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Hôpitaux sous pression : quand le patriotisme masque la crise des soignants

Le personnel des hôpitaux est davantage sous pression depuis les critiques du ministre de la Santé sur sa page Facebook.

Les critiques du ministre de la Santé Anil Bachoo contre certains employés hospitaliers continuent à faire des vagues. Syndicaliste, infirmiers et ancien cadre dénoncent un manque criant de ressources humaines et des conditions de travail éprouvantes.

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Une stratégie d’« emotional blackmailing ». C’est ainsi que Reeaz Chuttoo, de la Confédération des travailleurs des secteurs privé et public (CTSP), résume la posture adoptée par le ministre de la Santé, Anil Bachoo. Ses publications sur Facebook ont mis le feu aux poudres, déclenchant un malaise qui peine à s’estomper parmi le corps médical. Le syndicaliste déplore un manque de dialogue constructif.

Manque aigu de personnel, conditions de travail difficiles, épuisement physique et moral… Selon lui, le département Health and Safety aurait dû publier un risk assessment afin d’informer la population sur ces réalités. En vertu de l’article 12 (3) de l’Occupational Safety and Health Act 2005, beaucoup auraient pu recourir à un stoppage of work sans risquer de poursuites judiciaires, leur bien-être étant impacté.

Mais dans le secteur de la santé, cette option est illusoire, car elle se ferait au détriment des patients. Reeaz Chuttoo insiste : les soignants « doivent accepter de souffrir au détriment de leur propre santé ».
Le syndicaliste reproche au ministre de se concentrer sur quelques cas d’indiscipline pour donner l’impression que ce sont les seuls problèmes. « Il faut dissocier les cas d’indiscipline des conditions réelles de travail », précise-t-il.

Le ministre Bachoo parle de patriotisme dans l’une de ses publications. Reeaz Chuttoo réplique que c’est justement ce même patriotisme qui pousse les membres du corps médical, souvent contraints à des heures supplémentaires, parfois payées avec retard, à travailler au-delà de leurs forces, « par conscience professionnelle et par amour du métier ».

Une infirmière en poste dans un grand hôpital estime que les heures supplémentaires devraient rester un choix, et non une obligation, y voyant une forme d’exploitation : « Dans bien des cas, c’est le travail de trois personnes accompli par une seule. »

Pour elle, les critiques du ministre sont mal placées. « Si une salle dispose de son effectif complet, l’absence temporaire d’un collègue n’affecte pas le service. Mais avec deux ou trois personnes en moins, tout devient difficile. Les médecins vivent la même situation » affirme-t-elle. « Parfois, on doit travailler toute la nuit sans pause, puis couvrir d’autres services », témoigne-t-elle.

L’infirmière souligne les dangers du surmenage. Elle craint un burn-out généralisé. « Nous devons rester attentifs, sinon des erreurs médicales peuvent survenir. » Elle insiste sur la nécessité du repos, rarement possible faute de personnel suffisant. « Nou bizin trase zis pou fer sistem-la marse ek minis pa kone kouma sistem-la marse, li zis konn koze. »

Une autre infirmière dénonce le manque de recrutement et de formation, qui pèse lourdement sur le personnel et la qualité des soins. Elle regrette que l’accent ait été mis sur « les bâtiments et les nouveaux services, mais pas sur les ressources humaines », citant l’exemple du National Cancer Centre, moderne et bien équipé, mais sans effectif suffisant.

Face à cette situation, le syndicaliste Reeaz Chuttoo invite le personnel à exiger un « Risk Assessment » afin de documenter l’impact des conditions de travail sur leur santé et sur la sécurité des patients. « Dans les hôpitaux, les risques sont plus élevés que dans tout autre secteur gouvernemental », avertit-il, citant les risques psychosociaux et biologiques.

Un ancien cadre du ministère de la Santé regrette que le dialogue n’ait pas précédé les déclarations publiques du ministre. Le manque de concertation a accentué le désordre et la méfiance, conduisant les médecins à réfuter ses propos. « Déjà que la population a peu confiance dans le service hospitalier, la situation risque d’empirer », analyse-t-il.

Il considère la posture « autoritaire » du ministre comme un signe de faiblesse, une façon de « jouer sur les émotions et [de] faire croire que des mesures fortes sont prises ». Le système de santé fonctionne malgré ses faiblesses, estime-t-il, et n’a pas besoin d’être réinventé, mais simplement d’un « fine-tuning » pour améliorer ce qui ne va pas. Pour lui, l’essentiel repose sur la formation continue du personnel, notamment en matière de communication avec le public. Il plaide également pour une révision des conditions de travail et des salaires pour freiner les départs du personnel.

Il regrette que les efforts des soignants, qui font un « travail exceptionnel et très dur malgré le manque de moyens », ne sont pas suffisamment reconnus. 

Repas pas appropriés

Contraints de faire des heures supplémentaires et souvent pris au dépourvu, certains membres du personnel doivent compter sur les repas préparés par l’établissement hospitalier. Mais le manque de variété du menu, qui se répète semaine après semaine, est déploré. Les conditions de préparation sont également critiquées. Certains patients auraient même souffert de gastroentérite après avoir consommé les repas fournis par l’hôpital.

Les « Bank sessions » : un exemple des contraintes hospitalières

Le fonctionnement des « Bank sessions » illustre bien les difficultés du système hospitalier. Officiellement facultatives, ces heures supplémentaires deviennent presque inévitables face à la pénurie de personnel.
Pour les médecins, la journée standard va de 8 h à 16 h, et la rotation de nuit de 16 h à 8 h le lendemain. Parfois, ils enchaînent 24 heures de travail avant de bénéficier de deux jours de repos. Leur quota hebdomadaire théorique est de 40 heures, mais beaucoup le dépassent largement. 

Les médecins du « Casualty » sont régulièrement appelés à assurer des « Bank sessions » dans l’« Unsorted OPD », y compris lorsqu’ils sont en congé. Avec l’ouverture de nouveaux centres et la multiplication des services, certains cumulent hôpital et consultations dans les Mediclinics, accentuant la charge, surtout pour ceux du « Casualty ».

Normalement, les services de jour sont assurés par les « community physicians », mais leur nombre insuffisant oblige les généralistes à prendre le relais. Dans le département « Medical OPD », une dizaine de généralistes travaillent selon leur shift. Ceux disposant d’une qualification post-graduate en médecine interne assurent le service de jour, de 8 h à 16 h en semaine et jusqu’à midi le samedi. Même en congé, ils peuvent être sollicités pour des « Bank sessions ».

La rémunération des médecins pour ces sessions est calculée sur la base d’un taux horaire : (salaire de base x 12) ÷ (52 x 40). Une session de 4 heures équivaut à 4 fois ce taux, un service de nuit de 13 heures à 13 fois ce montant.

Pour les infirmiers, une « Bank session » correspond à un quart de travail supplémentaire d’environ quatre heures, effectué au-delà des 40 heures contractuelles hebdomadaires, payé sous forme d’allocation. Leurs shifts vont de 7 h 30 à 18 h pour le jour, et de 18 h à 7 h 30 pour la nuit. Certains travaillent 24 heures d’affilée, alternent hôpital et dispensaire, ou enchaînent jour et nuit, selon la liste de service.

En théorie, ils bénéficient de trois jours de repos par semaine. Ceux qui travaillent de 8 h à 16 h assurent également une demi-journée, le samedi, avec repos le dimanche et les jours fériés.

 

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