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Lakaz Lespwar : quinze ans de solidarité à Solitude

Le bâtiment de Lakaz Lespwar, ouvert à toutes les familles de la région. Paquerette Marie, bénévole à la boutique alimentaire, accueille les bénéficiaires avec le sourire. L’équipe du jardin devant l’installation d’aquaponie : Pruchila Reine de Carthage, Aline Chavry, Marie-Lourdes Vacoa et Angela Jiji. L’entrée du jardin communautaire de Lakaz Lespwar, un havre de nature et de sérénité.

Un enfant qui griffonne dans la rue au lieu d’aller à l’école. Une voisine qui s’arrête. Un petit-déjeuner improvisé. Quinze ans plus tard, ce geste spontané s’est transformé en centre d’accueil pour familles en détresse. Reportage à Solitude, là où l’espoir se construit au quotidien.

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Il est 8 heures du matin à Lakaz Lespwar. Dans la boutique solidaire, Paquerette Marie et quatre autres bénévoles s’activent. Deux fois par mois, 30 familles viennent s’approvisionner en denrées alimentaires à prix réduit. À quelques mètres, Lovela Hilbert ouvre les portes de la boutique de vêtements. « Nous vendons les vêtements entre Rs 10 et Rs 100 environ. Avec cet argent, nous finançons les leçons, le matériel scolaire et même les études universitaires des enfants. » Trois fois par semaine, le même rituel.

Derrière le bâtiment principal, Marie-Lourdes Vacoa vérifie les bassins d’aquaponie installés il y a deux ans. « C’est un mélange d’hydroponie et d’aquaculture. Nous avons installé ce système chez dix femmes qui ne peuvent pas aller travailler. Ça ne leur demande pas beaucoup de temps par jour et ça leur permet d’avoir une source de revenus », explique-t-elle.

Bienvenue à Lakaz Lespwar, « la Maison de l’Espoir », qui célèbre cette année 15 années d’existence. L’histoire commence en 2006, trois ans avant l’ouverture officielle du centre. Christiane Pasnin, habitante de Solitude, croise un enfant de 8 ans dans la rue en pleine journée. « Il aurait dû être à l’école. Je me suis assise auprès de lui et il griffonnait sur un papier. J’ai vu qu’il était très talentueux. »

La curiosité la pousse à enquêter. « Je lui ai demandé où il habitait et il m’a dit qu’il habitait tout près. Je suis passée le voir le soir et j’ai découvert qu’il faisait partie d’une famille de cinq enfants. Aucun d’eux n’allait à l’école. Les parents étaient dans l’addiction à l’alcool. »

La réponse est immédiate. « Avec les voisins, nous avons donc organisé un repas ce soir-là. Nous avons pensé qu’il était important que ces enfants aillent à l’école. Nous avons commencé l’accompagnement de cette famille. Avec l’aide des voisins, nous faisions des colis pour qu’ils aient de quoi manger. »

Mais un cas en appelle d’autres. « Ça s’est ensuite étendu à plusieurs familles. À un moment, nous avons réalisé que ce n’était pas suffisant. » Christiane mobilise alors les femmes du quartier. « J’ai contacté les dames de la région qui étaient à la retraite et je leur ai partagé la situation. Nous avons mis en place le projet Petit Déjeuner. Nous n’avions pas de fonds, donc chacune apportait quelque chose : du beurre, des gobelets... »

Du petit déjeuner au centre d’accueil

Le curé de la paroisse met à disposition la salle d’œuvre de l’église. « J’ai demandé au curé d’alors si nous pouvions avoir un emplacement pour servir le petit déjeuner. Nous accueillions douze enfants. »

Très vite, le nombre explose. « Ensuite, il y a eu 71 familles de différentes régions qui sont venues s’installer dans les environs. Nous les avons visitées et avons vu que la situation était compliquée pour elles aussi. Nous avons donc eu 40 enfants. »

L’initiative évolue. « Avec le temps, nous avons constaté que ces enfants n’avaient pas seulement besoin d’un petit déjeuner, mais qu’ils ne savaient pas lire non plus. Nous avons donc demandé à des collégiens et à d’autres volontaires de nous aider à faire l’accompagnement scolaire les après-midis, et pendant les vacances, nous organisions des activités. »

