » pour l’économie malgache. Des accusations de monopole émergent dès 2020-2021, suivies de plaintes pour corruption en 2022 impliquant des sociétés liées à son groupe, sans qu’aucune preuve tangible n’ait été établie à ce jour. Port-Louis a d’ailleurs déjà été utilisé comme port de transit pour certaines cargaisons.
Selon un officiel malgache à Maurice, contacté par Le Défi Media Group, Mamy Ravatomanga a des affaires à Maurice et s’y rend régulièrement — pour le travail comme pour le repos. Maurice est un pays qu’il affectionne particulièrement.
Plus graves sont les soupçons de trafic illégal de bois de rose, une espèce protégée dont l’exportation est interdite depuis 2000. Mamy Ravatomanga est accusé d’implication indirecte depuis 2011, via des filiales comme Sodiatrans, dans un réseau exportant des centaines de conteneurs vers la Chine. En juillet-août 2011, six conteneurs chargés de 180 tonnes de bois précieux – déguisés en haricots secs et cornes de zébu – ont été saisis au port de Port-Louis à bord du navire Markella. Une enquête a été menée par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), mais elle n’a pas abouti.
En 2015, le Parquet national financier (PNF) français avait ouvert une enquête sur des accusations de trafic de bois de rose, de corruption et de fraude fiscale. Deux ans plus tard, des enquêteurs français se sont rendus à Madagascar pour entendre Mamy Ravatomanga et son épouse, en coordination avec le Bureau indépendant malgache anti-corruption (Bianco).
Le PNF avait alors autorisé la saisie de quatre biens en France – trois appartements et une maison – mais en juillet 2019, la cour d’appel de Paris a levé les saisies.
Les Panama Papers de 2016 citent Mamy Ravatomanga comme officier et actionnaire majoritaire d’une société enregistrée aux Îles Vierges britanniques. Une enquête française lancée en 2018 pour corruption et biens mal acquis avait sollicité l’assistance des autorités mauriciennes, qui avaient confirmé son intérêt financier dans l’offshore mauricien. En août 2023, l’enquête préliminaire du PNF a été classée sans suite.
Cette procédure portait sur des faits de blanchiment en bande organisée, de corruption d’agent public, de fraude fiscale et de trafic de bois de rose. Le PNF justifie cette décision en raison d’une « infraction insuffisamment caractérisée ».
Allié de Andry Rajoelina depuis son accession au pouvoir en 2009, Ravatomanga incarne l’« éminence grise » du régime, facilitant contrats publics et décisions économiques.
Un autre dossier ayant suscité la polémique concerne la fuite de l’ex-PDG de Renault-Nissan-Mitsubishi, Carlos Ghosn, en 2020. C’est un des avions de la compagnie aérienne malgache TOA, appartenant à Mamy Ravatomanga, qui aurait été utilisé pour son évasion vers la France.
Ciblé par la génération Z, au cœur des récentes protestations malgaches, l’habituellement très discret homme d’affaires s’est exprimé le 6 octobre au cours d’une émission spéciale de près de deux heures, diffusée sur trois chaînes privées de télévision. Il y a répondu aux accusations de « mafia d’État » : « Je n’ai rien à cacher. Pendant cinq ans, le Parquet national financier de Paris a enquêté et il n’a rien trouvé. » Et d’ajouter : « On invente des dossiers sur moi : bois de rose, falsifications de documents. Puis on se rend compte que le dossier est vide. »

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