Maurice doit-il appréhender des pénuries alimentaires – une des plus grosses craintes mondiales en ce moment – en raison de la guerre en Ukraine ? Si le pays dispose de stocks pour plusieurs mois, le risque demeure. D’où la nécessité de se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement et d’accélérer la production locale pour certains produits.
Pénuries de denrées, crise alimentaire mondiale à des niveaux jamais vus, prix qui pourraient grimper entre 8 % et 20 %… C’est ce que craignent diverses organisations mondiales – en passant par l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou encore le Programme alimentaire mondial - dans le sillage de la guerre en Ukraine. Des appréhensions qui attisent également des inquiétudes à Maurice. D’autant plus que notre île est un net importateur de produits alimentaires.
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Pour Azad Jeetun, économiste, tous les pays seront affectés s’il y a des pénuries alimentaires. « Personne n’est à l’abri ! Maurice sera lui aussi touché. Déjà, nous notons une poussée inflationniste avec les prix qui augmentent. Si la situation perdure, les denrées alimentaires coûteront encore plus cher », prévient-il. Comme le rappelle un observateur économique, l’Ukraine exporte beaucoup de produits à travers le monde. « Il est donc tout à fait logique qu’il y ait des risques de pénuries, surtout au niveau de l’huile », fait ressortir notre interlocuteur.
Eric Ng, directeur du Cabinet PluriConseil, ajoute, lui aussi, que le danger des pénuries alimentaires est un phénomène global, qui menace tous les pays, mais surtout l’Afrique, fait-il ressortir. « Le risque est bien réel. Pour l’instant, le problème ne se pose pas, car nous avons encore des stocks. Mais, les produits fournis par la Russie et l’Ukraine, qui sont deux gros producteurs mondiaux – viendront à manquer sur le marché. De même, si la guerre se termine, la Russie, surtout sous l’ère Poutine, demeurera un paria au sein de la communauté internationale. Ce qui fait que les problèmes d’approvisionnements ne vont pas disparaître de sitôt », fait ressortir l’économiste.
La Turquie et l’Égypte n’exportent plus d’huile
Du côté des importateurs, on rassure que la question de pénurie ne se pose pas pour l’instant. « Le danger n’est pas imminent. S’il ne l’est pas dans le court terme, il le sera dans le moyen, voire le long terme. Il est question de deux gros pays qui ne peuvent plus produire. Donc, il y aura moins de commodités », fait ressortir Suren Surat, CEO de SKC Surat.
Jayen Veerapen, directeur de J.M. Veerapen Ltd, est du même avis. « On en ressentira les effets d’ici trois à quatre mois si la guerre persiste. Nous allons devoir subir cette situation car nous importons pratiquement tout ce que nous consommons. Déjà en Égypte et en Turquie, ils n’exportent plus d’huile. Le Brésil – où nous importons du maïs – a doublé ses prix. Cette situation va s’aggraver dans les mois à venir », soutient-il. Jayen Veerapen craint surtout une flambée des prix. « Le blé, la farine, l’huile, le gaz sont des produits dont les prix sont appelés à grimper », indique notre interlocuteur.
Comme le fait remarquer Suren Surat, tout est une question d’offre et de la demande. Avec moins de produits sur le marché mondial, les pays riches vont mettre le prix fort au détriment des pays comme Maurice. « Nous allons donc devoir faire face à une flambée des prix et à un problème d’approvisionnement », ajoute Suren Surat. Cependant, tout n’est pas si noir. D’autres pays vont produire plus pour pallier le manque sur le marché mondial, avance Suren Surat.
Lawrence Wong, Managing Director de La Trobe Co. Ltd, est, quant à lui, confiant que Maurice ne connaîtra pas de pénurie alimentaire. « Mais, nous aurons à faire face à des problèmes d’approvisionnement. Tout le monde devra s’ajuster. Comme stratégies à adopter, il faudra se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement et constituer plus de stock », fait-il ressortir.
Maurice peut chercher d’autres marchés et utiliser les accords signés avec divers pays tels que l’Inde, la Chine ou encore certains pays en Afrique, avance un observateur économique. « Nous pouvons acheter soit des produits finis (l’huile, par exemple) ou des matières premières pour en produire à Maurice », ajoute-t-il.
Eric Ng recommande, quant à lui, la diversification de nos marchés d’approvisionnements, mais aussi de notre production agricole. « Il nous faut revoir également notre régime alimentaire », ajoute-t-il.
Quant à Azad Jeetun, il retient surtout que cette guerre nous rappelle – tout comme c’était le cas au début de la pandémie – l’importance de produire ce que nous consommons et la nécessité de venir de l’avant avec une politique de diversification agricole. Or, déplore Suren Surat, Maurice pêche en termes de sécurité alimentaire. « Le problème est d’ordre politique, peu importe le gouvernement mis en place. Il y a trop d’ingérence et un manque criant de suivi. Or, les événements qui s’enchaînent démontrent qu’il est impératif de produire ce que nous pouvons en fonction de notre climat et de notre capacité », conclut le CEO de SKC Surat.
Produits | 2020* | 2021 * |
Viande et préparations à base de viande | Rs 2,93 milliards | Rs 3,23 milliards |
Produits laitiers et œufs d'oiseaux | Rs 4,39 milliards | Rs 4,4 milliards |
Poissons et préparations à base de poisson | Rs 9,19 milliards | Rs 9,453 milliards |
Blé | Rs 1,27 milliard | Rs 2,25 milliards |
Riz | Rs 2,15 milliards | Rs 1,94 milliard |
Farine de blé | Rs 16 millions | Rs 20 millions |
Céréales | Rs 2,22 milliards | Rs 2,38 milliards |
Légumes et fruits | Rs 4,11 milliards | Rs 4,33 milliards |
Autres produits alimentaires | Rs 9,48 milliards | Rs 11,84 milliards |
* Valeur de nos importations. | ||
Source : Statistics Mauritius. |
Le saviez-vous?
L’Ukraine et le Sud-Ouest de la Russie sont considérés comme les greniers de l’Europe. Les deux pays représentent :
15 % de la production mondiale de blé et près de30 % des exportations mondiales.
Ils représentent également 80 % de la production mondiale de l’huile de tournesol. De même, l’Ukraine est le quatrième exportateur mondial de maïs.
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