Emmanuel Macron : «Faire de l’océan Indien un trait d’union entre Paris et Port-Louis»

Lors de sa visite officielle à Maurice, Emmanuel Macron a appelé à renforcer la coopération franco-mauricienne. Il a souligné des défis communs majeurs : protection de l’océan, intégration régionale et sécurité collective.

Lors de l’inauguration de la nouvelle ambassade de France à Telfair, vendredi, le président français Emmanuel Macron a replacé la relation franco-mauricienne au cœur des enjeux géopolitiques, climatiques et économiques du Sud-Ouest de l’océan Indien. En visite officielle de 24 heures dans l’île, la première d’un chef d’État français depuis trente-deux ans, Emmanuel Macron a délivré un discours dense, multipliant les références historiques, culturelles et stratégiques pour souligner « un avenir partagé ».

Emmanuel Macron a insisté sur le caractère exceptionnel de ce déplacement, rappelant « qu’un président de la République française n’était pas venu depuis 32 ans ». Devant des représentants des institutions mauriciennes, de la Commission de l’océan Indien (COI) et de l’Indian Ocean Rim, le président a tenu à remercier ses hôtes pour leur « accueil », leur « hospitalité » et la qualité des échanges, tout en saluant la présence du Premier ministre mauricien.

La visite, a-t-il souligné, s’inscrit dans un contexte mondial marqué par « énormément de défis », en particulier pour la région. Le président français a longuement évoqué l’histoire commune, affirmant que les liens unissant la France et Maurice s’inscrivent dans « trois siècles d’amitié, de respect, de confiance ». Il a décrit une relation influencée par « le ressac du temps », en soulignant la persistance du français dans l’île malgré la période coloniale britannique. « Vous nous avez fait le plus beau des témoignages d’amour en préservant notre langue », a-t-il déclaré, qualifiant Maurice de « pays parmi les plus francophones du monde ». À ses yeux, la vitalité de cette langue est le symbole d’un « syncrétisme » mauricien fondé sur le respect entre religions et communautés.

Évoquant la présence de 15 000 à 18 000 Français installés à Maurice et des « 400 000 touristes » annuels, Emmanuel Macron a présenté cette communauté comme un « ancrage » du partenariat bilatéral. Il a également salué les six établissements scolaires français de l’île, les réseaux culturels, les équipes de l’ambassade et les nombreux acteurs économiques contribuant, selon lui, à « faire vivre la relation ».
Le chef de l’État français a articulé son discours autour de trois grands défis : la protection de l’océan, l’intégration économique et la sécurité régionale.

Le premier défi, celui de la préservation des mers, a occupé une place centrale. Le président a rappelé la signature par Maurice du traité sur la biodiversité en haute mer issu de la conférence de Nice, qualifiant ce pas de « révolution pour le droit de la mer ». Saluant le rôle « moteur » de Port-Louis, il a insisté sur la nécessité d’en assurer désormais la mise en œuvre par des coopérations scientifiques et techniques. Il a évoqué à plusieurs reprises la lutte contre le plastique, citant le travail conjoint entre Maurice, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et des partenaires tels que Plastic Odyssey. Il a inscrit cette coopération dans un cadre multilatéral impliquant la COI, l’Union européenne et l’Agence française de développement. « Préserver notre mer et en particulier l’océan Indien », a-t-il insisté, relève selon lui d’un « multilatéralisme efficace » auquel les deux pays adhèrent.

Intégration économique

Le deuxième défi identifié est celui d’une intégration économique, culturelle, linguistique et éducative renforcée entre les îles de la région. Emmanuel Macron a souligné la dépendance persistante des États insulaires aux importations, malgré l’existence de « ressources naturelles et de savoir-faire exceptionnels ». Il a évoqué les risques pesant sur la sécurité alimentaire, citant la situation de Madagascar et les « fragilités » régionales. Le président a mis en avant les accords signés en matière de blé et de sucre, ainsi que les stratégies de souveraineté alimentaire développées par La Réunion. Il a également évoqué les domaines de coopération prioritaires : intelligence artificielle, numérique, services financiers, économie bleue, recherche scientifique ou encore formation professionnelle.

Sur ce dernier point, Emmanuel Macron a insisté sur l’importance des réformes éducatives déjà engagées, dont la filière bilingue français-anglais et la possibilité de passer les BTS à Maurice. Il a salué les partenariats universitaires, notamment en botanique, ainsi que la place de la littérature mauricienne dans la francophonie contemporaine, citant les écrivaines Nathacha Appanah et Ananda Devi, toutes deux récompensées ou reconnues en France.

Enfin, le troisième défi évoqué est celui de la sécurité collective. Le président a souligné « le même souci de stabilité » partagé par Paris et Port-Louis, et s’est inquiété des menaces qui pèsent sur l’océan Indien : pêche illégale, trafics, piraterie, migrations clandestines, marées noires. Il a décrit la région comme un espace traversé à la fois par les grandes routes commerciales mondiales et par des routes de trafics migratoires et de drogue venant d’Afrique australe ou d’Asie centrale. Pour y répondre, la France et Maurice ont, selon lui, renforcé leurs patrouilles, mutualisé leurs moyens de remorquage et développé des opérations conjointes de surveillance maritime et aérienne. Un accord signé à l’occasion de la visite doit appuyer cette coopération par un partage d’informations et une planification commune. « La France et Maurice sont au cœur de ce nœud de connectivité dans la région, qui est si important pour le commerce, pour l'énergie. Et ensemble, nous voulons renforcer ces liens », a-t-il avancé.

Il a réaffirmé la volonté de Paris et Port-Louis de faire de l’océan Indien « un trait d’union et non une frontière », en misant sur la solidarité, la circulation et la protection des biens communs. Une ambition qu’il souhaite inscrire dans la durée, au-delà du caractère symbolique de cette visite rare d’un président français à Maurice.