
Ismaïl Abdool vit au rythme des chants et des couleurs de ses oiseaux. African grey, perruches et petites plumes partagent sa passion et son quotidien singulier.
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Au cœur de Port-Louis, derrière un portail discret, une autre vie s’épanouit. Ici, le brouhaha de la ville se transforme en une symphonie feutrée : des gazouillis, des sifflements, parfois un cri perçant qui se mêle au vrombissement des voitures. Depuis 25 ans, Ismaïl Abdool vit avec ses oiseaux. African grey (les fameux gris du Gabon, perroquets réputés pour leur intelligence), perruches châteaux et petites perruches colorées partagent son espace, et son quotidien se confond avec le leur.
« Depuis que je suis petit, j’ai toujours eu des oiseaux autour de moi. C’est comme une partie de moi », dit-il, les yeux pétillants, alors qu’un gris du Gabon se pose délicatement sur son épaule.
Ses premiers compagnons ailés datent de l’enfance. Il n’avait pas plus de huit ans lorsque ses parents lui ont offert une perruche. Il se souvient encore des heures passées à lui parler, à lui tendre des graines, jusqu’au jour où elle posa sa petite patte sur son doigt. « Ce moment, je ne l’ai jamais oublié. » Ce premier contact est le début d’une passion qui ne l’a jamais quitté.
Aujourd’hui, à 35 ans, Ismaïl est reconnu à l’échelle de l’île Maurice comme un spécialiste de la reproduction des African grey et des perruches châteaux. Dans son foyer, les oiseaux sont partout. Les murs se couvrent de volières, les fenêtres s’ouvrent sur des chants. Ses proches plaisantent : « To lakaz inn vinn volierr ! » Mais le matin, avant que la ville ne s’éveille complètement, il suffit d’entrer pour sentir la magie : une forêt miniature en pleine ville.
Apprivoiser et reproduire
Dans sa volière soigneusement aménagée, chaque oiseau semble avoir trouvé sa place. Certains sifflent des mélodies surprenantes, d’autres lancent des cris perçants qui traversent le jardin. « Beaucoup de gens pensent que c’est facile, mais élever des oiseaux demande une patience immense. Il faut savoir les observer, comprendre leurs besoins, leur donner confiance. »
Depuis l’enfance, il a appris à apprivoiser. Il s’assoit, parle doucement, tend un doigt, et attend que la confiance s’installe. « Un oiseau apprivoisé, c’est magique. Il vient sur votre épaule, il vous fait des câlins avec son bec. Certains s’endorment même contre moi. »
Ce lien lui vaut le surnom de « l’homme qui murmure à l’oreille des oiseaux ». « On ne peut pas forcer un oiseau à aimer l’homme. On doit gagner sa confiance. C’est une relation basée sur le respect. Et quand l’oiseau vous accepte, c’est une des plus belles récompenses. »
Son art réside dans la reproduction. Des familles viennent le consulter pour assurer la continuité de leurs compagnons. « Ce n’est pas qu’une question de cages ou de nourriture, c’est un véritable art, un équilibre entre espace, soins et affection. »
Et il le sait : certains oiseaux ressentent nos émotions. « Si vous êtes stressé, l’oiseau le sera aussi. Il faut les traiter comme des enfants. » D’ailleurs, pour Ismaïl, un oiseau n’est jamais qu’un animal de compagnie. « Un oiseau apporte de la joie, il égaie une maison par ses chants. Quand on est triste ou fatigué, entendre son perroquet siffler ou répéter des mots, ça change l’humeur. »
Entre ailes et numérique
Ismaïl en sait quelque chose, lui qui mène une vie moderne devant les écrans. « Les ordinateurs, c’est mon travail. Les oiseaux, c’est ma passion. Les deux me complètent. Quand je passe une journée stressante devant un écran, rentrer et écouter mes oiseaux, c’est comme une libération. » Sa double vie raconte sa personnalité : méthodique et rigoureux dans son travail, patient et attentif dans sa volière.
Il estime que les enfants peuvent apprendre de cette proximité avec les oiseaux. « Quand un enfant s’occupe d’un oiseau, il apprend à donner à manger, à nettoyer la cage, à être attentif. Cela développe son sens des responsabilités et aussi sa tendresse. »
D’ailleurs, il souhaite transmettre ce trésor. « Je rêve que plus de jeunes découvrent le bonheur d’avoir un oiseau. Pas seulement comme distraction, mais comme un vrai compagnon. » Ses démonstrations pour enfants sont des instants suspendus. « Quand un petit met son doigt et qu’une perruche monte dessus pour la première fois, son sourire vaut plus que tout l’or du monde. »
Parmi ses autres projets figure la publication d’un guide pratique sur l’élevage des African grey et des perruches. « Je ne suis pas un grand écrivain, mais j’aimerais laisser une trace pour que d’autres puissent apprendre. »
Interrogé sur l’avenir, il sourit. « Je ne peux pas m’imaginer sans mes oiseaux. C’est ma vie. Tant que j’aurai la force, je continuerai à les élever, à les aimer, à les apprivoiser. »
Dans le tumulte de Port-Louis, sa cour reste un sanctuaire. Chaque battement d’aile, chaque chant, chaque murmure tisse une intimité singulière entre l’homme et ses oiseaux. Ici, la ville s’efface. Le monde se réduit à la chaleur d’un plumage contre une main, au frisson d’un cri qui s’élève vers le ciel, et à la douce impression que, parfois, l’homme et l’oiseau se comprennent.

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