Live News

Ensemble, façonnons les villes de demain

Publicité

De Port-Louis à Curepipe, l'urbanisation croissante confronte les villes mauriciennes à des défis multiples : patrimoine à sauvegarder, espaces à revitaliser, mobilité à repenser. Au-delà des élections municipales, prévues ce dimanche 4 mai, les citoyens aspirent à des villes durables, humaines et connectées.

Port-Louis : préserver le patrimoine face à l’urbanisation galopante

port_louis
Selon l’urbaniste Zaheer Allam, préserver le patrimoine, c’est investir dans l’avenir.

« Urbanisation et patrimoine ne sont pas incompatibles », affirme l’urbaniste Zaheer Allam. À Port-Louis, cette idée est cruciale alors que la capitale mauricienne se transforme rapidement. « La modernité peut être réparatrice, mais elle doit préserver l’identité unique de la ville », insiste-t-il. L’enjeu est de taille : empêcher l’urbanisation de rayer la mémoire collective de Port-Louis.

Autour de l’Aapravasi Ghat, site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, la zone tampon souffre d’un abandon progressif. Les restrictions de hauteur, destinées à protéger ce lieu historique, compliquent la réhabilitation des bâtiments anciens. Ces derniers, souvent inoccupés ou en ruine, peinent à trouver preneur. Conséquence : des immeubles se dégradent, sont démolis et remplacés par des constructions sans caractère ou des parkings. Les maisons coloniales, avec leurs façades en pierre, corniches et balcons en fer forgé, disparaissent peu à peu. « Chaque démolition est une perte symbolique, un effacement du caractère de Port-Louis », déplore Zaheer Allam.

Face à ce défi, l’urbaniste plaide pour une urbanisation « douce », centrée sur l’expérience piétonne et la revitalisation du bâti ancien. Il suggère des incitations comme des crédits d’impôt, des exonérations fiscales ou des partenariats public-privé pour accompagner les propriétaires dans la rénovation. 

Une politique ambitieuse de régénération culturelle pourrait redynamiser les quartiers, tout en attirant les touristes et en soutenant les petits commerces. « Préserver le patrimoine, c’est investir dans l’avenir. Une ville historique stimule le sentiment d’appartenance et ravive des métiers artisanaux, comme la ferronnerie ou la menuiserie », argue-t-il.

Port-Louis, carrefour vibrant, aspire à devenir une ville à échelle humaine. Préserver son patrimoine, ce n’est pas figer le passé, mais faire de l’histoire une ressource vivante pour un avenir plus ancré. « Port-Louis mérite cette vision audacieuse », conclut l’urbaniste.

Ma ville, mon rêve

« Une ville plus propre. Moins de violence. Nous sommes tous en train de survivre. On ne vit plus vraiment ici, on tient le coup. » : Laval, père de famille, Pailles, ward 2

« Port-Louis est à l’abandon. Certains quartiers sont bichonnés, d’autres oubliés. On ne demande pas des miracles, juste des routes dignes, un peu de lumière, un minimum de contrôle. Toute la ville mérite des infrastructures, pas seulement les vitrines. » : Jean-Paul, habitant de Port-Louis

« Je rêve d’une ville vivante, dans tous les sens du terme. Port-Louis devrait redevenir un espace respirable, avec des infrastructures entretenues et des drains nettoyés. Trop de quartiers sont laissés à l’abandon. On mérite mieux. Mon rêve ? Une ville verte, où la végétation reprend ses droits, avec des arbres, des jardins valorisés, des coins où s’asseoir, où vivre vraiment. » : Eddy, habitant du ward 6

« Trop de jeunes tombent dans la drogue. Le sport, c’est la seule issue. Port-Louis manque cruellement d’infrastructures sportives accessibles. On parle de prévention, mais il faut des terrains, des gymnases, des activités. Si on investit là-dedans, on sauve des vies. C’est aussi simple que ça. » : Kanen, chauffeur et père de famille

Vacoas-Phoenix : réinventer des espaces communautaires vibrants

vacoas
L’enseignant Rupendra Padaruth rappelle qu’une ville se bâtit avec des être humains, non des murs.

Ce 4 mai, Vacoas-Phoenix se tient à un carrefour. Les municipales ne sont pas qu’un vote : elles sont une chance de redessiner une ville où chaque habitant compte. Au cœur de cette transformation, un défi brûlant : faire des espaces récréatifs et communautaires des lieux de vie, d’espoir et de connexion. Rupendra Padaruth, enseignant au collège John Kennedy et résident depuis 46 ans, appelle à une vision centrée sur l’humain.

