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Kalyanee Juggoo : une femme debout…envers et contre tout

Loin des projecteurs, l’ancienne politicienne trouve refuge dans la lecture, son havre de paix.

Elle a survécu au pire. Elle a perdu une fille, porté ses cicatrices, mais n’a jamais perdu sa voix. Aujourd’hui, entre musique, économie et engagement social, Kalyanee Juggoo continue de tracer son chemin.

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«La politique a été le plus beau moment de ma vie. » Ancienne députée, Deputy Chief Whip et Parliamentary Private Secretary (PPS), Kalyanee Juggoo se présente, aujourd’hui, plus simplement : militante sociale, formatrice et femme de convictions. Mais jamais elle n’a oublié d’où elle venait.

Née à Vallée-des-Prêtres, elle se souvient encore des discussions animées à table, des débats sur l’avenir du pays. De ses propres rêves de servir. « Mon père était un ‘die-hard’ travailliste. Il m’a toujours dit : il faut défendre les autres, il faut s’engager. Il rêvait de me voir en politique. C’est le Dr Navin Ramgoolam qui m’a encouragée à me lancer. »

Après ses études au Queen Elizabeth College, Kalyanee Juggoo décroche une maîtrise, puis un doctorat. Elle débute sa carrière dans le social dès 1987, à la Women Welfare Association, active dans les circonscriptions n˚ 1 à 4. Pour son engagement, elle sera faite citoyenne d’honneur de la ville de Port-Louis. Elle travaillera comme directrice d’un centre de jour pour enfants au Botswana, puis consultante en affaires dans ce même pays. Elle occupera également un poste stratégique à l’ambassade de l’Inde pendant 14 ans, à la tête du Business Centre.

Mais la politique l’attire comme un aimant. D’abord, simple agente. Dans les rues, sur le pas des portes, elle écoute, convainc, mobilise. Puis, Campaign Manager. Elle franchit le pas en tant que candidate. Elle portera les couleurs du Parti travailliste (PTr) dans les circonscriptions n˚7 (Piton/Rivière-du-Rempart) et n˚4 (Port-Louis Nord/Montagne-Longue). Elle sera nommée Deputy Chief Whip, puis PPS. Une reconnaissance de son engagement de terrain, proche des gens. « On ne se lance pas en politique pour le confort. On sait qu’on sera jugé, critiqué. Mais je ne regrette rien. J’ai eu la chance de représenter des gens, de porter leur voix. »

Kalyanee Juggoo a également connu des désillusions politiques. Après sa démission du PTr, elle avait pris ses distances. D’ailleurs, sa présence lors de certaines réunions du Mouvement socialiste militant (MSM) lors des dernières élections générales n’est pas passée inaperçue. Elle s’explique sans détour : « J’avais demandé un ticket, on ne me l’a pas donné. J’ai été déçue. Je suis quelqu’un de franc : je n’aime pas les jeux d’arrière-boutique. »

Aujourd’hui, elle affirme vouloir revenir au PTr. « J’ai pris mes distances, mais je n’ai jamais renié mes convictions. Je compte envoyer ma demande pour réintégrer le parti. » Puis, dans un sourire, elle affirme : « La politique, c’est la sincérité. C’est la confiance. Je veux qu’on me juge pour ma franchise et mon travail. »

La transmission

À plus de 60 ans, Kalyanee Juggoo continue de s’investir pleinement. Elle rencontre les habitants de sa localité, s’assoit chez eux, les écoute et leur prodigue des conseils. « C’est ce que j’aime : être avec les gens. » Présidente du Mouvement Solidarité Féminin, elle sillonne le pays pour expliquer l’économie de façon simple. « Avec les autres membres du Mouvement Solidarité Féminin, nous parlons d’inflation, d’indice des prix, de budget. Les gens ont le droit de comprendre. Et je suis accompagnée par des experts. »

Elle sourit en évoquant ces sessions pédagogiques : « J’adore rendre les choses simples. L’économie, c’est la vie quotidienne. Si on comprend, on peut mieux s’organiser. » Et elle n’entend pas s’arrêter là. « Tant que je pourrai marcher, parler et expliquer, je le ferai. Je n’ai pas l’intention de m’arrêter. »
Kalyanee Juggoo puise sa force auprès de sa mère, âgée de 87 ans, avec qui elle vit. Très attachée à sa famille, elle leur transmet son amour en cuisinant pour eux. « Je trouve de la joie dans la cuisine. Préparer un repas, c’est offrir de l’amour. » Elle pouffe de rire en avouant qu’elle est parfois perfectionniste derrière ses casseroles.

Mais la cuisine n’est qu’une des nombreuses cordes à son arc. Musicienne dans l’âme, elle jouait de la guitare au collège. Aujourd’hui, elle a adopté la flûte, un instrument qu’elle trouve apaisant. « Quand je suis en colère ou frustrée, je joue de la flûte et je chante. Ça m’apaise. C’est ma manière de prier, parfois. »
Elle chante également, sans peur. « Lors des rassemblements, j’adore chanter. Et j’aime le faire en plusieurs langues : créole, hindi, bhojpuri, tamil, arabe, français, anglais, swahili, setswana. C’est ça Maurice : multiculturel. »

C’est une passion qu’elle aime transmettre. Elle n’hésite pas à chanter pour motiver, pour rassembler, pour attendrir une salle. « La chanson, ça touche le cœur plus vite que n’importe quel discours. »

Passionnée de danse, elle a même formé un groupe qu’elle guide dans plusieurs disciplines : yoga, tai-chi, qi gong, zumba et danse du ventre. Elle pratique aussi le bharatanatyam, cette danse classique indienne qu’elle considère comme un art sacré. « Danser, c’est se libérer. C’est exprimer ce qu’on ne dit pas. »

Et puis, il y a la lecture, son refuge silencieux. « Lire, c’est voyager sans bouger. J’ai toujours aimé ça. »
Malgré ses blessures, Kalyanee Juggoo n’a jamais cessé d’avancer. Entre la transmission de son savoir économique, la danse, la musique, la cuisine et la famille, elle continue d’être au service des autres. Elle caresse la main de sa mère, assise à côté d’elle. Et regarde autour d’elle, à Vallée-des-Prêtres : « C’est ici que tout a commencé. Et c’est ici que je veux continuer à servir. »

Le drame qui a bouleversé sa vie

À son retour à Maurice, un drame a bouleversé sa vie. Elle baisse la voix, le regard assombri. « C’est mon moment le plus douloureux. »

Un grave accident de voiture. Sa fille meurt sur le coup. Elle-même est grièvement blessée, le visage lacéré, 19 points de suture, des côtes cassées. « Je suis défigurée. Je porte encore ces cicatrices. Mais je remercie Dieu chaque jour de m’avoir laissée en vie. C’est un miracle. »

Ce drame la transforme. Elle parle de résilience, de pardon, de reconstruction. « Quand on survit à ça, on ne voit plus la vie de la même façon. »

Elle explique qu’elle a trouvé la force dans la foi, la famille, la prière et l’action. « Je me suis dit que je devais continuer pour ceux qui restaient. Pour ma mère, qui avait besoin de moi. »

Ajagen Koomalen Rungen / Azeem Khodabux

 

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