
Atteinte d’endométriose, Adrienne Barbe partage son combat à travers des vidéos et des témoignages pour briser les tabous. Entre danse, sensibilisation et résilience, elle appelle à un meilleur accompagnement.
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Le souvenir est encore vif. De ces moments où son corps devenait son pire ennemi : les crampes menstruelles déchirantes, ces douleurs abdominales qui la clouaient au lit, les migraines lancinantes et ces pertes vaginales inexplicables… Autant de signaux d’alarme qu’Adrienne Barbe ne savait pas interpréter à l’adolescence. « Je pleurais tellement les douleurs étaient insupportables, et je sentais que je partais dans les vapes. Je me sentais étrangère dans mon propre corps, mais je ne comprenais pas ce qui m’arrivait », confie la Marketing Executive pour une plateforme de recrutement en ligne.
Le cabinet du premier gynécologue qu’elle consulte devient le théâtre d’une annonce traumatisante. Une anomalie sur son ovaire droit – un kyste ressemblant à une « boule en chocolat ». « J’ai fondu en larmes. Qu’est-ce qu’un kyste qui ressemble à une boule en chocolat ? Comment cela affecte-t-il mon utérus, mes hormones et ma capacité à procréer ? » Le gynécologue lui parle également d’endométriose.
À 19 ans, perdue dans le dédale médical, elle se raccroche à l’espoir d’un second avis. Le nouveau spécialiste lui explique qu’une intervention chirurgicale pourrait confirmer l’hypothèse d’une endométriose. « On va d’abord essayer de résorber ce kyste avec des médicaments », lui propose-t-il. Mais les mois passent, les douleurs s’intensifient, et les traitements restent sans effet.
« J’ai dû me préparer, à 19 ans, à subir une intervention chirurgicale assez ‘hardcore’ », raconte-t-elle. La scène est gravée dans sa mémoire – allongée sur un lit d’hôpital, entourée de sept personnes en blouse blanche, ses parents en larmes à ses côtés. Cette image figée, juste avant que l’anesthésie ne l’emporte, marque un tournant dans sa vie.
La laparoscopie, qui permet d’enlever le kyste mais lui laisse trois cicatrices, révèle ce que les médecins soupçonnaient : des tissus blancs stagnants sur son utérus, signature caractéristique de l’endométriose. Le diagnostic tombe comme un couperet, bouleversant son monde.
« À l’époque, il n’y avait pas ChatGPT, et les réseaux sociaux n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui. On avait peu d’informations, peu de témoignages », se souvient-elle. Son père et elle se plongent dans les rares documents disponibles, cherchant désespérément à comprendre cette maladie encore méconnue.
La vie reprend son cours, mais l’endométriose n’abandonne jamais vraiment. Vers 28-29 ans, le ciel s’assombrit à nouveau quand les médecins découvrent un deuxième kyste, cette fois sur l’ovaire gauche. « C’était comme un nouvel organe qui s’était formé », décrit-elle, en évoquant ce kyste mesurant 8 par 12 centimètres. Plus sournois encore, ce kyste se manifestait différemment – par des douleurs dorsales intenses qui l’obligeaient à porter une ceinture lombaire et consulter un chiropracteur.
« Pendant tout ce temps, j’ignorais que c’était lié à l’endométriose. Ce kyste qui grandissait jour après jour appuyait sur un de mes nerfs, provoquant des douleurs sciatiques tellement intenses que je ne pouvais plus travailler », explique-t-elle, encore stupéfaite par cette manifestation inattendue de la maladie. La deuxième intervention laisse six cicatrices sur son corps. Mais cette fois, armée de dix ans d’expérience et de connaissances, Adrienne affronte l’épreuve différemment.
« J’étais presque détendue lors de la seconde opération. Je connaissais le processus, je plaisantais même avec le personnel médical », se rappelle-t-elle avec un sourire. « Le fait de savoir et de s’être documentée après autant d’années m’a préparée à l’opération, car aucun médecin ne vous y prépare vraiment. »
Un quotidien en mode « swing »
Aujourd’hui, l’endométriose dicte le rythme de sa vie quotidienne. « Je suis en mode ‘swing’ au quotidien », admet-elle. Sous traitement hormonal depuis sa première opération, elle jongle entre les facettes personnelles et professionnelles de son existence. Derrière son sourire et son apparente force se cachent parfois une fatigue écrasante et des douleurs insidieuses. « L’endométriose atrophie les muscles, provoque des douleurs atroces, des indigestions », énumère-t-elle.
Pour Adrienne, il est essentiel de s’informer, de se préparer mentalement et, si nécessaire, de suivre une thérapie psychologique, car c’est une épreuve très difficile. « Si vous n’êtes pas forte mentalement, vous n’allez pas pouvoir faire face à cette maladie », insiste-t-elle.
Son alimentation est devenue un combat quotidien. « Je ne peux même pas me permettre un milkshake, alors que c’est mon rêve, tout comme manger un briani », confie-t-elle avec une pointe de regret. Les produits bio et une alimentation stricte font partie intégrante de sa stratégie de survie, un investissement financier et émotionnel considérable. « C’est un sacrifice de vie », dit-elle sans détour. Les répercussions s’étendent à sa vie de couple, à son humeur, à son cercle social qu’elle a dû restreindre en raison de l’incompréhension que suscitent les contraintes de l’endométriose, à cette sensation parfois de vieillir prématurément.
