
Recevoir, certes, mais avant tout donner. C’est l’essence même de Foodwise. À bord d’un imposant van réfrigéré de couleur verte, nous prenons la route vers le Sud. Dans cette région, des ONG dévouées au bien-être des enfants reçoivent des dons alimentaires, offrant bien plus qu’un simple repas : une précieuse part de dignité.
Les aiguilles pointent presque 8 h 30. Derrière les murs du siège administratif de Foodwise, à Saint-Pierre, le bourdonnement des réunions a déjà commencé, mais la responsable des opérations nous ouvre sa porte avec chaleur. Dans le parking, les deux chauffeurs trépignent d’impatience. La carte du jour déploie un ambitieux parcours : couvrir tout le Sud. Ici, chaque geste compte, chaque colis transporte bien plus que de la nourriture : il porte une promesse de dignité.

« On trace vers un fournisseur de yaourts qui préfère rester dans l’ombre. Notre job se limite à récupérer la cargaison », nous explique Jason, le regard fixé sur la route qui défile. Les portes de l’entrepôt s’ouvrent sans résistance – le véhicule émeraude de Foodwise inspire immédiatement confiance. « Roule boss », lance une jeune femme depuis son poste. Jason lui répond d’un salut amical et d’un sourire.
Le moteur ronronne tandis que le van s’immobilise face à un portail qui s’élève dans un vrombissement métallique. La récompense attend : trois palettes massives débordant de yaourts aux saveurs ensoleillées – vanille, fraise et pêche. Nous comptons les bacs : 5 litres chacun, 80 au total. Dans quelques heures, ces dons feront briller des yeux d’enfants bénéficiaires des ONG du Sud.
Les roues avalent le bitume, délaissant le centre de l’île pour l’horizon dégagé de l’autoroute. Derrière nous, la cargaison repose dans le froid contrôlé, que Jason surveille avec la vigilance d’un gardien du trésor. Notre caravane de générosité va sillonner La Flora, plonger dans Rivière-du-Poste, traverser Britannia, s’arrêter à Tyack, longer Rivière-des-Anguilles, faire escale à Chemin-Grenier, souffler à St-Aubin, contempler Souillac, parcourir Savanne, visiter Surinam et d’autres petits villages et quartiers.
« Mari larout sa, mo fer sa souvan, avan mo ti tousel, depi de semenn, mo’nn gagn enn asistan », confie Jason tout sourire. « Kan rant lakaz pa anvi fer nanye telman finn roule, me se avek plezir pou bann zanfan. Samem lespri Foodwise, nou la pou zot », souligne-t-il.
Pourquoi cette passion, lui demandons-nous. Jason échange un regard complice avec Kavish, son assistant, avant de répondre. « C’est mon gagne-pain, bien sûr, mais c’est devenu tellement plus », confesse-t-il. Kavish renchérit, sa voix vibrante de passion fraîche : « Je suis tout nouveau, mais je me passionne de plus en plus, non pas seulement pour le travail, mais pour ce que Foodwise fait pour ces enfants. Quand on va livrer des produits et quand les dirigeants et les enfants nous accueillent, je ne peux expliquer ma satisfaction personnelle, car nous étions tous des enfants, certains mieux lotis que d’autres, et cela fait chaud au cœur de faire ce job. »
Dans les coulisses de Foodwise, pas de trompettes ni de paillettes depuis le premier jour. Une mécanique discrète, comme un Resto du Cœur miniature aux rouages différents. Les dons arrivent, mais ne s’attardent jamais – collectés à l’aube, distribués avant le crépuscule à des ONG sélectionnées avec soin, selon les besoins criants et les géographies.
Le miracle économique opère en silence : Rs 200 déboursées par les ONG, juste de quoi nourrir le moteur affamé, en échange de milliers de roupies de produits. Même les aliments frôlant leur date limite, ou l’ayant discrètement dépassée, trouvent une seconde vie – encore parfaitement consommables pendant dix jours, sous l’œil averti des organisations partenaires. Au-delà de cette date, la prudence sanitaire reprend ses droits, exigeant leur disparition.
Une vraie Joie de Vivre
À Chemin-Grenier, une école pas comme les autres, une bulle parallèle au système traditionnel. Entre ces murs, des enfants de 10 à 16 ans sculptent leur renaissance. Pour eux, chaque jour est un nouveau départ – la plupart ne distinguent pas encore les lettres de l’alphabet ou les chiffres les plus simples. Sur le tableau, les contours d’un monde au niveau du Grade 1. Ne vous y trompez pas – ces apprentis de la vie sont les protégés de l’atelier Joie de Vivre dans un océan d’adversité.

