
Les États-Unis ont suspendu une partie du financement de leur programme phare de lutte contre le sida, selon des organisations internationales et des membres du Congrès qui alertent déjà sur des conséquences pour les patients et l’arrêt de projets essentiels à travers le monde. C’est ce que rapporte CNN sur son site Web, le 13 septembre.
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L’ampleur exacte des coupes budgétaires visant l’aide américaine contre le VIH/sida reste floue. Le Congrès continue de s’opposer aux propositions de la Maison-Blanche de récupérer plusieurs milliards de dollars et de geler certains financements.
Le PEPFAR – officiellement le « Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida » – est crédité d’avoir sauvé plus de 26 millions de vies en vingt ans et d’avoir permis d’éviter des millions de nouvelles infections, notamment en Afrique. Rien qu’en 2024, selon les chiffres officiels, le programme a fourni des traitements antirétroviraux vitaux à 20,6 millions de personnes. Il a également soutenu plus de 342 000 professionnels de santé chargés d’assurer soins, prévention et accompagnement dans plus de 50 pays, renforçant ainsi des systèmes de santé fragiles.
Créé en 2003 sous l’administration Bush, ce programme emblématique était principalement mis en œuvre par l’agence américaine pour le développement international (USAID), que le président Donald Trump a démantelée plus tôt cette année après un gel de l’aide étrangère. Le département d’État avait ensuite accordé une dérogation afin d’exclure les services vitaux, dont ceux du PEPFAR, et placé ses opérations sous sa supervision.
Mais les ONG tirent la sonnette d’alarme : plusieurs projets liés au VIH/sida ont été interrompus malgré tout. Et sans l’USAID, la mise en œuvre de nombreuses initiatives prévues est désormais à l’arrêt. Selon elles, ces coupes budgétaires perturbent gravement la prise en charge médicale des patients en Afrique, en Asie et en Amérique latine, compromettant la lutte mondiale contre la maladie.
Quel est l’impact des coupes sur la lutte contre le VIH/sida ?
L’ONUSIDA, l’agence des Nations unies chargée de mettre fin à l’épidémie, cite des exemples à travers le monde de ruptures de stocks de médicaments, de réductions de personnel dans les cliniques spécialisées, de suspension des services de proximité et d’« une hausse des niveaux de stigmatisation, de discrimination et des taux de mortalité » à la suite des coupes dans les financements américains.
Ces suspensions ont provoqué de graves perturbations dans la riposte au VIH dans des dizaines de pays, dont l’Ouganda, les Philippines et la Tanzanie, selon l’agence onusienne.
Des personnes vivant avec le VIH sautent ou rationnent leurs doses de traitements antirétroviraux, créant ainsi des conditions propices à l’émergence de souches résistantes, alerte l’ONG Physicians for Human Rights, qui a recueilli des témoignages en Tanzanie et en Ouganda sur les perturbations dans l’accès aux soins.
Médecins sans frontières avertit pour sa part que « le PEPFAR fait face à un avenir incertain » et que l’annulation de projets consécutive au démantèlement de l’USAID a déjà eu un impact sur l’action humanitaire.
« Le champ d’action du PEPFAR a déjà été considérablement réduit depuis janvier, lorsque le département d’État a restreint son intervention dans des domaines clés de la prévention, du traitement, des soins et de l’accompagnement liés au VIH », souligne l’organisation, contredisant les affirmations répétées du gouvernement américain selon lesquelles l’aide vitale était préservée.
« Les coupes ne touchent pas seulement les activités de terrain et les stocks de médicaments ; elles paralysent l’épine dorsale logistique des soins liés au VIH. Les moyens de transport pour distribuer les fournitures ont pratiquement disparu », alerte Zahra Zeggani-Bec, représentante de MSF au Zimbabwe.
De son côté, World Vision, une organisation chrétienne internationale spécialisée dans la lutte contre la pauvreté et le développement, a indiqué à CNN qu’un vaste programme du PEPFAR au Kenya avait été supprimé.
« Ce programme était principalement axé sur les orphelins, les enfants vulnérables et les activités de prévention », a expliqué Margaret Schuler, directrice de l’impact de World Vision. Elle s’est dite surprise que « ce qui aurait été considéré comme des programmes vitaux ait été interrompu », citant également d’autres initiatives de l’organisation liées aux soins de santé et à la lutte contre les maladies.
L’ampleur réelle de l’impact reste inconnue
Les données de suivi du PEPFAR n’ont pas été rendues publiques depuis plusieurs mois, ce qui laisse planer un flou sur les activités actuelles du programme. Un message sur le site officiel du gouvernement précise simplement qu’il est « en cours de mise à jour ». Les dates de publication des rapports de 2025 sont toutes indiquées comme « à déterminer ».
Un porte-parole du département d’État a déclaré à CNN que « la collecte de données est en cours afin d’intégrer les mises à jour récentes des programmes ».
Dans un rapport publié en avril, l’ONUSIDA a indiqué que, parmi ses 70 bureaux nationaux, 28 (40 %) avaient constaté la fin des services communautaires en raison des coupes américaines, tandis que 21 (30 %) signalaient l’arrêt des services fournis par des ONG internationales.