Pourtant, Adrienne résiste. Dans l’obscurité de la maladie, elle cherche constamment des sources de lumière. La danse, passion de son enfance, devient sa thérapie. « J’essaie de trouver la lumière dedans car cela m’aide à penser à autre chose et non à mes problèmes quotidiens », explique-t-elle. Le sport intensif étant déconseillé, elle s’oriente vers des pratiques plus douces comme le yoga et la méditation, adaptées à son déséquilibre hormonal.
Comédienne malgré elle, elle promène dans le monde un sourire qui dissimule une réalité fracturée. Certaines semaines, le corps et l’esprit capitulent simultanément. Malgré son cercle amical, Adrienne révèle cette dualité qui la caractérise : sociable en public mais profondément différente dans l’intimité, où seul son cercle familial restreint perçoit sa véritable réalité. « À force de donner énergie, paroles et soutien aux autres, j’atteins parfois mes limites », confie-t-elle, soulignant l’importance cruciale de s’accorder du « temps pour soi ».
Si son traitement apporte un soulagement, elle doit rester constamment médicamentée pour contrer les nombreuses complications de l’endométriose. Face à l’avenir et aux questions de fertilité, elle garde une attitude pragmatique : « On verra par la suite ce qui va se passer », puisant sa force dans sa spiritualité. « J’essaie d’être positive, car si on ne l’est pas, on sombre dans la dépression. »
Le soutien de son compagnon constitue pour Adrienne un pilier fondamental. La compréhension mutuelle est non négociable pour qu’une relation survive à cette épreuve, estime-t-elle. Son partenaire et ses proches forment autour d’elle un cercle de protection essentiel. « Je souhaite à toutes les filles et les femmes d’être aussi bien entourées, car l’isolement mène inévitablement à la dépression. »
Elle s’inquiète pour ces nombreuses femmes qui sombrent psychologiquement, isolées face à leur douleur. « Je souhaite que la société soit attentive et compréhensive envers les femmes qui souffrent de l’endométriose sans le savoir. » Cette maladie se manifeste différemment selon les femmes. « Dans notre association Living with Endometriosis, nos rencontres créent des espaces d’échange entre femmes de tous âges. Ces moments de partage me montrent clairement que, même sur les réseaux sociaux, les symptômes varient considérablement d’une femme à l’autre. » Elle-même souffre principalement de troubles digestifs, accompagnés de migraines intenses et de douleurs abdominales persistantes.
Dans la foulée, elle s’insurge contre cette croyance populaire véhiculée par les mères et tantes : « Non, souffrir pendant ses règles n’a rien de normal ! » Elle implore également les partenaires d’offrir leur soutien. « Accompagner ces femmes est crucial, qu’il s’agisse d’un soutien physique, psychologique ou mental », insiste-t-elle, rappelant que cette maladie invisible consume pourtant ses victimes quotidiennement.
« #Vey to zafer »
Le vide ressenti lors de la découverte de sa maladie a été le déclencheur de son engagement vidéo sur l’endométriose. « Un médecin n’est pas un psychologue », souligne-t-elle avec conviction. « Personne ne vous prépare à ce combat quotidien et mental qu’est l’endométriose. » À travers ses vidéos, elle mobilise sa force mentale et ses talents de communication pour soutenir d’autres femmes. Sur sa page TikTok, elle partage son parcours d’« endo warrior » avec une philosophie claire : « If you stay silent, no one will help you. »
Ses témoignages vidéo ont suscité de nombreuses réactions parmi les femmes concernées. Parmi ses créations les plus populaires figure « #Vey to zafer », une série de quatre épisodes où elle aborde spontanément différentes questions de société. Ce concept a été initié par @astuces de Karen, elle-même atteinte du syndrome des ovaires polykystiques (PCOS). La vidéo a été réalisée et montée avec l’aide de son mari.
Dans « #Vey to zafer », elle affirme que personne ne peut la juger sans avoir vécu son expérience. Ses messages s’adressent non seulement aux femmes atteintes d’endométriose, mais également à leur entourage. « Je veux sensibiliser les conjoints, les proches et les parents qui manquent d’informations sur cette maladie. Il est crucial d’en parler davantage et d’accompagner ces femmes qui découvrent leur pathologie. » Pour elle, cultiver une attitude positive est essentiel pour inspirer les autres.
Adrienne révèle qu’elle continue de découvrir des aspects de cette maladie qu’elle a mis des années à accepter. Elle exhorte les femmes à persévérer et à garder confiance : « Il existe une lumière au bout du tunnel. Ne croyez pas que vous ne pourrez jamais avoir d’enfants ou que le traitement vous fera forcément grossir. » Si l’endométriose fait perdre du poids à certaines femmes, d’autres, comme Adrienne, prennent des kilos difficiles à perdre. « Je fais partie de celles qui ne parviennent pas à maigrir à cause de la maladie », confie-t-elle. « Mais si je me sens bien dans ma peau et que mon compagnon m’aime comme je suis, l’opinion des autres m’importe peu. »
Pour elle, s’aimer et s’accepter est fondamental – un message qu’elle souhaite transmettre à toutes les femmes. Elle souligne également l’importance d’accepter la maladie, puisqu’il est impossible d’en maîtriser les symptômes. Pour améliorer la prise en charge de l’endométriose, elle préconise davantage de campagnes de sensibilisation. « Cette maladie invisible ne doit pas être sous-estimée, car elle est extrêmement grave », insiste Adrienne Barbe.

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