Fédération Créole Mauricien : lumière sur la collaboration Père Grégoire-Pouvoir politique

Les feux des projecteurs ont de nouveau été braqués sur la Fédération Créole Mauricien (FCM) et son président. Rappelé à l’ordre par l’église, soutenu par le gouvernement en place, Jocelyn Grégoire est-il un pion du gouvernement ? Gros plan.

L’engagement du père Jocelyn Grégoire, président de la Fédération Créole Mauricien (FCM), ne laisse pas indifférent. Comme stipulé dans le communiqué émis par le Vicaire-Général, Jean-Maurice Labour, l’implication des prêtres catholiques dans la vie active du pays est une chose assez courante. Sauf que l’engagement du père Grégoire semble être celui qui retient le plus d’attention. Depuis la création de sa fédération en 2007, le prêtre s’est retrouvé à faire la une de l’actualité au moins une fois l’an. Ses prises de position comme le retrait du terme Population Général de la Constitution et ses déclarations lors des campagnes électorales souvent perçues comme des mots d’ordre comme ce fut le cas lors des élections générales de 2010 lorsqu’il avait fait un appel à ses membres de ‘vote avek zot leker’ ou tout récemment, sa proximité avec les membres du gouvernement actuel illustre parfaitement le personnage qui semble vouloir bousculer les conventions pour faire avancer sa cause.

Profil bas

Si l’église catholique s’était jusqu’ici tenue de faire profil bas sur les prises de position du président de la FCM en évitant de lui faire des reproches publics, les choses ont aujourd’hui changé. Déjà l’année dernière, le Cardinal Maurice Piat avait pour la toute première fois sur les ondes de Radio Plus, affirmé avoir rappelé le prêtre à l’ordre en raison de son implication devenue trop flagrante lors des dernières élections générales de 2019. 

Le principe de la FCM est de travailler avec le gouvernement en place.»

Plusieurs politiciens lui avaient en effet reproché d’avoir fait campagne pour le Mouvement socialiste militant (MSM) et de s’être personnellement investi auprès de la direction de ce parti pour une investiture au profit de Sandra Mayotte, Joanna Tour ou encore Gilbert Bablee. Lors de la semaine écoulée, l’église catholique est une nouvelle fois montée au créneau en appelant le prêtre à prendre ses responsabilités après avoir participé à une cérémonie de remise de contrat de locations à plusieurs coopératives. Jocelyn Grégoire avait, lors de cette occasion, exhorté la foule à applaudir le Premier ministre, Pravind Jugnauth ainsi que ses ministres présents. « Il a cette fois-ci franchi une ligne. Ce qu’il a fait à Rose-Belle s’est révélé particulièrement embarrassante pour l’Église car il est de plus en plus en train de prendre des positions complètement contraires à l’Église », soutient un prêtre proche du Vicaire-Général. Il fait ressortir qu’au vu de la situation actuelle, précisément depuis le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, l’Église a en plusieurs occasions dénoncé la gestion du pays ainsi que les affaires de corruption. « Le Cardinal avait publiquement fait des critiques contre le gouvernement au Père Laval alors que le premier ministre était présent. Mais de l’autre côté nous avons un prêtre qui est ouvertement en train d’applaudir le gouvernement. C’est embarrassant », confie ce prêtre.

Gouvernement en place

Jean-Claude Tour, proche collaborateur de Jocelyn Grégoire, a pour sa part une lecture différente de la situation. Joint au téléphone, il ne manque pas de souligner que le principe de la FCM a depuis toujours été de travailler avec le gouvernement en place. « Nous avons, dans le passé, travaillé avec le Parti travailliste et Navin Ramgoolam. Nous avons aussi pris pour habitude de collaborer avec d’autres dirigeants politique comme Paul Bérenger dans le passé et c’est aujourd’hui tout à fait normal de travailler avec le MSM », soutient-il. Ce dernier ne cache pas que la collaboration avec le gouvernement en place se passe à merveille. « De par la nature des projets que nous sommes en train de soutenir, nous sommes évidemment appelés à travailler avec plusieurs ministres. Dont les ministres des Coopératives, de la Pêche, de l’Agro-Industrie, des Services publics, le ministre des Finances qui nous aide au niveau du financement des projets auprès de la Banque de Développement. Tous les ministères sont en train de nous aider y compris le Premier ministre. Pourquoi devons-nous le cacher ? », ajoute-t-il.

Est-ce que les résultats obtenus avec le gouvernement actuel sont-ils plus satisfaisants pour la FCM ? A cette question, Jean-Claude Tour soutient que s’il y a bel et bien eu des collaborations avec le gouvernement du PTr mais l’exercice de remise de contrat de location pour les coopératives est d’une envergure incomparable. « Oui nous avons aussi travaillé avec le Parti travailliste dans le passé mais nous n’avons jamais obtenu des résultats de cette envergure », soutient-il. Et au vu des projets que la FCM compte prochainement élaborer, tout porte à croire que cette collaboration entre la FCM et le gouvernement ne compte pas s’arrêter là. « Nous sommes actuellement en négociation pour un projet d’élevage et envisageons de créer une coopérative dans le secteur de la construction qui sera un one stop shop car le but est non seulement d’entreprendre la construction mais aussi les installations électriques et autres bricoles », ajoute-t-il.

Partage de tickets

La FCM peut-elle avoir son mot à dire auprès du MSM pour le partage de tickets auprès de ses membres ? A cette question, Jean-Claude Tour est catégorique : « Nous sommes apolitiques. Nous avons dans notre fédération plusieurs membres avec différentes convictions politiques. » Quelle a été l’implication de la FCM lors des élections générales de 2019 ? « Ma fille, Joana, est une candidate du MSM et bien entendu je ne pouvais pas demander aux gens de voter en faveur du MMM et du Parti travailliste. J’ai donc demandé de voter pour le MSM mais à l’époque je ne portais pas la casquette de la FCM mais celle d’un père », tient-il à préciser. Ce dernier ne cache pas non plus être un fervent supporter du MSM pour avoir été dans le passé conseiller municipal du MSM.

A l’Hôtel du gouvernement, plusieurs sources interrogées admettent qu’il y a une véritable volonté de collaborer pleinement avec le père Grégoire. « Il peut par exemple avoir accès facilement aux ministres et pratiquement tous les projets pour lesquels il est en train de plaider sont en train d’aboutir. Les ministres et députés font bouger les dossiers lorsqu’il le demande », soutient cette source. Cette nouvelle réapparition de Jocelyn Grégoire à Rose-Belle s’inscrit-telle dans la tenue prochaine des élections municipales ? « Le père Grégoire est depuis quelque temps beaucoup plus présent dans les régions rurales mais si sa présence peut peser en faveur du gouvernement dans quelconque échéance électorale, pourquoi pas ? », nous confie cette même source.