Rupendra Padaruth critique l’état des centres récréatifs, souvent neufs mais sous-exploités, voire abandonnés. L’investissement se limite au béton, sans animation ni encadrement pour donner vie à ces espaces. Cette lacune aggrave la détérioration de la jeunesse, confrontée à une montée alarmante de la consommation de drogues, désormais omniprésente, même dans les quartiers réputés calmes. Les centres communautaires, censés être des remparts, restent vides, laissant les jeunes sans repères ni lieux sûrs pour se construire.

Les familles, elles, sont dépassées. L’enseignant refuse de les blâmer, soulignant la complexité d’une époque où les parents, débordés, peinent à accompagner des enfants évoluant dans un monde instable. Pour lui, l’absence d’activités structurées crée un vide dangereux, propice aux dérives.

Pour redonner vie à Vacoas-Phoenix, Rupendra Padaruth propose des solutions concrètes : un forum d’écoute réunissant jeunes, parents, associations et élus pour co-construire des projets ; des compétitions sportives variées, au-delà du football, incluant volley, badminton ou judo, et des activités artistiques pour canaliser l’énergie des jeunes ; des ateliers et campagnes de sensibilisation pour renforcer l’inclusion et la responsabilité sociale. Une ville, dit-il, se bâtit avec des êtres humains, non des murs. 

Le 4 mai, les citoyens choisiront-ils une vision de proximité et d’inclusion, faisant de Vacoas-Phoenix un modèle de communauté vivante, portée par l’engagement de ses habitants ?

Ma ville, mon rêve

« Je rêve d’une ville sans embouteillage, avec un meilleur système de drains. Fini les inondations, place à une circulation fluide, pratique et plus sereine. » : Naseed, boutiquier habitant La Caverne

« Il nous faut des infrastructures routières solides et plus de sécurité. J’aimerais aussi voir plus d’espaces verts, des jardins et des coins de détente pour les enfants et les personnes âgées. » : Ashish, résident de Vacoas-Phoenix

« Je rêve d’une ville propre, mieux entretenue et accueillante. Un lieu paisible où la drogue ne trouvera plus sa place, ni dans les rues, ni dans les vies. » : Anise Tatur, écrivaine, habitante de Vacoas

Curepipe : revitaliser une ville en sommeil

curepipeCurepipe, la « ville lumière », s’éteint doucement. Son centre-ville, jadis vibrant, se vide, les commerces périclitent, et la vie culturelle s’efface. Steve Ramsamy, artisan garnisseur de 61 ans, et Sadhna Sokhal, entrepreneuse dans la bijouterie, dressent un constat sans fard. 

Steve Ramsamy offre une vision concrète pour réveiller Curepipe en misant sur des espaces dynamiques, une économie locale réinventée et l’engagement citoyen. « Nous avons une longue route à faire… » soupire ce natif de Curepipe. Il rêve d’espaces commerciaux modernes, comme Bagatelle, où les familles pourraient se divertir et se restaurer. « Ici, il n’y a rien de tel, les gens vont ailleurs », regrette-t-il.

Les transports, limités en soirée, freinent l’animation. « Pour une ville vivante, il faut des bus tardifs, surtout le week-end », propose-t-il. Il critique les fast-foods exigus : « On commande et on mange chez soi. Il faut des lieux conviviaux pour les familles. » Ces espaces offriraient aux jeunes des alternatives à la drogue, selon lui.

Il suggère également un festival mensuel de street food. « Ça rassemblerait les gens, animerait les rues et encouragerait les commerces à ouvrir tard », explique-t-il. La foire, réduite aux mercredis et samedis, doit être revitalisée, idéalement rapprochée du centre. Passionné de musique, il imagine des kiosques pour artistes locaux : « Ailleurs, ils animent les rues. À Curepipe, ils sont coincés dans les hôtels. » 

Il propose aussi une salle de concerts, dont les recettes financeraient l’entretien. Les bâtiments délabrés doivent être rénovés pour redonner du charme à la ville. Enfin, il plaide pour des comités de quartier : « Rencontrer les élus est difficile. Avec des réunions mensuelles, nos idées seraient entendues. »

Sadhna Sokhal, 60 ans, insiste sur la responsabilité citoyenne : « Il est temps de sortir de l’assistanat et d’agir. » Elle déplore l’abandon de la taxe municipale, privant la ville de moyens. « Si vous payez, vous exigez des rues propres », dit-elle. Elle propose d’impliquer les jeunes chômeurs dans la rénovation ou la plantation d’arbres. L’insécurité après 18 heures, due à un mauvais éclairage et des buissons, l’inquiète.