Frances Townsend, la directrice au regard bienveillant, veille sur sa quarantaine de poussins avec l’attention d’une mère lionne. Sa voix douce résonne : « Nous offrons une éducation informelle comme les langues et les maths, mais à un niveau basique, car ces enfants n’ont pu suivre le système scolaire classique, académique, élitiste. »
L’atelier Joie de Vivre offre également à ces enfants des activités extrascolaires comme la musique, la pâtisserie, le jardinage, les ateliers créatifs. L’objectif : leur offrir non pas une voie unique, mais un éventail de possibilités, des métiers où leurs mains et leurs cœurs s’exprimeront pleinement. « Ici, nous leur donnons une seconde chance, nous reconstruisons, brique par brique, leur estime de soi écroulée. Nous réapprenons ensemble l’alphabet de la vie, ces fondations essentielles trop longtemps négligées. »

Comment et qui finance ce projet ? Frances Townsend répond de tout cœur à notre question : « Nous sommes une ONG, nous recevons des dons de sponsors pour le petit-déjeuner et le déjeuner de nos enfants. Ce que nous offre Foodwise est un plus. Aux premiers jours de notre aventure, certains enfants franchissaient notre seuil, l’estomac criant famine depuis la veille au soir. Comment imaginer, dans ces conditions, qu’ils puissent assimiler ce qu’on leur enseigne ? Un enfant qui a le ventre vide ne peut apprendre. »
Au moment de notre départ, les effluves de cuisine envahissent déjà les couloirs : riz, grains et rougail attendent les jeunes convives. Et pour le dessert, les yaourts tout juste livrés par Foodwise patientent au frais, assurant une semaine de douceur sucrée.

Out Growing : des mains de fée
Dans l’antre d’Out Growing, la magie opère d’abord par le toucher – des doigts experts caressent les matières premières avant que les machines ne prennent momentanément le relais, pour finalement céder la place aux fées artisanes de cette coopérative nichée à Bel-Ombre.

Franceska irradie d’une énergie contagieuse. Son sourire éclatant capture l’instant, son enthousiasme vous enveloppe comme une étreinte chaleureuse.
Ses mouvements gracieux orchestrent la danse des bacs de yaourts qu’elle aligne méticuleusement près du réfrigérateur ronronnant. « Notre coopérative bat au rythme de la communauté », explique-t-elle, les yeux pétillants de fierté. « Ces précieux yaourts vont nourrir gratuitement les villages qui nous entourent. »

Comment fait la coopérative pour survivre ? Ses mains s’animent davantage : « Nous créons, transformons, réinventons ! Ces feuilles de palmier séchées que d’autres jetteraient, nous les métamorphosons en assiettes élégantes, en bols robustes, en cendriers artistiques et tout plein d’autres choses. Voyez vous-même. »

Effectivement, l’atelier vibre d’un désordre créatif – branches sculptées, feuilles tressées, fibres entrelacées... Un ballet de matériaux naturels que l’œil profane aurait négligés mais qui, sous ces doigts experts, se transforment en trésors quotidiens. « Notre philosophie est simple », dit Franceska en caressant une feuille de palmier. « La nature offre tout, notre devoir est de respecter ses dons. Chaque création est biodégradable, chaque objet raconte une histoire de respect environnemental. »
L’attraction est irresistible, nous repartons les bras chargés : une assiette aux courbes parfaites, un bol de feuilles de palmier pressées, un panier dont les tresses racontent l’histoire de ces mains créatrices et un cendrier dont l’élégance défie sa fonction utilitaire.
Caritas de Bel Ombre : la chaleur d’une main tendue
Chaque matin de classe, 80 estomacs affamés trouvent réconfort et énergie grâce à un petit-déjeuner servi sur place, complété par un déjeuner à emporter. C’est la mission sacrée que s’est fixée Caritas de Bel-Ombre. Stratégiquement positionnée face à l’école primaire, cette oasis de générosité accueille un flot d’enfants aux yeux encore ensommeillés.
Priscille Pénélope nous dévoile les coulisses de cette opération quotidienne : « Un enfant rassasié est un esprit disponible pour l’apprentissage – cette vérité simple guide notre action depuis des années. Nos portes s’ouvrent avant les classes, offrant ce premier repas crucial. Plus tard, chaque enfant présente son contenant personnel qui se remplit d’un pain fourré et d’un dessert. Quand Foodwise et d’autres bienfaiteurs enrichissent notre garde-manger, c’est la joie qui nous envahit – non pour nous, mais pour ces regards d’enfants qui brilleront un peu plus intensément. »
Si certains savourent sur place, d’autres repas voyagent – un van parcourt les environs, distribuant les repas là où le besoin se fait sentir.
L’engagement de Caritas s’étend au-delà de la nutrition ; ses locaux accueillent également un service d’éveil pour les tout-petits de 2-3 ans, entièrement gratuit. « Notre futur service de garderie ciblera les familles où les deux parents travaillent », précise Priscille Pénélope avec pragmatisme. « Naturellement, si la mère reste au foyer, d’autres enfants plus nécessiteux prendront priorité. » Dans sa voix résonne la sagesse de ceux qui doivent gérer la rareté des ressources face à l’immensité des besoins.
Foodwise en chiffres


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