C’est le scénario que redoute tout chef d’entreprise : que sa compagnie soit fermée jusqu’à nouvel ordre et que tous ses employés se retrouvent en quarantaine. Une situation que vit actuellement Suren Surat, le CEO de SKC Surat. Pour lui, la santé de ses employés et de leurs familles prime. Concernant ses affaires, il ne se berce pas d’illusions : sa compagnie devrait essuyer de lourdes pertes.
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Dans sa chambre d’hôtel, Suren Surat, CEO de SKC Surat, n’a pas l’esprit au repos. Depuis vendredi, son téléphone sonne sans arrêt. Des appels avec son lot de « mauvaises nouvelles » : d’autres personnes contaminées, des membres de la famille qui viennent, eux aussi, en quarantaine, la fermeture de Food Lovers Bagatelle pour trois jours dans le cadre de la décontamination des lieux (Ndlr : la compagnie gère l’enseigne). « Le niveau de stress n’a jamais été aussi haut. Je n’ai jamais connu une situation pareille », explique Suren Surat.
Pour l’homme d’affaires, ce qui compte le plus, c’est la santé des employés, de leurs proches, bref de la « famille Surat ». « Ce triste événement nous a permis de retourner à nos valeurs. Bien évidemment, le business est affecté. Mais, on peut toujours faire des affaires. Quant à la santé, elle n’a pas de prix. Nous en avons fait l’expérience l’an dernier. La vie d’une personne est inestimable. Pour nous, la santé reste primordiale », souligne l’intervenant.
Du coup, Suren Surat s’assure tous les jours que tout le monde suit les protocoles (prise de température, etc.) et prend leur traitement. Il parle aux employés sur une base régulière, afin de leur remonter le moral. « L’inquiétude est palpable. Certains pleurent. Ils se sentent seuls, isolés dans leur chambre alors qu’ils étaient tout le temps entourés de leurs proches. Il y a d’autres qui tiennent le coup, mais ce sont leurs proches qui sont inconsolables. Ce n’est pas évident pour tout le monde », fait-il ressortir, tout en ajoutant qu’il ne peut se permettre de « baisser les bras ».
Plusieurs pas en arrière
Surtout, ajoute-t-il, qu’il a la responsabilité de 330 pères/mères de famille. Les 125 planteurs qui fournissent la compagnie en fruits et légumes sont également les victimes corolaires du déclenchement du foyer de l’épidémie de SKC Surat. « Leurs activités sont, elles aussi, à l’arrêt et ce sera ainsi aussi longtemps que nous ne reprenons pas », avance-t-il.
Pour l’homme d’affaires, cette situation est synonyme de « gros recul » pour l’entreprise. « Nous avons fait plusieurs pas en arrière. Mais, nous essayons de prendre les choses de façon positive. Comme dit le dicton, c’est reculer pour mieux sauter », soutient-il.
Mais, la situation fait quand même mal, financièrement parlant, d’autant plus que l’entreprise est spécialisée dans des produits périssables. « Nous avons tout le temps des avions et des bateaux qui viennent d’Afrique du Sud, d’Égypte, de la Grande péninsule, du Pakistan ou encore d’Europe. Pas plus tard que vendredi dernier, 14 conteneurs de fruits sont arrivés au port. Ce qui représente un total de 350 tonnes de produits d’une valeur d’environ Rs 15 millions. En considérant également notre stock actuel, cela nous ramène à Rs 20 millions - Rs 25 millions. Inévitablement, il faudra faire une croix sur un certain pourcentage de ces produits », explique Suren Surat.
Pour le CEO de SKC Surat, les pertes sèches s’élèveront à quelques millions de roupies. « Quand les produits se gâtent, il faut les jeter », souligne-t-il. Pour limiter la casse, il a, cependant, annulé les commandes et importations qui étaient prévues dans les jours à venir.
« Perte de confiance »
Suren Surat espère juste un retour à la normale après la période de quarantaine de 14 jours. « Nous comptons reprendre nos activités, mais nous savons que rien ne sera comme avant », dit-il. Et pour cause, explique-t-il, les informations à l’effet que les fruits et les légumes sont contaminés ont fait du tort à la compagnie. « Pourtant, il n’y a aucune étude scientifique qui dit que les fruits et les légumes transmettent le virus. Les autorités commencent, elles aussi, à dire que ce n’est pas possible. Mais, entre-temps, c’est entré dans la tête des gens », déplore-t-il.
Pour l’homme d’affaires, les choses vont éventuellement se calmer, mais cela prendra du temps avant « que les gens refassent confiance en nos produits ». « Certains utiliseront leur ‘common sense’, d’autres non », ajoute-t-il.
Mais, Suren Surat garde confiance que la compagnie remontera la pente. « Nous n’avons aucun doute là-dessus. Ce ne sera pas facile. On maintenait tout juste la tête hors de l’eau. Et cette situation a empiré les choses. La reprise prendra plus du temps que prévu. On a du pain sur la planche », soutient-il. Le CEO de SKC Surat dit pouvoir compter cependant sur son équipe qui est plus « soudée et motivée que jamais ». « En mars 2020, quand la Covid-19 nous a frappés de plein fouet, tout le monde a mis la main à la pâte et chacun a apporté sa pierre à l’édifice en faisant des sacrifices (Ex : les heures supplémentaires ont été supprimées), le chiffre d’affaires a baissé de 35 % car les hôtels n’opéraient pas. Nous nous sommes tous battus à cette période et nous continuerons à nous battre », a-t-il conclu.
Fiche technique de SKC Surat
- La date d’incorporation : 1985.
- Les principales activités du groupe : L’importation, la production et la distribution des fruits et légumes. La compagnie, qui compte environ 330 employés, gère parallèlement l’enseigne Food Lovers Market. Le groupe est présent dans deux pays : La Réunion et l’Afrique du Sud.
- Bref historique de l’entreprise : Au départ, Sooklall Surat, aujourd’hui décédé, cultivait et vendait des légumes au marché de Curepipe. Il sera rejoint par son fils Shyam. C’est ce dernier qui aura l’idée de faire la distribution des légumes et des fruits à travers l’île. Peu à peu, l’entreprise s’agrandit et elle sera gérée par les 13 enfants de Sooklall, soit six garçons et sept filles. Aujourd’hui, la troisième génération se prépare à prendre le relais.
Pas de voyage pendant un an
Sur les réseaux sociaux, les « fake news » vont bon train. « À titre d’exemple, on dit que je suis allé en Afrique du Sud et que je ne suis pas passé par la quarantaine en revenant car je serais « ami » avec le Dr Joomaye. Cela fait un an que je n’ai pas voyagé et je ne connais pas le Dr Joomaye personnellement », fait-il ressortir.
Messages de soutien
Environ 150 à 200 messages de soutien. C’est ce qu’a reçu Suren Surat de gens qu’il connaît, mais aussi de beaucoup d’inconnus. « Ils disent qu’ils nous soutiennent et qu’ils prient pour nous. Cela fait vraiment chaud au cœur », relate-t-il.
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