Elle suggère de rénover ou démolir des bâtiments comme l’hôtel Europa, en sanctionnant les propriétaires négligents. Pour elle, le marché central doit être modernisé pour rivaliser avec la foire de Forest-Side.

Elle propose un entrepôt pour trier et redistribuer les vieux objets, et un lieu pour inhumer les animaux de compagnie, préservant l’hygiène.

Ma ville, mon rêve

« Je veux que Curepipe soit un endroit meilleur, propre, et surtout à l’abri des personnes sous l’emprise de la drogue, un phénomène qui prend de l’ampleur dans notre ville. » :: Visham Bucktawar, 27 ans, fleuriste

« Il est temps que Curepipe devienne une ville attrayante, agréable et lumineuse. Il faut entreprendre des rénovations, repeindre les bâtiments, planter des fleurs… Actuellement, ceux en charge du développement semblent dépassés, et la ville est laissée à l’abandon. » : Jugdish Lodoy, 74 ans, retraité 

« Il nous faut un lieu décent pour vendre nos produits. Nous exerçons sur les trottoirs par nécessité, pour subvenir aux besoins de nos familles. Il est temps de nous régulariser, au lieu que nos articles soient saisis. » : Stéphanie Mootoosamy Lazars, 36 ans, marchande ambulante

« Je souhaite une ville plus sûre pour nos enfants, nos aînés et nous tous. Ils devraient pouvoir sortir sans crainte, de jour comme de nuit, et profiter de lieux paisibles comme les jardins. » : Nitin Deegamber, 41 ans, électricien

Beau-Bassin/Rose-Hill : insuffler vie à la ville verte

bbrh
Adi Teelock regrette que la cour du Plaza soit le dernier espace vert de Beau-Bassin/Rose-Hill.

Au-delà des municipales, Adi Teelock, écologiste de Beau-Bassin/Rose-Hill, appelle à un sursaut écologique. « Vivement un retour à la verdure par une végétalisation des villes ! » lance-t-elle, déplorant la perte, en 2018, de la Promenade Roland Armand et du Jardin Bijoux, sacrifiés pour le Metro Express. Les flamboyants, jacarandas, bancs ombragés et chemins piétons ont disparu, ne laissant que la cour du Plaza comme espace vert public. L’infrastructure massive du métro a défiguré le centre de Rose-Hill, selon elle.

Si les centres des villes sœurs restent relativement propres, Adi Teelock réclame plus de poubelles sur les axes fréquentés, et des collectes d’encombrants plus régulières, notamment pour les quartiers défavorisés. Elle suggère que la voirie utilise des broyeurs de déchets verts pour produire du paillage, et installe des bennes de tri dans des lieux stratégiques. 

Pour contrer les effets du changement climatique, elle propose que chaque nouveau bâtiment intègre des structures d’ombrage et des systèmes de récupération des eaux pluviales, obligatoires pour les façades sur rue. Les propriétaires d’immeubles existants devraient être incités à suivre cet exemple, et ceux causant des ruissellements ou obstruant les drains, adaptés. Les parkings devraient adopter des revêtements perméables pour réduire chaleur et inondations.

Adi Teelock critique les pistes cyclables pilotes, un « greenwashing » coûteux, et prône des initiatives sincères. Elle imagine des îlots verts publics comme refuges frais et des jardins urbains communautaires pour encourager l’agriculture, l’éducation écologique et la convivialité. Malgré les craintes de vols, elle insiste pour tester ces projets. « Il faut dynamiser la vie collective, initier les enfants au jardinage et produire des légumes sains », affirme-t-elle, plaidant pour des espaces qui respirent et rassemblent.

Ma ville, mon rêve

« Mon rêve serait d’avoir un marché moderne en béton comme ceux des villages avec un food court et, bien sûr, avec une bonne canalisation des eaux de pluie. Le marché actuel est vieux. Il a été bâti durant l’ère coloniale. Les structures sont abîmées. Le nouveau marché devrait être construit au même endroit que l’actuel. » : Stéphan, polling agent

« Je rêve d’un embellissement de la ville avec davantage d’arbres et de fleurs. La ville a besoin de végétation. Il lui faut aussi une maintenance adéquate. Que les rues soient nettoyées et que des poubelles soient placées un peu partout. Du supermarché Carrefour Express à la station-service Engen, il n’y a aucune poubelle municipale. Il faut aussi réparer les trottoirs. » : Tomy Allard-Heekeng, employé dans le secteur légal

« Je rêve d’une piste de modélisme sur un grand terrain asphalté et clôturé avec de l’électricité et un espace pour les pilotes. Si on peut aussi avoir une piste off-road, tant mieux. Cela fera un divertissement pour les jeunes de la ville au lieu qu’ils se tournent vers des choses négatives. Ça leur apprendra à faire de la vitesse sans se blesser et cela leur imposera de la discipline grâce aux règlements. » : Jovanni Appasamy, RC Lovers Model Club

Quatre-Bornes : repenser la mobilité à l’échelle humaine

quatre borne
Selon l’urbaniste Zaheer Allam, il faut pouvoir relier le métro aux bus, aux pistes cyclables, aux trottoirs sécurisés.