Certains de ces services auraient repris, mais il est impossible de mesurer l’ampleur réelle de cette reprise, faute de données sur le budget, les services sous-traités et « ce qui a effectivement été livré », a expliqué Charles Kenny, chercheur principal au Center for Global Development, un groupe de réflexion basé aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Dans une analyse de la situation de l’aide américaine, il écrit que « pour l’instant, le Congrès et les contribuables n’ont aucune visibilité sur ce que le système d’aide étrangère essaie d’accomplir, et encore moins sur le fait que cela soit réellement mis en œuvre ».
Le secrétaire d’État Marco Rubio a affirmé que le PEPFAR est un programme vital qui continuera, selon un porte-parole du département d’État. Mais il a aussi ajouté que « le PEPFAR, comme tous les programmes d’aide, devrait être réduit progressivement au fur et à mesure qu’il atteint ses objectifs ».
La semaine dernière, le département d’État a annoncé un engagement conjoint avec le Fonds mondial pour l’achat du lenacapavir, un traitement préventif du VIH sous forme d’injection ne devant être administrée que deux fois par an. Le PEPFAR distribuera ce médicament dans huit à douze pays à forte prévalence du VIH dès 2026, avec une priorité donnée à la réduction des nouvelles infections chez les femmes enceintes et allaitantes, selon un communiqué du département d’État.
Qu’en est-il du bras de fer budgétaire au Congrès ?
D’après des documents budgétaires consultés sur un site spécialisé qui suit de près l’Office of Management and Budget (OMB), la Maison-Blanche n’a libéré qu’environ la moitié (2,9 milliards de dollars) des 6 milliards votés par le Congrès pour le financement du PEPFAR en 2025.
Un collaborateur parlementaire s’est inquiété du fait que des milliards de dollars initialement prévus pour l’exercice 2025 soient répertoriés comme appartenant à l’exercice 2026, ce qu’il a qualifié d’inhabituel.
Un expert budgétaire a déclaré à CNN que la répartition des fonds pour 2025 semblait « étrange » comparée aux années précédentes, qui détaillaient habituellement les montants alloués à chaque département impliqué dans le PEPFAR. Cette année, les fonds débloqués sont listés comme « non alloués » et conditionnés à un plan de dépenses qui doit être validé conjointement par l’OMB et le département d’État. Ces plans ne sont pas publics.
La même source estime que le fait de reporter les fonds sur l’exercice 2026 indique au minimum que l’OMB n’est pas prêt à les dépenser immédiatement, et pourrait chercher à « ralentir » le financement.
Un autre collaborateur du Congrès a expliqué à CNN que le Parlement n’avait pas de vision claire de la situation, en raison du délai avec lequel la Maison-Blanche transmet ses informations au public. Il reste toutefois possible que les financements de 2025 soient libérés dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
Flou autour des flux financiers
La situation concernant les flux financiers reste floue, et survient alors que l’administration Trump avait déjà tenté de récupérer 400 millions de dollars destinés au PEPFAR. Cette proposition avait été annulée après une opposition bipartisane au Sénat. Mais une partie de ces fonds n’a jamais été débloquée, a indiqué la semaine dernière à CNN Susan Collins, sénatrice républicaine du Maine et membre influente de la commission des crédits.
« L’OMB bloque le financement du PEPFAR, l’un des programmes de santé mondiale les plus réussis de l’histoire », a-t-elle déclaré. « Les fonds du PEPFAR n’atteignent tout simplement pas ceux qui en ont besoin, comme le confirment les acteurs de terrain. »
La cheffe de file démocrate de la commission sénatoriale des crédits, Patty Murray, sénatrice de l’État de Washington, a directement mis en cause le directeur de l’OMB, Russell Vought. Selon elle, « même après avoir promis aux parlementaires républicains que le programme serait protégé, il a étranglé une part énorme du financement voté par le Congrès pour le PEPFAR ».
« La loi est limpide : l’intégralité des fonds approuvés par le Congrès doit être utilisée pour le travail que le PEPFAR accomplit chaque jour. Plus ces fonds sont bloqués et retardés, plus des vies seront perdues inutilement », a-t-elle affirmé à CNN.
CNN a sollicité un commentaire de l’OMB, sans obtenir de réponse.
Une nouvelle bataille autour de l’aide étrangère
Parallèlement, la semaine dernière, Donald Trump a notifié au Congrès son intention d’annuler 4,9 milliards de dollars d’aide étrangère déjà approuvée pour cette année, suscitant des critiques des deux camps sur la légalité de la démarche.
Le Government Accountability Office (GAO), organe de contrôle du Congrès, a rappelé que de telles annulations en fin d’exercice budgétaire sont illégales.
Mercredi dernier, un juge fédéral a statué que, sans approbation du Congrès, l’administration ne pouvait pas retenir des fonds d’aide étrangère déjà budgétés et arrivant à expiration à la fin du mois.
Mais la Maison-Blanche poursuit son offensive sur plusieurs fronts, devant les tribunaux comme au Capitole, Donald Trump ayant demandé lundi à la Cour suprême de se saisir de l’affaire.
Source : CNN

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