La salle d’œuvre devient trop petite. Surtout, l’équipe veut dépasser le cadre purement paroissial. « La salle d’œuvre de l’église n’était plus adaptée car les enfants étaient nombreux. Nous avons pensé à un autre lieu. En même temps, nous voulions faire comprendre que nous n’accueillons pas uniquement les catholiques. »

Terra propose un terrain. Caritas Île Maurice et la Fondation CIEL rejoignent le projet. « Caritas Île Maurice est venue nous aider à fonder le projet. Nous avons été formés. La Fondation CIEL nous a aussi aidés. » En 2010, le centre Lakaz Lespwar est inauguré. « En 2011, nous avons lancé un jardin thérapeutique et communautaire. » Celui-ci a pris un nouveau tournant avec l’aquaponie.

Le soutien psychologique occupe également une place centrale. « Nous avons un groupe de soutien pour les femmes dont les enfants ou époux sont tombés dans la drogue. Nous avons été formés par Lakaz A. Nous offrons un espace en soirée pour les rencontres », précise Christiane Pasnin.

L’accompagnement intégral

Quinze ans plus tard, la philosophie reste la même. « Notre mission principale aujourd’hui est d’accueillir et écouter les familles en détresse. Cela crée la confiance, et du moment qu’il y a la confiance, nous pouvons faire l’accompagnement. Nous aidons les gens à grandir, à réaliser leurs projets de vie et à sortir de la pauvreté dans tous les sens », explique Christiane Pasnin.

Cette approche s’inscrit dans la mission de Caritas Île Maurice, qui est « de travailler pour le développement intégral de la personne – économique, social et personnel. Il y a une pédagogie qui commence par l’écoute et qui continue par l’accompagnement ». Le résultat : un réseau d'activités qui couvre presque tous les besoins identifiés sur le terrain.

Côté jeunesse, l’offre est structurée. « Nous avons aussi un espace sportif pour les jeunes. Nous voulons qu’ils puissent penser à cela comme option professionnelle. Nous avons un club d’athlétisme accompagné de coachs professionnels. Pour les petits, nous avons le club de karaté pour inculquer la discipline. »

S’ajoutent à cela un terrain multisport, un groupe de parole pour les jeunes, et des collaborations avec d’autres ONG. Pour les plus petits, un centre d’éveil fonctionne avec transport, petit déjeuner et trois sorties annuelles gratuites. « Pour que les mères puissent aller travailler », souligne Christiane.

La force des bénévoles

Derrière chaque activité, des dizaines de bénévoles. « Ce qui fait la force et l’âme ici, c’est l’engagement des bénévoles », affirme Christiane Pasnin.

Lovela Hilbert est là depuis huit ans et est responsable depuis cinq ans de la boutique de vêtements. Paquerette Marie tient la boutique alimentaire. Marie-Lourdes Vacoa s’occupe du jardin et forme d’autres femmes à l’aquaponie. Chacune apporte son temps, ses compétences, sa présence.

Le modèle repose sur cette continuité : des personnes du quartier qui connaissent les familles, comprennent leurs besoins, et ajustent les réponses. « Nous avons travaillé avec d’autres ONG qui sont dans le domaine », ajoute Christiane. 

En 2025, Lakaz Lespwar continue d’accueillir, d’écouter et d’accompagner. Les activités se maintiennent, certaines se renforcent. La boutique solidaire reste ouverte. Le jardin produit. Le centre d’éveil fonctionne. Les clubs sportifs encadrent les jeunes.

« Nous aidons les gens à grandir, qu’ils réalisent leurs projets de vie, à sortir de la pauvreté dans tous les sens », rappelle Christiane Pasnin. « Nous avons un espace pour les femmes, les jeunes, les enfants. C’est un lieu d’accueil, d’écoute et de partage. »

Le petit garçon qui griffonnait dans la rue en 2006 a aujourd’hui 27 ans. On ignore ce qu’il est devenu. Mais à Solitude, des dizaines d’autres enfants ont depuis trouvé un petit-déjeuner, un soutien scolaire, un espace pour grandir.

Quinze ans après, Lakaz Lespwar reste fidèle à son nom : « la Maison de l’Espoir ». Un espace où, chaque jour, l’espérance prend racine.

 

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