Embouteillages quotidiens, trottoirs envahis, piétons relégués sur la chaussée… À Quatre-Bornes, les habitants font face à une mobilité urbaine saturée. Pour l’urbaniste Zaheer Allam, cette situation résulte d’une urbanisation rapide et morcelée, non accompagnée d’une refonte stratégique de l’espace public.

« La pression ne vient pas que de l’intérieur de la ville, mais aussi de son environnement immédiat : Smart Cities, projets immobiliers, villes voisines en expansion. Tout converge ici sans qu’un système cohérent d’aménagement n’ait été mis en place », explique-t-il.

Si le Metro Express constitue un atout, il ne suffira pas à transformer la mobilité s’il reste isolé. « Il faut résoudre le problème du ‘dernier kilomètre’ : relier le métro aux bus, aux pistes cyclables, aux trottoirs sécurisés. C’est la clé d’un réseau interconnecté. » Cette intermodalité favoriserait l’abandon progressif de la voiture individuelle, aujourd’hui omniprésente.

Zaheer Allam propose une reconfiguration de la ville autour des mobilités douces : marche, vélo, trottinette électrique. Cela passe par la création de pistes cyclables sécurisées, de zones piétonnes attractives, de stations de vélos partagés, et d’un réaménagement des rues pour donner la priorité aux usagers vulnérables.

Il appelle aussi à penser au-delà des infrastructures de transport : « Pour que les gens restent en ville et y vivent à pied, il faut une ambiance urbaine agréable. » Cela suppose une offre culturelle, des espaces verts, une scène culinaire accessible, du logement de qualité et des commerces de proximité. Une ville vivante et accueillante.

Inspiré du concept de la ville du quart d’heure, qu’il a contribué à développer à la Sorbonne, il prône une organisation urbaine où l’essentiel — travail, école, soins, loisirs — est accessible en 15 minutes à pied ou à vélo. Cela réduit la dépendance à la voiture, désature les routes, et renforce le tissu local.

Au-delà, il y a un enjeu de santé publique. « Une ville pensée pour la voiture produit de la pollution de l’air, du bruit, de la chaleur urbaine, et détruit les espaces verts. Elle favorise la sédentarité, le stress, et l’isolement. » Inversement, une mobilité douce encourage l’activité physique, la convivialité et un environnement plus sain.

Pour l’urbaniste, Quatre-Bornes peut évoluer rapidement si elle adopte une vision claire et une participation citoyenne active. « Il faut une cohérence entre ambition, action et adhésion des habitants. » Et d’imaginer une ville où l’on se déplace à pied par plaisir, où l’on prend le temps de vivre, de discuter, de flâner. Une ville tournée vers la vie, et non vers la seule consommation.

Ma ville, mon rêve

« En tant que jeune de 18 ans qui va voter pour la première fois aux élections municipales, je rêve d’un projet qui embellirait la ville de Quatre-Bornes et la rendrait plus vivante. Surnommée la ville des fleurs, elle mérite un vrai parc écologique, un espace vert moderne où l’on pourrait se détendre, faire du sport, organiser des activités culturelles et surtout protéger la nature. Ce lieu serait aussi un symbole pour nous les jeunes, un endroit où on pourrait s’exprimer et s’épanouir. Je rêve d’une ville qui écoute ses jeunes et leur donne les moyens d’agir pour l’avenir. Un autre espace à valoriser serait l’Orchard Centre, un endroit fréquenté par les jeunes, surtout après l’école, afin de le rendre plus moderne et accueillant. Cela permettrait non seulement aux jeunes de se divertir, de se relaxer après les cours, mais aussi d’y intégrer, par exemple, une bibliothèque avec un espace dédié, qui permettrait aux élèves de se rejoindre, de travailler en groupe ou seuls et d’avoir accès à des ressources technologiques tout en conservant des zones de détente et de loisirs. » : Anne-Julie Eléonore, 18 ans et étudiante 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !