Le nombre de femmes actuellement en prison est de 159, une minorité par rapport au nombre de détenus. Si au niveau de la justice, elles subissent les mêmes peines que les hommes, le jugement de la société envers elles semble plus sévère. Tour d’horizon…
Ce fait divers a défrayé la chronique et bousculé les esprits. Il y a plusieurs mois, à Bambous, une mère était accusée d’avoir aspergé d’alcool sa fille et tenté de la brûler vive. Quelques jours plus tard, la mère a été arrêtée. Ces voisins lui jettent la pierre et l’histoire devient le talk of the town. Elle est vilipendée, même si la justice lui a accordé la liberté conditionnelle, donc le bénéfice du doute. Seule la justice pourra déterminer sa culpabilité. N’empêche : « C’est une criminelle », peut-on lire sur les réseaux sociaux.
Pour Catherine Boudet, docteur en Sciences politiques, la société est définitivement plus sévère envers les femmes qui font la une des faits divers. « Nos jugements sont bien plus sévères. On s’attend à ce que la femme soit un modèle, se comporte convenablement en société. On tolérera plus les écarts d’un homme, car la femme est supposée être la gardienne de nos valeurs. Ainsi, en cas d’adultère : la société estimera que l’homme exprime sa virilité ou affirme son machisme quand il a une maîtresse. La femme, elle, sera clouée au pilori si elle a un amant. »
«Gardienne des valeurs»
Il en serait de même pour divers délits mineurs, vols et corruption : « Les gens condamneront davantage la femme que l’homme, car on ne s’attend pas à ce qu’elle commette de tels actes. Si les actes de corruption ont été longtemps tolérés, les mentalités changent et les autorités prennent des mesures et des sanctions radicales. La sévérité des peines pour la corruption s’additionne à l’opprobre que subit la femme, car ce faisant, elle viole les valeurs qu’elle est supposée préserver et transmettre. »
Le sociologue Jay Ramsaha exprime un avis mitigé. « En sociologie et en criminologie, la femme est représentée comme étant le sexe faible. La réalité est tout autre, car dans beaucoup d’aspects, elle est l’égale de l’homme. Idem pour les crimes. Si le crime a été commis au sein de la famille, la société évoquera la légitime défense, en arguant que la femme a, soit voulu se protéger, soit protéger ses enfants. Le criminel mâle, lui, subira le courroux du public qui ne manquera pas d’exprimer sa colère sur le web et sur les ondes radio. » Les médias ne font pas de cadeaux aux femmes incriminées ou complices. On peut donc dire que la loi et la société évoluent et condamnent hommes et femmes de la même façon.
Ces crimes qui ont choqué l’opinion
Meurtre de Ginette Bellerose : sa nièce passe aux aveux
Véronique Marie Arcanthe (30 ans) a été arrêtée par la Major Crimes Investigation Team (MCIT) dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de Ginette Bellerose (70 ans) commis, le 8 novembre 2017, à Richelieu. Trahie par ses empreintes présentes sur divers couteaux, la suspecte est passée aux aveux.
La nièce de Ginette Bellerose a été arrêtée par les officiers de la MCIT, le mercredi 24 janvier, soit plus de trois mois après le décès de la vieille dame. Les empreintes de la suspecte ont été retrouvées dans différents endroits de la maison de la victime. La septuagénaire avait reçu plusieurs coups de couteau après un vol qui aurait mal tourné. Des empreintes de Véronique ont également été retrouvées sur deux couteaux saisis sur le lieu du crime.
Confrontée au rapport des tests ADN, la nièce a fini par cracher le morceau. Elle a raconté avec moult détails les faits.
À 17 ans, elle tue son bébé de trois mois
Cela s’est passé à Camp-Levieux, l’année dernière. Vuran, âgé de trois mois, a été tué par strangulation par sa mère, Nandinee, 17 ans. Cette dernière a déversé toute sa colère contre le nourrisson à la suite d’un conflit avec son petit ami Kevin, 22 ans. Après la dispute, Nandinee a giflé et griffé son bébé avant de l’étrangler. Selon le rapport d’autopsie, l’enfant est mort asphyxié par le contenu de son estomac. La jeune femme a été inculpée de meurtre.
Témoignage - Jenny Telcide : «Je n’ai jamais voulu tuer mon mari»
Jenny Telcide, 34 ans, est actuellement en liberté conditionnelle. Elle est accusée d’avoir mortellement poignardé son mari, le 10 août 2017. Elle soutient qu’elle était victime de violence domestique : « Je subissais divers sévices et recevais des coups de mon défunt époux. Je l’ai toujours aimé. Je n’ai jamais voulu le tuer. C’était un accident. Il me battait et j’ai essayé de me défendre. Je regrette mon geste car aujourd’hui, j’en paie le prix fort. Outre mon mari qui n’est plus là, j’ai perdu mes enfants. Ils sont avec ma belle-mère qui m’interdit de les voir ». Jenny a entamé un nouveau combat pour obtenir la garde de ses enfants.
