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Drogue contre or : le trafic qui blanchit l’argent sale

Des trafiquants agissent de connivence avec certains bijoutiers peu scrupuleux.

Une enquête policière a dévoilé une pratique de plus en plus employée par les trafiquants de drogue. Un suspect a révélé avoir échangé des bijoux contre de la drogue. Un phénomène qui démontre l’ingéniosité croissante des criminels pour dissimuler leurs activités illicites.

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Dans la matinée du lundi 19 février, un habitant de Camp-Thorel âgé de 21 ans a été arrêté par la Central Investigation Division (CID) de Quartier-Militaire. Il est accusé d’avoir dérobé une somme de Rs 999 000 chez l’un de ses proches. Durant son interrogatoire, il a avoué aux policiers qu’il avait échangé une partie de son butin, soit des bijoux en or, contre de la drogue, qu’il avait consommée avant son arrestation. « Monn donn 115 gram lor pir, monn gagn Rs 115 000 ladrog », a déclaré le suspect. Il reste en détention pour vol. 

Ces aveux braquent les projecteurs sur ce modus operandi adopté par les trafiquants de drogue qui sont nombreux à accepter de vendre leurs produits illicites contre des bijoux. Et pour cause, un gramme d’or est évalué à Rs 2 965 sur le marché. Ainsi, l’habitant de Camp-Thorel a fourni 115 grammes d’or à Rs 1 000 le gramme à un présumé trafiquant de drogue. Une pratique rare, mais connue dans le milieu de la brigade antidrogue. « En utilisant ce stratagème, les trafiquants blanchissent plus facilement leur argent sale », indique-t-on. 
Étant pleinement conscients que les consommateurs de drogue sont prêts à tout pour obtenir de quoi satisfaire leur addiction, les trafiquants acceptent de recevoir des bijoux comme paiement, qu’ils évaluent à des prix inférieurs, avant de fournir leurs produits à leurs clients. Une fois le bijou en leur possession, ils sollicitent un bijoutier avec qui ils font affaire régulièrement. D’ailleurs, on nous fait comprendre que « les trafiquants connaissent déjà les bijoutiers qui achèteront cet or ». 

Lorsqu’un trafiquant propose les bijoux à la vente, le bijoutier fait une offre bien inférieure à la valeur réelle. Et si la somme proposée lui convient, c’est-à-dire dans une situation où il récupère la somme d’argent nécessaire équivalente au montant de drogue vendue, la transaction est effectuée. Ensuite, le bijoutier déclare l’achat en or à sa valeur réelle, réduisant ainsi le chiffre officiel de ses revenus. « C’est tout un circuit organisé pour permettre le blanchiment d’argent », confie un haut gradé de l’Adsu. « C’est une situation gagnant-gagnant pour le bijoutier et les trafiquants », confient des Field Intelligence Office (FIO). En effet, chaque partie sort gagnante et l’argent sale ressort blanchi dans le circuit.

De plus, pour ne pas commettre d’infractions au FIAMLA, une source de l’antidrogue confie que les bijoutiers ou autres acheteurs de bijoux s’assurent que les transactions ne dépassent pas Rs 500 000, évitant ainsi d’avoir à fournir des explications aux autorités ou aux banques. Ces dernières réalisent généralement l’exercice de « Know Your Customer » (KYC) lorsque les clients viennent déposer d’importantes sommes d’argent. « Toutefois, lorsqu’il s’agit de petits montants, ils n’y prêtent pas attention », fait-on comprendre. C’est pourquoi les trafiquants de drogue détiennent plusieurs comptes dans différentes banques. Ils répartissent l’argent et effectuent des dépôts à diverses occasions. Une fois l’argent déposé sur les comptes, il devient propre et peut être utilisé pour des transactions officielles, telles que l’acquisition de biens.

Toutefois, certains trafiquants font preuve de plus de clairvoyance et refusent catégoriquement de recevoir des bijoux, souvent des objets volés, comme paiement pour l’achat de drogue. Ils craignent d’être repérés par les officiers de la CID dans le cadre d’enquêtes sur des vols. « Certains trafiquants mènent leurs transactions et ne veulent pas être impliqués dans des affaires de vol. » En revanche, ceux qui doivent absolument vendre leurs drogues pour faire fructifier leur « business » font des concessions. C’est à ce moment-là qu’ils s’associent souvent à un bijoutier qui devient leur acheteur attitré.


L’Adsu : « Nous récupérons souvent des bijoux en possession des trafiquants »

À plusieurs reprises, les opérations antidrogues ont abouti à la saisie d’importantes quantités de bijoux. Les enquêteurs savent qu’il s’agit principalement de bijoux acquis comme paiement de la part des clients. Au niveau de la police, les bijoux saisis sont remis à l’Assay Office pour analyses. Dans le cadre d’enquêtes approfondies, la police recherche des détails pour remonter jusqu’au bijoutier qui a fabriqué les bijoux en question. « Chaque bijou a un poinçon qui permet de remonter jusqu’au bijoutier et parfois au client », dit-on. Quand il s’agit de cas liés à des bijoux, un volet entier est consacré à leur provenance et leurs propriétaires sont alors sollicités. « S’ils réussissent à prouver la provenance et le financement corrects, c’est parfait », soulignent les responsables de la police. Dans le cas contraire, un volet de l’enquête est dédié au blanchiment d’argent pour épingler les coupables.


Viande, iPhone, smartphones… comme monnaie d’échange

Certains toxicomanes font preuve d’imagination pour se procurer leur drogue. Outre les bijoux, il y en a qui n’hésitent pas à vider le réfrigérateur pour fournir de la viande, du poisson ou du poulet aux trafiquants. C’est ce que nous explique un travailleur social actif dans la capitale : « Les trafiquants n’ont aucune limite ni aucune pudeur. Ils sont prêts à tout accepter pour vendre leur poison. » 

Il précise qu’à plusieurs reprises, il a rencontré des proches de toxicomanes se plaignant que leurs réfrigérateurs et garde-manger sont régulièrement vidés. Et ce n’est pas tout. « Ziska sez plastik, telefon portab, laptop, bann soulie grife... », autant d’objets qui servent de monnaie d’échange. Un portable d’une valeur de Rs 50 000 peut être échangé contre environ Rs 2 000 à Rs 3 000 de drogue. 

Dans certains lieux de vente, les trafiquants ont recours à des complices intermédiaires, chargés uniquement de récupérer les objets en échange de paiement en argent. Ensuite, les toxicomanes utilisent cet argent pour acheter de la drogue, à quelques mètres du lieu de vente. « Ils font cela afin d’empêcher les voleurs de révéler  l’emplacement de la maison du trafiquant à la police en cas d’arrestation », confient nos sources proches de la police.


Des bijoux fondus en lingots

Les trafiquants de drogue fondent fréquemment des bijoux en lingots d’or. C’est un moyen de préserver leurs biens et d’utiliser les lingots d’or pour de futures transactions. Certains trafiquants n’hésitent pas ensuite à les transformer en bijoux en or ostentatoires, plus souvent des chaînes ou des bracelets en or, qu’ils portent comme signe de puissance.

 

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