
À chaque élection à Maurice, les mêmes mots reviennent : « changement », « méritocratie », « transparence ». Pourtant, sitôt le nouveau gouvernement en place, les postes clés se retrouvent souvent confiés aux mêmes noms, liés par des relations familiales ou politiques. Ce décalage entre promesses et réalité nourrit frustration et désillusion, en particulier chez les jeunes générations.
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Saadiyah Aboobakar, 24 ans, résume ce sentiment : « Au lieu de travailler pour le peuple et le pays, on travaille pour un petit cercle bien placé », regrette-t-elle. Pour elle, ce système fermé étouffe les jeunes talents, décourage les Mauriciens compétents et transforme les institutions en terrains de faveur politique. « Mem zafer, mem zafer », conclut-elle, décrivant une répétition des mêmes pratiques au fil des gouvernements.
« Tant que les nominations se feront par connexion plutôt que par compétence, le mot changement restera un simple slogan électoral », ajoute-t-elle. « Servir l’État devrait vouloir dire servir tout le peuple, pas seulement ses amis ou sa famille. »
Kamiah Ramjeebun, 20 ans, reconnaît que la loyauté politique peut avoir un sens pragmatique : « Choisir des collaborateurs connus, partageant la même vision et loyaux envers le pouvoir peut sembler pragmatique, car diriger un pays exige une équipe soudée. » Mais elle avertit : « Cela écarte des candidats compétents, étouffe l’innovation et alimente un sentiment d’injustice. »
Elle illustre son propos par des références historiques et théoriques : Michael Young, dans « The Rise of the Meritocracy » (1958), montrait déjà qu’un système prétendument basé sur le mérite pouvait renforcer les privilèges des élites. Et citant Montesquieu, elle souligne que la séparation des pouvoirs est essentielle pour éviter les abus. « La solution passe par des processus de recrutement transparents, des critères clairs et un contrôle indépendant. Sans cela, le mot changement restera un slogan vide et la méritocratie, un simple mythe. »
Le fossé entre promesses et réalité
Sarvesh Mungur, 19 ans, observe un fossé persistant entre discours et pratique : « Si des citoyens remettent en question certaines nominations, c’est le système lui-même qu’il faut interroger. » Selon lui, un système trop fermé ou clientéliste comporte des risques majeurs : il étouffe la diversité des idées, freine l’innovation et renforce le sentiment d’injustice sociale. « Lorsque les postes clés se concentrent entre les mains d’un cercle restreint, le mérite et les compétences passent au second plan, et la confiance du public envers les institutions s’effrite. »
Pour autant, Sarvesh relativise l’urgence du débat par rapport aux défis économiques et sociaux du pays : « Nous attendons toujours le changement, parfois avec un espoir presque naïf… comme si nous espérions une révolution, une bougie rouge à la main. »
Eshna Goundory, 19 ans, insiste sur l’importance de l’égalité des chances : « Cette pratique devrait être combattue pour que les postes soient attribués sur la base des compétences, et non des liens personnels. »
Elle déplore que la loyauté politique et les rapports de pouvoir renforcent un système quasi-autocratique qui étouffe la liberté d’expression. « Un système trop fermé contredit l’idée que l’on peut réussir grâce à ses qualifications. Il détruit la confiance, surtout chez les jeunes issus de milieux moins privilégiés, et appauvrit la diversité au sein des institutions. »
Elle insiste : « Il faut donner des opportunités à tous pour un avenir assuré. Nous possédons tous une vision, des qualités et une intelligence qui méritent d’être mises à profit. C’est en valorisant cette diversité que nous construirons un système juste et équitable. »

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