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Fuite des cerveaux : ce phénomène qui entrave le développement du secteur financier 

Le secteur financier est à la recherche de plusieurs centaines de talents.

De nombreux Mauriciens s’envolent vers d’autres cieux pour entamer une carrière professionnelle ou pour poursuivre celle qu’ils avaient démarrée au pays. Le secteur financier mauricien assiste, impuissant, à l’exode de ses talents. S’il ne peut pas faire grand-chose pour les retenir, c’est parce qu’il est confronté à un motif non négligeable : le salaire. 

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Les objectifs sont bien ambitieux. La Vision 2030 du gouvernement est de doubler la taille du secteur des services financiers. Pour ce faire, le ministère qui en est responsable aspire à augmenter la contribution de celui-ci au Produit intérieur brut (PIB) en termes réels pour atteindre 1,9 milliard de dollars. Cela permettra de multiplier par 1,5 le nombre d’emplois dans le secteur pour atteindre un chiffre de 17 000. 

Toutefois, un phénomène risque de jouer les trouble-fête : la fuite constante des cerveaux. Rien que l’année dernière, le secteur financier était à la recherche d’environ 1 500 personnes supplémentaires. Samade Jhummun, Chief Executive Officer de Mauritius Finance, confirme que l’exode des talents est un problème international. 

D’ailleurs, la Banque mondiale a révélé en mai dernier que le monde comptait 184 millions de migrants. « La compétence mauricienne est reconnue à l’étranger. Nos talents sont recrutés avec des salaires attrayants et c’est ce qui provoque une pénurie de main-d’œuvre dans notre secteur », explique Samade Jhummun.  

La question du salaire est sans doute un élément décisif dans le choix de ceux qui quittent le pays pour un avenir meilleur. Mokshana Poorun, directrice et Compliance Officer chez Wealth International, indique que l’attente des jeunes et la rémunération proposée par les entreprises n’est pas en adéquation dans certains cas. « Il y a souvent un décalage sur cet aspect, mais nous essayons de trouver le juste milieu », argue-t-elle. 

Cependant, elle estime qu’il est important de comparer à l’identique. Certes, poursuit-elle, les Mauriciens sont rémunérés en euros, en dollars ou dans une autre devise lorsqu’ils évoluent à l’étranger. « Mais il faut tenir compte du coût de la vie dans le pays en question. Peut-être que ceux qui partent pensent que l’herbe est plus verte ailleurs », ajoute la directrice de Wealth International. 

Activité freinée 

Une source affirme que la Financial Services Commission (FSC) subit les répercussions d’un manque de main-d’œuvre. Cela provoquerait un retard dans l’octroi de nouvelles licences, « les employés étant dépassés par la situation ». Selon les chiffres officiels du régulateur, 590 licences ont été octroyées de janvier à avril 2023. 

Interrogé à ce propos, Dhanesswurnath Thakoor, Chief Executive de la FSC, insiste sur le fait que les retards dans le processus d’octroi des licences sont principalement dus aux formulaires incomplets. « La FSC One Plateform a été mise en place pour faciliter le dépôt des demandes pour les licences. Nous recevons cependant des formulaires dans lesquels des informations importantes sont manquantes », explique-t-il. 

Cependant, la FSC n’est pas épargnée par le manque de ressources sur le marché. L’institution peine à pourvoir des postes d’actuaire et ceux liés à la fintech. « Nous avons un batch en formation pour remplir ces postes », soutient Dhanesswurnath Thakoor. 

Face à cette problématique de la fuite de cerveaux, Samade Jhummun suggère d’augmenter le nombre de professionnels sur le marché. Cela passe par la phase de la formation mais aussi par le recours à la main-d’œuvre étrangère. Le Young Professionnal Occupation Permit pourrait, par exemple, permettre aux jeunes étudiants étrangers de travailler sur le sol mauricien après leurs études. 

En chiffres

• Une cinquantaine d’employés seront recrutés sous le National Training and Reskilling Scheme (NTRS) en novembre prochain. 

• Le secteur financier a besoin de 1 000 employés supplémentaires d’ici décembre 2023.  
 

La formation comme planche de salut 

Conscient de la fuite des cerveaux dans le secteur, le Financial Services Institute (FSI) travaille en collaboration avec le ministère des Services financiers et Mauritius Finance. L’objectif, selon Lakshmi Appadoo, l’Ag. Chief Executive Officer du FSI, est de créer une réserve de jeunes talents et de les former, tout en leur permettant d’acquérir de l’expérience. 