Henrietta : Elle avoue le meurtre de son mari, 12 ans après
Le mercredi 25 janvier. Cela faisait 12 ans jour pour jour depuis qu’Iqbal, un habitant de Henrietta, est décédé. Soupçonnant un foul-play, la police a rouvert l’enquête. Elle a abouti, le 25 janvier, avec l’arrestation de l’épouse de la victime, Fayza Ramjaun. Lors de son interrogatoire par la Major Crimes Investigation Team (MCIT), elle a fait une révélation de taille en avouant le meurtre d’Iqbal.
L’épouse de 50 ans a avoué avoir empoisonné son mari au cyanure, car il prévoyait de contracter un «nikah» (mariage religieux islamique) avec une voisine. Fayza Ramjaun a été inculpée provisoirement de meurtre.
Me Indranee Boolell Bhoyrul : «Pas de traitement de faveur pour les femmes»
« Je ne crois pas que la loi soit moins sévère envers les femmes », assure l’avocate, Me Indranee Boolell-Bhoyrul. « La loi est égale pour tous, mais il est vrai que les décisions varient par rapport au cas traité. En cour d’assises, pour le jugement des crimes, le juge considère les faits et les points avancés avant de prononcer la sentence. Je suis catégorique : la loi est appliquée de la même façon pour tous. Qu’il soit commis par un homme ou une femme, un crime reste un crime aux yeux de la loi. Même si la femme, accusée de crime, est maman, elle ne bénéficiera d’aucun traitement de faveur. »
Questions à...Jonathan L’Enclume, Rehabilitation et Reintegration Officer, de l’association Kinouete : «La stigmatisation est la plus grande barrière»
Pourquoi cette différence entre les hommes et les femmes au niveau de la criminalité ?
Quand il s’agit de criminalité d’un point de vue juridique, l’homme et la femme ne bénéficient d’aucune différence. C’est évident à travers le nombre de condamnations prononcées quelque soit le genre de l’accusé(e). Ainsi, pour délits/trafics de drogue, la sévérité des peines sera la même, allant jusqu’à 42 ans de prison.
Où se trouve donc la différence évoquée ?
Elle commence dès le premier jour d’incarcération. La privation de liberté signifie pour la femme une coupure brutale avec sa famille et surtout avec ses enfants. Cela crée un stress énorme, une peur par apport à ce qui risque de leur arriver. Chez l’homme, cela fonctionne autrement, en raison de la nature machiste et violente de l’univers carcéral. La situation s’inverse aussi vers la fin des peines et quand approche la libération. Avec le soutien de la prison et des ONGs, les femmes sont plus sereines et sûres d’elles, contrairement aux détenus masculins qui passent par une phase de questionnement et de doute quant à leur capacité à ne pas récidiver.
Comment les femmes vivent-elles leur libération?
Les femmes la vivent aussi difficilement que les hommes. Même si elles ont bénéficié d’un programme de réinsertion et se montrent souvent optimistes, les défis à relever sont difficiles. Par exemple, se trouver un logement ou simplement un abri pour celles qui n’ont nulle part où aller. Il y a le problème de retourner dans l’environnement qui a causé leur incarcération, comme dans les cas de prostitution ou de drogue. Pour les mères, la réinsertion au sein de la famille reste problématique, en raison de leur longue absence. Difficile en ce cas de renouer la relation rompue avec les enfants ou de restaurer son autorité parentale. Souvent mères célibataires, sans éducation ou formation professionnelle, les ex-détenues ont du mal à trouver de l’emploi. Situation aggravée par la stigmatisation de la société, les proches et les voisins. Autant de comportements qui dressent une barrière pour une réinsertion sociale appropriée. Le regard des autres tue.
Pourquoi les femmes tuent ?
Selon Samcoomar Heeramun, psychothérapeute, souvent les femmes ne tuent pas pour les mêmes raisons que les hommes et leur mode opératoire diffère : « Les victimes de ces femmes sont, pour la plupart des cas, leur partenaire, des hommes avec qui elles ont entretenu des liens intimes. Ces meurtrières n’ont pas forcément d’antécédents judiciaires et sont souvent jugées coupables de crime passionnel. Autre cas, elles commettent des infanticides ou des actes de maltraitance sur leurs enfants. Parfois, ces femmes souffrent de troubles mentaux. Elles ne peuvent pas expliquer leur geste et finissent par se suicider. Il y a aussi des exceptions : certaines pour l’argent, par vengeance ou par colère.»
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