Dans cette optique, le FSI propose gratuitement l’ACCA Level 1. Cette formation a démarré avec un premier lot de 50 personnes. Celle d’un deuxième batch commencera en janvier 2024. L’ACCA Level 1 inclut un module sur le secteur financier qui renferme les lois, les services et les produits du centre financier international mauricien. 

Toutefois, se voulant lucide, Lakshmi Appadoo admet qu’il est impossible d’empêcher les jeunes d’opter pour un centre financier international plus attrayant que Maurice. Elle précise que la Diaspora Scheme permettra à ces jeunes de rentrer au pays après quelques années d’expérience à l’étranger. 

Le FSI prévoit aussi de lancer une formation sur la conformité. Les négociations en ce sens sont en cours avec le Human Resource Development Council. « Il y a un intérêt pour les formations que nous proposons. Nous menons également conjointement avec Mauritius Finance une sensibilisation dans les écoles. Le but est d’expliquer les opportunités dans notre secteur financier mauricien », conclut Lakshmi Appadoo.   


Questions à…
Shamima Mallam-Hassam, présidente de Mauritius Finance : « Il est difficile de s’aligner avec les salaires qui sont proposés à l’étranger » 

Quel constat faites-vous du phénomène de la fuite de cerveaux au sein du secteur financier à Maurice ?
C’est un problème auquel nous faisons face au quotidien. Les talents mauriciens sont recrutés sur LinkedIn par d’autres centres financiers internationaux que sont Dubaï, Jersey ou le Singapour. Ces juridictions ont des populations vieillissantes et n’ont pas la possibilité de renouveler leur main-d’œuvre. D’où l’importation de talents. Les gens qui sont embauchés par ces centres financiers sont prêts à travailler dès le premier jour. Par conséquent, le secteur financier mauricien se retrouve dans une situation où les jeunes qui ont été formés dans le pays sont tentés par une expérience étrangère. Il y a également une politique de migration au sein de certains groupes qui opèrent dans de grands centres financiers internationaux. Celle-ci permet aux employés d’aller travailler dans un autre pays au sein du même groupe.  

Quelles sont les mesures prises par Mauritius Finance pour la rétention de talents dans le secteur ?
Chaque entreprise dispose de sa politique de rétention de talents. Celle-ci comprend des événements sociaux, le team building ou la flexibilité entre le télétravail et le présentiel. Les entreprises essaient de s’adapter aux exigences des jeunes. L’expérience étrangère joue un rôle dans le choix de ceux qui partent, tout comme le salaire.  

Les talents mauriciens sont recrutés sur LinkedIn par d’autres centres financiers internationaux que sont Dubaï, Jersey ou le Singapour."

Le salaire étant un élément incitatif, les entreprises mauriciennes peuvent-elles s’aligner avec les rémunérations proposées ailleurs ?
Il est difficile de s’aligner avec les salaires qui sont proposés à l’étranger. C’est une contrainte, mais cela pourrait détruire la masse salariale d’une entreprise. 

Lors de la deuxième édition du Financial Services Career Fair en juin dernier, Mauritius Finance soulignait qu’il y avait 1 000 postes à pourvoir d’ici fin décembre. Comment est-ce que le recrutement a évolué depuis ?
Nous avons effectivement avancé que le secteur requiert un certain nombre d’employés additionnel. Force est de constater que les grands groupes ont besoin de personnel supplémentaire pour se développer. Cependant, le manque de main-d’œuvre sur le marché est indéniable. Les entreprises sont contraintes de recruter par lots. C’est pour cela que l’emphase est également mise sur la formation via des programmes de Mauritius Finance et du HRDC, entre autres. 

Qui sont concernés par ces formations ?
Les formations dispensées sont à divers niveaux. Je fais ici référence à des diplômes pour les détenteurs d’un Higher School Certificate (HSC), mais aussi des programmes de reskilling pour les employés déjà en poste et les sans-emploi. Plusieurs personnes ont été formées jusqu’ici. Cependant, nous avons constaté une baisse d’intérêt par rapport à ces formations pour le dernier batch. Peut-être qu’il faudra revoir le programme. Je dois dire que certaines entreprises disposent également de formation en interne. Celles-ci recrutent directement les employés pour les former. Cette pratique n’est cependant pas dans l’intérêt du secteur, puisque ces firmes offrent plus que les allocations proposées pour nos programmes de formation. Il faudra revoir cette situation. 
 

 

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